COMMENTAIRE SUR MICHÉE, par Dr. Wilbert Kreiss - index  COMMENTAIRE SUR MICHÉE, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

PECHE, CHATIMENT ET PARDON (Michée 7:1-20)

 

Plus de justice dans la nation, plus de confiance dans les familles:

"Hélas! Malheur à moi! Parce que je ressemble à celui qui viendrait chercher des fruits en plein été, à celui qui grappille après les vendangeurs. Mais il n'y a pas une grappe que l'on pourrait manger, et pas une figue nouvelle dont j'ai si grande envie. Non, il ne reste plus dans le pays d'homme fidèle à l'Eternel, plus personne n'est droit. Tous guettent l'occasion de répandre le sang et chacun traque son prochain en lui tendant un piège. Pour commettre le mal, leurs mains sont bien expertes. Les dirigeants, les juges exigent des présents, les grands prononcent leurs jugements pour satisfaire leur avidité; ils font cause commune. Le meilleur parmi eux n'a pas plus de valeur qu'un tas de ronces, et le plus droit est pire qu'un buisson d'épineux... Le voici qui arrive, le jour annoncé par tes sentinelles, le jour où l'Eternel va intervenir contre toi. Et maintenant, ils seront consternés. Ne vous fiez donc plus à votre ami intime, et n'ayez pas confiance en votre compagnon; oui, même devant celle qui dort entre tes bras, garde tes lèvres closes! Car le fils méprise son père, la fille se révolte contre sa propre mère, comme la belle-fille contre sa belle-mère, et chacun a pour ennemis les gens de sa famille" (7:1-6).

Ce texte est d'une âpre beauté. Michée y parle de lui-même et des sentiments qu'il éprouve, ce qui n'est pas très courant chez les prophètes. Il ressemble en cela à Jérémie. Comme lui, il se livre au lecteur et clame sa souffrance. Il n'est pas un sadique qui se réjouit des épreuves frappant son peuple. Il ne ricane pas en constatant que ses prédictions s'accomplissent et que Jérusalem reçoit ce qu'elle mérite. La tâche d'annoncer au peuple le jugement de Dieu était pour lui un véritable fardeau.

Des fruits en plein été:

En Palestine, la moisson se termine à la Pentecôte. En plein été, il n'y a plus rien à récolter. Michée est semblable à un homme qui arpente la campagne à la recherche de fruits à une époque où elle n'en produit pas. Il ne trouve dans le peuple aucun homme de bien, personne qui s'applique à la justice et à l'équité, pas plus qu'il n'y a de raisins dans une vigne après le passage des vendangeurs.

Les V.2-6 sont une nouvelle description de l'injustice qui règne en Israël. Le prophète est insatiable de mots et d'images montrant que le peuple tout entier est pourri et suit le mauvais exemple de ses chefs. Tous sont prêts à commettre le mal pour obtenir ce qu'ils désirent. Et la haute société donne le mauvais exemple. Ceux qui détiennent du pouvoir dans la nation sont gagnés par la corruption. Les meilleurs ne sont que des ronces ou des chardons qui piquent celui qui s'en approche.

Ami intime..., compagnon..., celle qui dort entre tes bras:

Une société est tombée à son niveau le plus bas, quand on ne peut même plus faire confiance à ses voisins, ses collègues et ses amis, ni aux membres de sa propre famille, quand il faut se méfier de ses plus proches, y compris de la femme de sa vie. Les relations humaines sont alors totalement perturbées. La duplicité règne au sein même des familles et des couples, là où on l'attend le moins. Il n'y a plus alors aucun espoir de restauration. On se souviendra que Jésus, décrivant la fin des temps, a prononcé des paroles semblables (Matthieu 10:34-36).

Le fils..., la fille:

C'est le reniement du respect qu'on doit aux parents, une des plus graves atteintes au droit institué par Dieu. Cf. Proverbes 30:17; 23:22; Ephésiens 6:2; 1 Pierre 2:18. C'est peut-être toujours par là, par le refus du respect dû aux parents et le rejet de leur autorité, que commence le déclin et que s'amorce l'extinction des civilisations. L'ordre naturel est renversé quand l'enfant est convaincu de n'avoir que des droits, quand il ne reconnaît pas ses devoirs, qu'il grandit sans contrainte aucune, qu'il n'accepte aucune règle et qu'il prend ses parents et ses aînés pour des demeurés et des sous-évolués. Celui qui grandit ou qu'on laisse grandir dans une telle atmosphère n'apprendra jamais à respecter les autres. Il y a dans ces paroles du prophète un bon thème de méditation pour les adolescents et matière à réflexion pour tous ceux qui sont chargés d'élever des enfants. Il faut les aimer, les entourer d'affection, les laisser s'épanouir et tout faire pour qu'ils ne deviennent pas des névrosés et des êtres inquiets. Mais c'est une erreur de les mettre sur un piédestal, une hérésie de civilisation de les traiter comme des petits rois.

Jérusalem sera détruite, et Michée en est malheureux. Il crie sa solitude, semblable à celle d'Elie qui se croyait seul en Israël à être resté fidèle à Dieu (1 Rois 19). Il y aurait des choses intéressantes à dire sur cette solitude des prophètes et des pasteurs, résultant de leur ministère. La fidélité de celui qui est le porte-parole de Dieu le condamne parfois à une solitude douloureuse. Mais le fait de se sentir seul ne signifie pas qu'on le soit effectivement. Cf. le tour que Dieu joua à Elie en lui annonçant que 7.000 hommes n'avaient pas fléchi les genoux devant Baal. Il est fidèle à ses promesses et se réserve un reste que personne ne peut arracher de sa main. Cf. les derniers versets du prophète Michée (7:18-20).

Châtiment et pardon:

"Quant à moi, je me tourne vers l'Eternel, je m'attends au Dieu qui me sauve, et mon Dieu m'entendra. Tu n'as pas lieu de te réjouir en te moquant de moi, ô toi, mon ennemie, car si je suis tombée, je me relèverai. Si je suis enfermée au milieu des ténèbres, l'Eternel est pour moi une lumière. J'ai péché contre lui, je supporterai donc le poids de sa colère, jusqu'à ce jour où il prendra en main ma cause, où il me fera droit et me fera sortir à la lumière, et je contemplerai son oeuvre qui établira la justice. Alors mon ennemie en sera le témoin et sortira couverte de honte, elle qui me disait: "Où donc est l'Eternel ton Dieu?", et je la verrai de mes yeux être foulée aux pieds comme la boue des rues. Voici venir le jour où l'on rebâtira les murs de votre ville, et voici, ce jour-là, on repoussera tes frontières. En ce jour-là, des gens viendront vers toi: de l'Assyrie jusqu'à l'Egypte, et de l'Egypte jusqu'au fleuve, et d'une mer à l'autre, d'une montagne à l'autre. Le reste de la terre deviendra un désert à cause de ses habitants, ce sera le salaire de leurs agissements" (7:7-13).

C'est le "happy end" du livre de Michée. Quand tout semble perdu, la lumière de l'espoir brille encore. Les terribles menaces sont suivies de merveilleuses promesses et d'une glorieuse espérance. La foi de Michée en la souveraineté de Dieu l'assurait que son dessein n'était pas anéanti par l'infidélité de son peuple.

Tu n'as pas lieu de te réjouir:

Le prophète fait chanter le peuple exilé, mais celui-ci n'ose le faire en public, de peur qu'on ne se moque de lui (cf. les harpes suspendues aux arbres du Psaume 137). Alors, se tournant vers les Babyloniens goguenards et fiers de leur victoire, il leur demande de ne pas se réjouir trop tôt. Le Seigneur ramènera son peuple vers la lumière. Après le jugement et le châtiment, il y aura une restauration. Au moment de l'exil, l'ennemi devait se moquer de Dieu: "Où donc est l'Eternel ton Dieu?" (V.10). Le châtiment frappant Jérusalem ne prouvait-il pas que Yahvé son Dieu avait été battu par les dieux des Babyloniens? N'était-il pas un dieu minable comparé à Bel, Marduk et tous les autres qui faisaient marcher les puissantes armées babyloniennes de victoire en victoire et leur permettaient de conquérir un pays après l'autre? Cf. 2 Rois 18:33-35.

Israël n'a pas vécu ses épreuves comme une absence, une impuissance ou une inexistence de son Dieu, mais comme l'interpellation d'un Seigneur jaloux qui ne se renie pas et reste fidèle à son alliance, qui veut la repentance et le salut de son peuple. L'ennemi ne savait pas cela et ne pouvait pas le savoir. Il ne comprenait pas que la défaite du peuple était l'oeuvre même de son Dieu et non un signe de sa faiblesse ou de son infériorité, qu'il se servait des autres nations pour châtier son peuple méchant et infidèle. Il agissait en Roi des rois, en souverain de la terre qui utilise les nations et les peuples pour accomplir ses desseins. Mais les païens seront couverts de honte, quand il manifestera sa toute-puissance pour délivrer son peuple dispersé (V.10).

L'Assyrie, l'Egypte, jusqu'au fleuve, d'une mer à l'autre, d'une montagne à l'autre:

Le châtiment divin a une fonction rédemptrice. Le jour où Dieu rétablira Jérusalem, les nations comprendront quel a été son plan et, témoins de sa puissance et de sa fidélité, elles se prosterneront devant lui. Son amour et sa miséricorde exprimés dans le pardon accordé au petit reste attireront les peuples vers le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Son dessein dans la captivité et la restauration d'Israël était de magnifier à la fois sa justice et sa miséricorde et de faire connaître son nom sur toute la terre.

Le dernier mot de Dieu est toujours un mot de grâce, une promesse de pardon et de salut. Aussi le Royaume de Dieu a-t-il le dernier mot dans l'histoire de ce monde et les nations païennes qui se gaussaient des défaites et des revers de son peuple viendront-elles se joindre à lui pour adorer un Dieu aussi grand que Yahvé. La prophétie, une fois de plus, brise le cadre du simple retour de l'exil et de la restauration de Jérusalem. Elle trouve son accomplissement dans l'Israël spirituel de la nouvelle alliance, dans l'Eglise chrétienne. Dieu se rassemble un peuple de pécheurs repentants et croyants qui vivent de la grâce, du pardon et du salut qu'il leur offre en Jésus-Christ. Il déverse sur lui ses plus grandes bénédictions et le conduit vers la Jérusalem céleste qu'est son saint paradis. Il rassemble ses élus sur toute la terre, du milieu des nations et des peuples les plus divers, et fait d'eux des enfants d'Abraham.

 

La miséricorde aura le dernier mot:

"Eternel, pais ton peuple sous ta houlette! C'est le troupeau qui t'appartient, il habite à l'écart dans les fourrés, au milieu du Carmel. Qu'il puisse paître dans les prés du Basan et du mont Galaad, comme aux jours d'autrefois! "Comme au temps de jadis où tu sortis d'Egypte, je te ferai voir des prodiges". Les nations le verront et seront confondues malgré tout leur pouvoir. Elles ne trouveront plus un seul mot à dire, elles seront abasourdies. Tout comme le serpent et comme les reptiles, en tremblant, elles sortiront de leurs retranchements, et se présenteront devant l'Eternel, notre Dieu, et elles te craindront. Quel est le Dieu semblable à toi, qui efface les fautes et qui pardonne les péchés du reste de ton peuple qui t'appartient? Toi, tu ne gardes pas ta colère à jamais, mais tu prends ton plaisir à faire grâce. Oui, de nouveau tu auras compassion de nous, tu piétineras nos péchés, et au fond de la mer tu jetteras nos fautes. Oui, tu témoigneras de la fidélité au peuple de Jacob. Tu manifesteras ta grâce aux enfants d'Abraham comme tu l'as promis aux temps anciens, à nos ancêtres" (7:14-20).

C'est une dernière prédiction de l'ère messianique. Michée ou le peuple lui-même demande à Dieu de redevenir son berger et de rendre à son troupeau la prospérité, le bonheur et le paix, comme au temps passé. Le Basan et les monts Carmel et Galaad (V.14) étaient réputés pour la richesse de leurs herbages ou pour la paix et la sérénité qu'y goûtaient les troupeaux. Le rappel de la sortie de l'Egypte (V.15), l'évocation de cet acte rédempteur par excellence qui comptait tant dans l'histoire d'Israël, acte par lequel il était devenu le peuple de Dieu, engage le Seigneur à le délivrer à l'avenir et prélude à la grande délivrance que le Christ est venu apporter et que les croyants attendent avec foi.

Yahvé, qui est le plus grand, le plus transcendant, le plus inaccessible, le plus lointain des dieux que vénèrent les hommes en est aussi le plus proche, le plus humain, celui qui s'est le plus intimement lié à eux en concluant avec eux une alliance. Inaccessible en ce sens qu'aucun homme ne peut aller à sa recherche et le trouver, il est celui qui est allé au-devant des hommes. Insaisissable, il est celui qui se donne. S'il est le Dieu qu'on ne peut tenir, il est celui qui s'allie. Caché et secret par excellence, il est le Dieu qui parle et qui dit tout sur lui-même. Ou presque... Auteur de grands miracles (V.15), il en fera de nouveaux, si bien que les nations seront "abasourdies", bouche-bée, rendues muettes. De leurs bouches regorgeant de blasphèmes et de moqueries, il ne sortira plus aucun son. Craintives comme les serpents et autres reptiles (V.17), elles lécheront la poussière devant Yahvé et se présenteront devant lui, le coeur rempli de crainte et d'adoration.

Quel est le Dieu semblable à toi?

Les trois derniers versets sont le sommet non seulement d'un chapitre, mais de tout un livre. Ils sont un magnifique psaume louant et célébrant Yahvé. Aucun Dieu n'est semblable à lui, et le livre de Michée en est l'éloquente illustration. La coda de cette symphonie divine est faite de tonalités majeures. C'est un hymne à l'insondable miséricorde du Seigneur.

Dieu pardonne fautes et péchés. Il les pardonne entièrement, totalement, pour ne plus jamais s'en souvenir. Il les "piétine" et les jette "au fond de la mer", dit le prophète. C'est en cela qu'il est différent de tous les autres dieux. Mais il ne pardonne pas à n'importe qui. Son pardon est pour le reste de son peuple qui lui appartient (V.18). "... afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle" (Jean 3:16). "Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:16). Son pardon est riche, total et gratuit, mais il est là pour ceux qui le saisissent par la foi, et rien que pour eux.

Ainsi, le livre bouillant, terrifiant et explosif de Michée s'achève sur une grandiose cadence, une confession admirable, l'affirmation du pardon, opus proprium de Dieu, ce qu'il aime faire par-dessus tout, la raison d'être de tous ses plans, de ses révélations et de son alliance. Il sait aussi se mettre en colère, et Michée ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Mais il le fait à contre-coeur et aimerait n'avoir pas à le faire. Si cela ne dépendait que de lui, il ne ferait que pardonner.

Peuple de Jacob..., enfants d'Abraham:

Abraham et Jacob sont morts depuis longtemps, mais l'un a des enfants et l'autre a un peuple. Les futurs "tu témoigneras de la fidélité..., tu manifesteras ta grâce", alors que les patriarches sont morts depuis longtemps, affirment la certitude des promesses que Dieu leur avait faites. Quand Dieu fait grâce à ses enfants, il ne fait que se souvenir de l'alliance conclue avec Abraham, Isaac et Jacob, une "alliance éternelle" (Psaume 105:8.9) que même l'infidélité des hommes ne peut pas anéantir.

Fidélité..., grâce:

Faut-il rappeler qu'il s'agit là de deux mots d'une importance capitale et qui jouent dans la Bible un rôle décisif? C'est dans la fidélité à son alliance que Dieu a envoyé le Sauveur promis, la postérité d'Abraham en qui devaient être bénies toutes les nations de la terre, le Serviteur de l'Eternel qui a été frappé pour les péchés de son peuple (Esaïe 53). Et c'est en lui que Dieu offre sa grâce à ceux qui la lui demandent d'un coeur humble et croyant. La grâce est venue en lui (Jean 1:14.17). C'est de sa plénitude qu'on reçoit "grâce pour grâce" (Jean 1:16). Jésus-Christ est ainsi l'accomplissement ultime de ce texte merveilleux. C'est en lui que culminent toutes les promesses de Dieu. Il est l'Amen divin à tout ce qui a été annoncé et promis par la bouche des prophètes (2 Corinthiens 1:20). Dieu n'est pas un homme pour mentir. Il ne se renie jamais. C'est la grande chance de son peuple, de son Eglise.

 

Questions de révision et exercices:

 


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13-février-2001, Rev. David Milette.