PETITE DOGMATIQUE LUTHERIENNE, par Dr. Wilbert Kreiss - index  PETITE DOGMATIQUE LUTHERIENNE, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

LES MOYENS DE GRACE: PAROLE DE DIEU ET SACREMENTS

"C'est par ce moyen et non pas d'une autre façon, c'est par la Parole sainte, soit qu'on l'entende prêcher, soit qu'on la lise, et par l'usage des sacrements administrés conformément à la Parole, que Dieu veut appeler tous les fidèles à la félicité éternelle, les attirer, les convertir, les régénérer et les sanctifier... C'est de cette façon que le Saint-Esprit, qui opère tout cela, pénètre dans le coeur" (Formule de Concorde, Solida Declaratio, II, 51.54).

 

1. QU'EST-CE QU'UN MOYEN DE GRACE?

La Bible nous invite à distinguer entre le salut tel qu'il a été acquis en son temps par Jésus-Christ et le salut tel qu'il est appliqué à tous ceux qui entendent l'Evangile et le reçoivent avec foi. On appelle cela distinguer entre le salut objectif et le salut subjectif. La christologie enseigne comment, en la personne de son Fils, Dieu a racheté le monde et l'a réconcilié avec lui-même, expiant ses péchés et lui acquérant le pardon et la vie éternelle. La doctrine du salut a montré tout ce qu'il fait dans le temps pour appliquer au pécheur le salut acquis: il l'appelle, le convertit, le justifie, le sanctifie et le maintient dans la foi jusqu'à la victoire finale.

Le présent chapitre va nous montrer quels sont les moyens qu'il utilise pour cela. Il n'y a à vrai dire qu'un moyen de grâce ou de salut, c'est l'Evangile dont l'apôtre dit: "Je n'ai point honte de l'Evangile. C'est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi" (Romains 1:16.17). L'Evangile est moyen de grâce ou de salut parce qu'il révèle la grâce de Dieu en Christ, nous dit ce que le Seigneur a fait pour racheter le monde. Or cet Evangile avec ses promesses parvient à nous de plusieurs façons: sous forme de Parole de Dieu que nous pouvons lire (Bible) ou entendre (prédication), et dans les sacrements que sont le Baptême et la Sainte Cène. A la suite de saint Augustin, on dit en théologie que les sacrements sont Parole de Dieu visible: Dieu y énonce les mêmes promesses et y offre les mêmes bienfaits, le pardon et le salut, mais d'une façon visible et non plus seulement audible, car ses promesses sont liées à l'eau du Baptême, au pain et au vin de la Cène.

Les moyens de grâce sont de la sorte des moyens institués par le Christ pour offrir et appliquer aux hommes la grâce, le pardon et la vie éternelle acquis par lui. Par l'offre même de ces bienfaits, ils font naître et préservent dans les coeurs la foi qui sauve.

Jésus dit aux disciples d'Emmas: "La repentance et le pardon des péchés sont prêchés en son nom à toutes les nations" (Luc 24:47). L'apôtre Paul écrit: "C'est par lui que le pardon des péchés est annoncé, et quiconque croit en lui est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse" (Actes 13:38.39). Voilà pour la prédication de l'Evangile. Mais le pardon et le salut sont aussi offerts et promis dans le Baptême et la Sainte Cène. Avant de monter au ciel, le Christ dit aux disciples: "Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé" (Marc 16:16), et Pierre dit à la foule, le jour de la Pentecôte: "Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon des péchés" (Actes 2:38). Quant à la Cène, Jésus dit en tendant la coupe aux disciples: "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs en rémission des péchés" (Matthieu 26:28).

Mais ce n'est pas tout: En offrant le pardon et le salut, les moyens de grâce font naître la foi dans les coeurs et l'y affermissent. "La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Christ", dit l'apôtre (Romains 10:17). Pierre précise à ses lecteurs qu'ils ont été "régénérés non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu" (1 Pierre 1:23.24). L'Evangile est donc semblable à une semence qui germe et produit la vie. Jacques de même dit de Dieu: "Il nous a engendrés selon sa volonté, par la parole de la vérité" (Jacques 1:18). Parlant du Baptême, Jésus affirme que "si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu" (Jean 3:5). Saint Paul l'appelle "le bain de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit" (Tite 3:5).

Nous reviendrons là-dessus dans le détail. Pour l'instant, il suffit de constater que Dieu utilise des moyens précis pour offrir au monde les bienfaits que le Christ lui a acquis quand il était sur terre. Il s'agit de l'Evangile et des sacrements. C'est par eux qu'il accomplit sa volonté de salut, que le Saint-Esprit agit dans les coeurs, appelle au salut, fait naître la foi, la fortifie et donne au croyant la volonté et la force de marcher chrétiennement et de rester fidèle jusqu'à la mort. L'Eglise luthérienne insiste beaucoup sur ce point, car il existe de nombreuses communautés qui enseignent que le Saint-Esprit agit immédiatement dans les coeurs, qu'il ne se sert pas pour cela de la Parole de Dieu et des sacrements. On appelle cela l'illuminisme théologique.

Questions de révision et exercices:

La Parole de Dieu:

Dieu utilise sa Parole pour faire son oeuvre et conduire les hommes au salut. Ceux-ci sont pécheurs et il faut les délivrer de leur mal. Voilà pourquoi la Parole de Dieu est Loi et Evangile. La Loi a pour fonction de révéler à l'homme son péché et sa misère, pour qu'il en prenne conscience, et de l'appeler à la repentance: "Nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu... C'est par la Loi que vient la connaissance du péché" (Romains 3:19.20). Ailleurs, l'apôtre Paul affirme qu'elle "produit la colère" (Romains 4:15), qu'il n'aurait pas "connu la convoitise, si la Loi n'eût dit: Tu ne convoiteras point" (Romains 7:7).

L'Evangile, au contraire, annonce la miséricorde de Dieu et l'oeuvre que Jésus a accomplie, et promet le pardon et le salut à ceux qui croient en lui. Il est "une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit" (Romains 1:17). "La prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent. Mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu" (1 Corinthiens 1:18). La lettre, c'est-à-dire la Loi, tue, mais l'Esprit qui agit dans l'Evangile vivifie (2 Corinthiens 3:6; Jean 6:63.68).

Il existe ainsi une différence fondamentale entre la Loi et l'Evangile. Le mot "Loi" a plusieurs sens dans la Bible. Il peut désigner l'ensemble de la Parole de Dieu ou bien le Pentateuque (livres de Moïse) ou le Décalogue, ou encore la loi civile et politique. Dans ce chapitre où elle est opposée à l'Evangile, la Loi désigne tout discours par lequel Dieu exige que sa sainte volonté soit faite, condamne le péché, menace le transgresseur de sa colère et du châtiment, et lui demande de se repentir et de se détourner du mal. L'Evangile, de son côté, est "bonne nouvelle". Il n'exige rien et ne menace jamais, mais révèle l'amour dont Dieu aime le pécheur et le pardon qu'il lui offre en Jésus-Christ. La Loi et l'Evangile sont révélés dans la Bible. Mais tandis que l'Evangile n'est révélé que là, dans la Parole de Dieu, il existe aussi une connaissance naturelle de la Loi, incomplète et corrompue, mais réelle tout de même, car elle est inscrite dans la conscience de l'homme. L'apôtre Paul écrit en effet: "Quand les païens qui n'ont point la loi font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n'ont point la loi, une loi pour eux-mêmes. Ils montrent que l'oeuvre de la loi est écrite dans leur coeur, leur conscience en rendant témoignage et leurs pensées s'accusant et se défendant tour à tour" (Romains 2:14.15).

L'Eglise luthérienne définit de la façon suivante la différence entre la Loi et l'Evangile:

Les sacrements:

La chrétienté est divisée sur la question de savoir combien il y a de sacrements. L'Eglise catholique en compte sept, le Baptême, la confirmation, la Sainte Cène, la pénitence appelée de nos jours sacrement de la réconciliation, l'extrême-onction ou sacrement des malades, l'ordre et le mariage, tandis que le protestantisme n'en connaît que deux, le Baptême et la Sainte Cène. Le mot ne figurant pas dans la Bible, tout est donc une question de définition. L'Eglise luthérienne définit le sacrement comme un acte institué par Jésus-Christ lui-même, dans lequel il offre sous des éléments visibles sa grâce salutaire, son pardon et son salut, confirme et scelle ces bienfaits aux croyants. Dans ce sens précis, il ne peut y avoir que deux sacrements.

On appelle "matière" du sacrement l'utilisation d'un élément visible et le geste accompli, soit l'application de l'eau dans le Baptême et la distribution et consommation du pain et du vin dans la Cène. On appelle au contraire "forme" du sacrement ce qui fait qu'un acte donné est un sacrement. Il s'agit de la Parole de Dieu, sans laquelle il n'y aurait pas de sacrement, de la promesse de l'Evangile liée à l'application de l'eau dans le Baptême, à la distribution et la consommation du pain et du vin dans la Cène.

Quant au but du sacrement, il consiste à offrir de façon individuelle, avec un support visible, et donc à sceller à celui qui le reçoit avec foi, les promesses qui sont celles de l'Evangile, le pardon des péchés et la vie éternelle. Les sacrements agissent de la même façon que l'Evangile. Ils sont efficaces comme moyens de grâce, et leur efficacité ne dépend ni de celui qui les administre ni de ceux qui les reçoivent. Elle se fonde sur les seules promesses de Dieu. Cependant leurs effets salutaires ne sont reçus que par la foi. L'offre du pardon est toujours valide de la part du Seigneur, quelles que soient les dispositions du bénéficiaire, mais n'est appropriée que par la foi.

Ce sont les pasteurs dûment appelés au ministère qui ont pour mission en temps normal de prêcher la Parole de Dieu et d'administrer les sacrements. Le Baptême toutefois peut et doit être administré par n'importe quel chrétien, quand il y a danger de mort, donc urgence.

Nous enseignons enfin que les sacrements sont nécessaires au salut, tout simplement parce que Jésus-Christ les a institués pour offrir aux hommes sa grâce et la vie éternelle. Un chrétien ne peut en aucune façon les mépriser ou ne pas recourir à eux, pas plus qu'il ne peut mépriser la prédication de l'Evangile. Cependant, la foi seule étant d'une nécessité absolue, on peut être sauvé même si on n'a pas eu la possibilité de recevoir le Baptême ou la Sainte Cène.

Questions de révision et exercices:

 

2. LE BAPTEME

"Le Baptême n'est pas une eau ordinaire, mais une eau administrée par suite d'un commandement de Dieu et unie à sa Parole... Le Baptême opère la rémission des péchés, il délivre de la mort et du diable et il donne le salut éternel à tous ceux qui croient, conformément aux paroles et aux promesses de Dieu" (Martin Luther, Petit Catéchisme).

L'institution et l'administration du Baptême:

Le Baptême a été institué par Jésus-Christ avant de remonter au ciel, quand il dit aux disciples: "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Matthieu 28:18-20). Ou encore: "Allez par tout le monde et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:15.16). En réalité, Jésus a repris un baptême qui existait déjà, celui de Jean-Baptiste dans le désert. Il avait entre-temps accompli le salut que ce sacrement est chargé d'offrir aux monde.

Le Baptême consiste en l'application d'eau au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Le mot vient d'un terme grec qui signifie laver, éventuellement, mais pas nécessairement, en plongeant dans l'eau. Ceux qui prétendent que le Baptême doit avoir lieu par immersion soutiennent généralement que le mot en question signifie plonger. C'est inexact, parce que la chose n'est pas prouvée. Le mot ne signifie rien d'autre que laver.

Il est fort possible que beaucoup de baptêmes administrés à l'époque aient eu lieu par immersion. Jean-Baptiste l'a sans doute fait (Marc 1:4-11), Philippe peut-être aussi quand il baptisa l'eunuque d'Ethiopie (Actes 8:36-39). Mais il paraît évident aussi qu'on ait baptisé par simple effusion de l'eau. Ce fut sans doute le cas le soir de la Pentecôte, quand trois mille personnes reçurent le Baptême (Actes 2:41), ou bien quand on baptisait des gens dans les maisons (Actes 9:17-19; 10:47.48; 16:33). D'autre part, si l'immersion symbolise bien le fait que par le Baptême le croyant meurt au péché et vit avec le Christ, l'effusion ou aspersion rappelle que le sang de notre Sauveur nous purifie. L'Eglise luthérienne a toujours affirmé que la façon dont l'eau était appliquée dans le sacrement importait finalement assez peu et que la validité du Baptême ne dépendait pas de la quantité d'eau utilisée.

Les bienfaits et l'efficacité du Baptême:

Le Baptême est selon le clair enseignement de la Bible porteur de toutes les grâces et de tous les bienfaits que Jésus-Christ a mérités et acquis au monde par sa mort rédemptrice et sa résurrection victorieuse. Dieu y offre tout d'abord le pardon des péchés. Au soir de la Pentecôte, Pierre dit à la foule: "Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit" (Actes 2:38). Certes, il faut se repentir, mais la promesse du pardon est directement liée au Baptême. Ananias dit à Saul de Tarse qui venait de rencontrer le Christ sur le chemin de Damas: "Lève-toi, sois baptisé et lavé de tes péchés" (Actes 22:16). D'autre part, l'apôtre Paul écrit: "Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée par le bain d'eau dans la parole, afin de faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache ni ride ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible" (Ephésiens 5:25). Enfin, il est dit que Dieu nous a sauvés "non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit, qu'il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que justifiés par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle" (Tite 3:4-7). Même chez Jean-Baptiste, le lien entre la repentance, le Baptême et le pardon est évident: "Jean parut, baptisant dans le désert et prêchant le baptême de la repentance pour la rémission des péchés" (Marc 1:4).

L'Ecriture Sainte enseigne aussi que Dieu offre dans le Baptême le salut. Jésus dit aux disciples que "celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé", et que "celui qui ne croira pas sera condamné" (Marc 16:16). Certes, il est question de deux choses dans ce texte, de la foi et du Baptême, et en temps normal le Baptême est administré à ceux qui ont entendu l'Evangile et l'ont accepté par la foi. Mais il est vrai aussi que le salut est promis à ceux qui reçoivent ce sacrement. Il est donc légitime de dire qu'il est un moyen de salut. Saint Paul, nous l'avons vu, dit aussi que Dieu nous a "sauvés... selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit" (Tite 3:4.5). Enfin, l'apôtre Pierre déclare que l'eau du déluge fut une "figure du baptême... qui maintenant vous sauve" (1 Pierre 3:21).

La Bible ajoute encore que le Baptême fait entrer en communion avec Dieu: "Faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit" (Matthieu 28:19), et plus particulièrement avec Jésus-Christ: "Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ. Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ" (Galates 3:26.27). Revêtir Christ, c'est entrer en communion avec lui et bénéficier ainsi de tout ce qu'il a fait pour le salut du monde. C'est notamment être revêtu de son pardon. Selon l'épître aux Romains, nous avons été "baptisés en Christ", "en sa mort", "afin que comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie" (Romains 6:1-4). Le Baptême unit donc le croyant à la mort du Christ par laquelle il est racheté, tout en lui rappelant que le Christ vit d'une vie nouvelle et en l'invitant à faire de même.

Si le Baptême offre le pardon des péchés et le salut à celui qui le reçoit avec foi, c'est qu'il fait naître la foi dans le coeur et la fortifie. Il scelle les promesses qui y sont liées. Nous disons qu'il est moyen de régénération. Voilà pourquoi Jésus parle de "naître d'eau et d'Esprit" (Jean 3:5) et pourquoi saint Paul appelle le Baptême un "bain de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit" (Tite 3:5). Nous croyons que le Baptême régénère aussi bien le nourrisson que l'adulte. Il établit un lien invisible, inexplicable entre le nourrisson et le Christ, le revêt de son Sauveur et lui communique ses grâce. Ce sont des grâces que par la suite, à mesure qu'il grandira, il saisira par une foi consciente, mais elles lui appartiennent dès son Baptême. Quant à l'adulte qui demande à être baptisé en confessant le Christ, le sacrement lui scelle de façon visible ce que lui a déjà offert l'Evangile qu'il a entendu.

Questions de révision et exercices:

Le Baptême des enfants:

Le monde protestant est profondément divisé sur la question du Baptême des enfants. De nombreuses communautés évangéliques rejettent cette pratique, soutenant que le Baptême ne peut être légitimement administré que s'il est demandé par quelqu'un qui a passé par la repentance et la conversion. Dans ces milieux évangéliques, il n'a généralement qu'une valeur symbolique et est conçu comme une profession de foi et un engagement public à suivre le Christ. En d'autres termes, une telle théologie fait du Baptême un acte de l'homme. C'est le croyant qui agit, mais Dieu lui-même n'y fait rien.

Les explications précédentes espèrent avoir montré que ce n'est pas exact, que le Baptême est le lieu où Dieu dans sa miséricorde promet, offre et scelle au croyant le pardon des péchés et la vie éternelle. La Bible enseigne par ailleurs que l'homme est par nature corrompu, pécheur et condamné par la Loi. C'est ce qu'on appelle le péché originel. C'est à partir de ces deux enseignements de l'Ecriture qu'il faut se demander s'il convient ou non de baptiser les enfants. C'est à partir de là aussi que la réponse devient claire et trouve sa légitimité.

L'Eglise luthérienne ne peut pas expliquer ce qui se passe quand un nourrisson reçoit le sacrement, comment Dieu s'y prend pour lui communiquer ses grâces. Elle n'a pas non plus besoin de le faire. Si tout pouvait s'expliquer, il n'y aurait plus de mystères et la foi chrétienne ne serait plus une foi. L'Eglise luthérienne baptise les petits enfants pour les raisons suivantes:

La signification du Baptême dans la vie du chrétien:

Nous avons vu ce que Dieu fait dans le Baptême, ce qui se passe quand quelqu'un reçoit ce sacrement. Reste à voir ce qu'il signifie dans la vie quotidienne du croyant. Si la résurrection de Jésus-Christ est le oui de Dieu à l'oeuvre qu'il a accomplie sur la croix, le Baptême est le oui qu'il a prononcé une fois pour toutes sur son enfant. Il est l'acte par lequel il lui dit: "Je suis ton Dieu, je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi!" Et tout ce qu'il fait par la suite en faveur de son enfant, il le fait au nom de ce oui, de cet engagement pris à son égard. Il faut donc parler du Baptême à la fois dans le passé et dans le présent. Il est une fontaine dont l'eau vive ne tarit jamais et à laquelle l'enfant de Dieu peut boire chaque jour.

Face à sa corruption naturelle et au péché, le croyant, conscient de ses fautes, peut se consoler de la grâce de Dieu qui lui a été offerte en Jésus-Christ, scellée et garantie dans le sacrement. Il sait que le Seigneur ne le rejette pas s'il vient à lui d'un coeur contrit, et qu'il le recouvre de sa justice (Galates 3:27). Se repentir signifie pour lui revenir d'un coeur humble et croyant à l'offre du pardon faite dans le Baptême et en vivre.

Face aux tentations de la chair, du monde et de Satan, le chrétien se souvient qu'en vertu de son Baptême il est enfant de Dieu et que son Père céleste a conclu avec lui une alliance qu'il ne rompra jamais. Certes, il a des ennemis qui lui veulent du mal, le monde, Satan et sa propre chair. Mais il sait aussi que le Seigneur est fidèle à ses engagements et qu'il ne manquera pas de venir à son secours. Il se souvient notamment de cette admirable promesse qu'il a faite aux siens: "Quand les montagnes s'éloigneraient, quand les collines chancelleraient, mon amour ne s'éloignera point de toi et mon alliance de paix ne chancellera point, dit l'Eternel qui a compassion de toi" (Esaïe 54:10).

Dans toutes les détresses et afflictions matérielles, le croyant baptisé se sait assuré de l'amour paternel et de la fidèle providence de celui qui lui a déclaré dans son Baptême qu'il était son Père et entendait le rester à jamais. Le Baptême l'a placé sur le chemin du ciel sur lequel il sait que toute souffrance et épreuve est un moyen pédagogique dont le Seigneur se sert pour l'inciter à l'humilité et au recours constant à l'Evangile, et ainsi le fortifier dans la foi.

A l'approche de la mort, le chrétien qui fonde sa foi sur Jésus, son Rédempteur, peut avoir la consolante certitude que Dieu lui ouvrira le ciel qu'il lui a offert dans le Baptême. Luther écrit dans le Petit Catéchisme: "Le Baptême opère la rémission des péchés, il délivre de la mort et du diable et il donne le salut éternel à tous ceux qui croient". Mourir, c'est livrer un combat, le dernier combat. La mort est le salaire du péché, mais aussi pour le croyant l'amie qui le conduit auprès de son Rédempteur. Les promesses de l'Evangile ont retenti personnellement pour chaque chrétien dans son Baptême et lui ont été scellées à tout jamais. Le sacrement l'a marqué d'un sceau divin indélébile, que seules l'incrédulité ou l'impiété pourraient effacer. A l'heure de sa mort, l'enfant de Dieu peut, confiant, se fonder sur les promesses de son Baptême: son Sauveur ne l'abandonnera pas, mais l'aidera à franchir le dernier pas.

En attendant ce moment béni, le croyant trouve dans son Baptême la force de servir son Dieu, de marcher dans l'obéissance, de vivre dans la sainteté et la justice. Il est un bain de la régénération (Tite 3:5) par lequel le Saint-Esprit opère une vie nouvelle. La Bible enseigne que le chrétien est baptisé dans la mort du Christ et enseveli avec lui, pour ressusciter avec lui pour une vie nouvelle. Le Baptême est ainsi source de sanctification. Se souvenant des grâces reçues, le chrétien se doit de servir son Dieu et de le glorifier par une vie sainte. Dans les promesses faites et scellées par l'eau du Baptême, il trouve la force de faire ce que son Dieu lui demande de faire. Le sacrement est ainsi moyen de sanctification au même titre que la prédication de la Parole de Dieu.

Questions de révision et exercices:

 

3. LA SAINTE CENE

"La Sainte Cène est un sacrement institué par notre Seigneur Jésus-Christ, dans lequel nous mangeons son vrai corps et buvons son vrai sang sous les espèces du pain et du vin" (Martin Luther, Petit Catéchisme). "Nous croyons que dans la Sainte Cène le pain et le vin sont le vrai corps et le vrai sang du Christ qui sont donnés et reçus. Ils sont reçus non seulement par les chrétiens pieux, mais aussi par les mauvais chrétiens" (Martin Luther, Articles de Smalcalde, III, 6, 1).

La Sainte Cène est le deuxième sacrement institué par notre Seigneur Jésus-Christ. Elle qui est le sacrement de la communion, est devenue malheureusement celui de la désunion. C'est en effet une question sur laquelle le protestantisme est profondément divisé jusqu'à ce jour.

L'enseignement de la Bible:

Les trois évangiles appelés les Synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) racontent l'institution de la Sainte Cène, ainsi que l'apôtre Paul. Les paroles prononcées ce jour-là par Jésus sont le fondement de l'enseignement de l'Ecriture à ce sujet. Les voici avec leurs différentes variantes: "Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain et, après avoir rendu grâces, il le rompit et le donna aux disciples en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe et, après avoir rendu grâces, il la leur donna en disant: Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui est répandu pour beaucoup, pour le pardon des péchés" (Matthieu 26:26-28). Chez Marc, ces paroles sont à peu près les mêmes, si ce n'est qu'il précise que tous les disciples burent la coupe. Autre différence: Il y est dit non pas que Jésus rendit grâces à propos du pain, mais qu'il le bénit (Marc 14:22-24). Selon Luc, Jésus dit du pain qu'il "est donné pour vous" et demande aux disciples de le manger "en mémoire de moi". A propos de la coupe, il déclare non pas quelle est le sang de l'alliance, mais "la nouvelle alliance en mon sang" (Luc 22:19.20). Ce sont là des différences mineures dues au fait que Jésus s'exprimait en araméen et que ses paroles furent traduites en grec par les évangélistes, et que par ailleurs il a peut-être, pendant la distribution de la Sainte Cène, prononcé plusieurs les mêmes paroles avec quelques petites variantes. En tout cas, elles ne changent rien au sens du texte.

Le sens de ces mots est tout ce qu'il y a de plus clair, et l'Eglise luthérienne a toujours insisté sur la nécessité de les laisser s'exprimer le plus naturellement du monde et de les interpréter littéralement. Selon cette interprétation, Jésus a, au cours du repas pascal pris avec les disciples la veille de sa mort, pris du pain et l'a rompu. Geste indispensable pour le distribuer et qui n'a pas de signification particulière. Il le donna aux disciples et leur demanda de le manger en disant: "Ceci est mon corps". Il fit de même avec la coupe qui, bien que le texte ne le dise pas explicitement, contenait du vin, car c'est ce que les Juifs buvaient en célébrant la Pâque. Il la leur tendit, demanda aux disciples d'en boire et leur dit que c'était son sang ou la nouvelle alliance en son sang.

Les chrétiens réformés disent qu'il faut interpréter ce texte d'une façon symbolique et affirmer que le pain et le vin représentent le corps et le sang ou en sont l'image. Il existe quelques variantes dans leur interprétation, mais ils parviennent tous à la même conclusion: c'est un symbole. Le pain brisé symbolise le corps du Christ brisé sur la croix (ce qui est d'ailleurs faux, car son corps n'a pas été brisé et ne devait pas l'être, Jean 19:31-37), et le vin qui coule de la coupe est l'image de son sang coulant sur la croix. Les Réformés citent volontiers, pour justifier leur interprétation, Jean 6:63 où Jésus dit: "C'est l'Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien". A quoi les Luthériens répondent que dans Jean 6 il n'est pas question de la Sainte Cène, même si les paroles de Jésus ressemblent beaucoup à celles qu'il a prononcées en administrant le sacrement. On affirme aussi que la présence du corps et du sang du Christ ne peut pas être une présence réelle, puisque son corps et son sang sont dans le ciel. Il s'agit donc d'une présence spirituelle: en mangeant le pain et en buvant le vin, le communiant croyant élève son coeur vers le ciel et s'unit spirituellement, par la foi, au corps et au sang du Christ. A cela les Luthériens répondent qu'il ne faut pas modifier le sens des paroles de Jésus et qu'il est tout-puissant, qu'il peut donc faire participer son corps et son sang à son omniprésence, les rendre présents partout où il le veut.

Ajoutons encore un autre texte biblique. L'apôtre Paul écrit aux Corinthiens: "La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas la communion au sang de Christ? Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au corps de Christ?" (1 Corinthiens 10:16). Le calice est "coupe de bénédiction" parce qu'il procure une grande bénédiction aux communiants, leur apportant le pardon des péchés, mais aussi parce qu'il fait l'objet d'une bénédiction ou d'une action de grâces. Le Christ a béni les éléments et rendu grâces à Dieu, en prononçant une prière qui ne nous a pas été conservée. Le pain et le vin, dit Paul, sont la communion, plus précisément, comme le veut la traduction littérale, la participation au corps et au sang du Christ. Cela signifie tout simplement qu'en prenant le pain et le vin bénits, le communiant reçoit le corps et le sang du Christ.

L'Eglise luthérienne rejette aussi la doctrine catholique de la transsubstantiation selon laquelle le prêtre, par un pouvoir qu'il a reçu dans son ordination, change les substances du pain et du vin en corps et sang du Christ. Il reste du pain et du vin consacrés la couleur, la consistance et le goût, mais ce n'est plus du pain et du vin. Ce n'est plus que le corps et le sang du Christ. Voilà pourquoi les hosties consacrées qui n'ont pas été consommées sont enfermées dans le "tabernacle" et font l'objet d'un culte, et le vin n'est consommé habituellement que par le prêtre (communion sous une seule espèce). Il s'agit là d'une mutilation du sacrement institué par le Christ qui, du reste, a dit explicitement aux disciples: "Buvez-en tous!"

Chose plus grave encore: L'Eglise catholique enseigne que l'eucharistie est le renouvellement non sanglant, de nos jours on dit plus volontiers la re-présentation, l'actualisation ou la réactualisation du sacrifice du Christ, et que ce geste a une vertu expiatoire pour le prêtre qui l'effectue, pour l'assemblée qui communie et, d'une façon plus générale, pour les vivants et les morts. On transforme ainsi la Cène, même si on affirme que c'est Jésus qui accomplit ce geste par le prêtre, en un rite méritoire qui vaut aux hommes des bénédictions divines, et on offense ainsi le Seigneur. En effet, si son sacrifice doit être renouvelé ou réactualisé, ne laisse-t-on pas entendre qu'il n'a pas été suffisant, qu'il a besoin, pour être efficace, devenir opérant et sauver les hommes, du concours de l'Eglise? C'est avec la plus grande vigueur que Luther s'est opposé à une telle doctrine.

Il est clair que la Sainte Cène nous met devant un profond mystère que nous ne pouvons pas élucider. On a objecté que la doctrine luthérienne est irrationnelle, qu'elle oblige à croire l'incompréhensible et l'incroyable. Sans doute, mais en va-t-il autrement avec les doctrines de la Trinité, de la rédemption ou de la justification? Existe-t-il une seule doctrine rationnelle? Nous ne pouvons pas expliquer avec notre raison comment le corps et le sang de Jésus-Christ remonté au ciel sont réellement présents partout où le sacrement est célébré. Mais nous le croyons, parce que lui-même l'a dit. On a objecté aussi que cette doctrine était impossible, que pour manger réellement le corps, il faudrait le mâcher, le digérer et l'éliminer comme le pain. On est allé jusqu'à parler d'anthropophagie. A cela l'Eglise luthérienne répond que si le corps et le sang du Christ sont réellement présents, ils ne le sont pas localement. Quoiqu'il y ait "manducation orale" (manducation par la bouche) de son corps et de son sang, ils ne sont pas enfermés dans le pain et le vin ni mâchés, digérés et éliminés avec eux. C'est une présence réelle, substantielle, mais profondément mystérieuse, qu'on appelle pour cela sacramentelle. Enfin, on a dit qu'une présence réelle était inutile. "C'est l'Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien" (Jean 6:63). Rappelons cependant que ce texte n'est pas une révélation divine sur la Sainte Cène. Et enfin, depuis quand revient-il à l'homme de dire ce qui lui est utile ou non en matière de foi? Dieu ne sait-il pas mieux que nous de quoi nous avons besoin?

La présence réelle se fonde sur les paroles que Jésus a prononcées en instituant le sacrement, et non sur la foi des communiants. Il s'ensuit, et c'est une affirmation caractéristique de la doctrine luthérienne, que tous ceux qui se présentent à la Table du Seigneur reçoivent le corps et le sang du Christ, ce qu'on appelle les éléments célestes du sacrement, et cela indépendamment de leur foi ou de leur incrédulité. Les communiants indignes également, mais eux les reçoivent pour leur jugement. L'apôtre Paul affirme en effet que "celui qui mangera le pain et boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur" et que "celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même" (1 Corinthiens 11:27.29).

Questions de révision et exercices:

Les effets de la Sainte Cène

Jésus nous explique quels sont les effets de la Sainte Cène quand il dit de son corps qu'il est donné et de son sang qu'il est répandu pour nous, pour la rémission de nos péchés et lorsque, par ailleurs, il précise que la coupe est la nouvelle alliance en son sang. Il offre donc aux communiants ce par quoi il a expié leurs péchés et les a réconciliés avec Dieu. En un mot, il nous donne les gages de notre rédemption. La Sainte Cène a ainsi les mêmes effets que l'Evangile ou le Baptême. Elle nous scelle les grâces du Christ, en particulier le pardon des péchés. Luther écrit:

"La grâce de la Sainte Cène nous est indiquée par ces mots: Donné et répandu pour vous en rémission des péchés. Ainsi, en vertu de ces paroles, nous recevons dans la Sainte Cène la rémission des péchés, la vie et le salut, car où il y a rémission des péchés, là aussi est la vie et le salut" (Luther, Petit Catéchisme).

Les effets de la Sainte Cène sont les suivants:

Elle offre aux communiants les gages de leur rédemption et les fortifie ainsi dans la foi au pardon. Elle est pour l'âme ce que la nourriture naturelle est pour le corps, procurant au croyant une force et une certitude dont il a toujours besoin: Dieu lui pardonne ses péchés. Les promesses de l'Evangile sont, de la part de Dieu, une déclaration d'amour. Dans la Sainte Cène, le corps et le sang de Jésus-Christ sont une déclaration d'amour rendue visible, tangible, ce qu'un bouquet de fleurs est pour une fiancée. Il y a dans le sacrement application individuelle et personnalisée des promesses universelles de l'Evangile.

D'autre part, la Sainte Cène unit étroitement au Christ. Elle est communion à son corps et à son sang. En la recevant, on reçoit Jésus-Christ en soi et vit en étroite communion avec lui. Elle est aussi proclamation de la mort rédemptrice du Christ. L'apôtre Paul écrit: "Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Corinthiens 11:26). En communiant, le peuple de Dieu commémore le sacrifice de son Sauveur, confesse qu'il l'a racheté par son sacrifice expiatoire.

Le sacrement de la Cène a aussi pour effet de concrétiser la communion fraternelle de tous ceux qui s'approchent de la table du Seigneur. "Puisqu'il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps, car nous participons tous au même pain" (1 Corinthiens 10:17). C'est le repas de la convivialité. Unis dans une même foi, rassemblés autour de la même table, désireux de recevoir les mêmes gages du pardon et toujours prêts à se pardonner réciproquement, les croyants se souviennent qu'ils ne sont pas seuls dans le monde, mais qu'ils forment une même famille autour du même Chef. Ils grandissent ainsi dans l'amour fraternel.

L'eucharistie fortifie aussi dans la certitude de la résurrection pour la vie éternelle. Le Christ ressuscité et victorieux nourrit les siens de son corps, gage de leur future résurrection. Il leur certifie ainsi qu'il ne les abandonnera pas à la misère et l'humiliation présentes, mais qu'un jour il les transformera et les glorifiera par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses" (Philippiens 3:21). En communiant avec foi, le chrétien attend la rédemption de son corps (Romains 8:33).

Enfin, la Sainte Cène est le repas de l'Eglise qui attend le retour de son Seigneur. Jésus dit, en l'instituant: "Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai avec vous dans la maison de mon Père" (Matthieu 26:29). Et Paul commente en ces termes: "Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Corinthiens 11:26). L'eucharistie est ainsi le repas d'un peuple en voyage, d'une Eglise qui vit dans l'attente du renouvellement de toutes choses. Elle est préfiguration du banquet céleste, des noces de l'Agneau. C'est la manne dans le désert dont Jésus nourrit son peuple, avant de le faire entrer dans le pays où coulent le lait et le miel. C'est la nourriture divine qui le fortifie pour son voyage et pour le combat qu'il doit mener jusqu'à la victoire finale.

L'administration de la Sainte Cène:

L'eucharistie est administrée par l'Eglise luthérienne dans le cadre d'une liturgie qui remonte à l'Eglise ancienne, qui est très riche en signification et prépare le chrétien à communier d'un coeur repentant, croyant et rempli d'adoration pour ce profond mystère. Dans cette liturgie, la consécration du pain et du vin par la récitation, de la part du pasteur, des paroles d'institution est un élément vital et indispensable. C'est en vertu des paroles du Christ, en effet, que l'eucharistie est un sacrement et que son corps et son sang sont présents. L'Eglise luthérienne enseigne que cette présence a lieu pendant tout le temps que dure l'administration du sacrement.

Pour qu'il soit administré conformément à son institution, il faut aussi que les éléments soient effectivement distribués aux communiants. Par contre, il ne doivent pas faire l'objet d'un culte, car non seulement ils ne sont pas destinés à être adorés, mais la présence du corps et du sang du Christ cesse quand tous ont communié.

L'Eglise luthérienne enseigne et confesse qu'on communie indignement quand on le fait avec un coeur impénitent et sans foi. Elle se sait en cela liée aux paroles de l'apôtre déjà citées: "Celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même et qu'ainsi il mange du pain et boive de la coupe, car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même" (1 Corinthiens 11:27-29).

Le discernement du corps et du sang du Seigneur implique 1) la repentance par laquelle le communiant se sait et se confesse coupable et en demande pardon à Dieu, 2) la foi en la mort rédemptrice du Christ, source du pardon et du salut, 3) la volonté sincère de se détourner du mal et de vivre saintement, et bien sûr aussi la foi en la présence réelle du corps et du sang du Christ sous les espèces du pain et du vin. C'est la raison pour laquelle l'Eglise évangélique luthérienne n'admet pas à la Cène ceux qui ne sont pas capables de s'examiner conformément à l'Ecriture Sainte, quelles que soient les raisons de cette incapacité (ignorance, handicap mental grave, incrédulité, impiété).

Il s'agit des enfants qui n'ont pas encore atteint un degré de connaissance suffisant pour s'examiner. La Bible cependant ne prescrit aucun âge; c'est à l'Eglise d'agir pour le mieux. Il s'agit par ailleurs des malades mentaux souffrant de troubles tels qu'ils ne sont pas en mesure de s'examiner, ainsi que des malades en état d'inconscience. D'autre part, l'Eglise exclut de la Sainte Cène ceux qui ont fait l'objet d'une procédure d'excommunication parce qu'il vivent dans le péché ou dans l'incrédulité, et ne s'en sont pas repentis. Il va de soi que le jour où ils s'en repentent (et la repentance doit être publique quand le péché l'a été), ils sont à nouveau admis à la Table du Seigneur. L'Eglise évangélique luthérienne refuse aussi la Cène à tous ceux qui professent de fausses doctrines, sont attachés à l'erreur et y souscrivent, et quand ce ne serait que par l'appartenance à une Eglise qui ne confesse pas la vérité.

Elle pratique pour toutes ces raisons ce qu'on a l'habitude d'appeler la communion close. Elle considère que l'eucharistie n'est pas seulement un moyen de grâce, mais aussi le témoignage de l'unité de la foi, que dans ce domaine elle n'est pas une méthode pour réaliser l'unité, mais qu'elle ne peut en être que le signe visible et le témoignage. Elle ne donne donc la Cène qu'à ceux qui professent la même foi, à ses membres et à ceux d'Eglises soeurs. L'apôtre Paul écrit: "Puisqu'il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps, car nous participons tous à un même pain" (1 Corinthiens 10:17).

Cette pratique est peu comprise à une époque d'unionisme et d'oecuménisme où les Eglises veulent s'unir par-delà leurs divergences doctrinales, laissant entendre que celles-ci ne constituent pas des erreurs, mais sont des opinions différentes et également légitimes. L'Eglise luthérienne et les autres Eglises qui pratiquent la communion close se heurtent ainsi à l'incompréhension générale. Elle reste cependant convaincue que, ce faisant, elle agit conformément à la Parole de Dieu et aux exigences de vérité qui sont les siennes. Il lui est demandé de rester fidèle à cette pratique, tout en faisant preuve d'un maximum de compréhension, de patience et de charité.

Questions de révision et exercices:

 


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3-Oct-2002, Rev. David Milette.