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Chapitre 6: COMMENT LES GERER?

Pour répondre à cette question, le mieux est peut-être de passer en revue certains des dons que Dieu accorde aux siens, en montrant ce que signifie la conviction qu'ils viennent tous de lui, que nous lui appartenons corps et âme et que nous sommes appelés à le servir en les gérant convenablement.

C'est ainsi qu'il existe une intendance chrétienne du temps, une façon chrétienne d'utiliser le temps que le Seigneur met à notre disposition. Gérer fidèlement son temps, c'est savoir qu'il y a "un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux, un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté..., un temps pour pleurer et un temps pour rire..." (Ecclésiaste 3:1-8). Gérer fidèlement son temps, c'est savoir qu'il faut mourir, bien compter ses jours pour appliquer son coeur à la sagesse (Psaume 90:10.12). C'est savoir qu'il y a un temps pour travailler et un temps pour prier, que le travail ne dispense pas de la prière, car il n'est vraiment béni que si on demande à Dieu de le faire, et qu'inversement la prière ne dispense pas du travail, puisque c'est par le travail de nos mains que Dieu a promis de nous faire vivre.

Bien gérer son temps, c'est comprendre qu'il y a "six jours pour travailler" (Luc 13:14) et que les chrétiens mettent le dimanche à part pour adorer leur Dieu en commémorant la résurrection de leur Sauveur. C'est ne pas différer ce qu'il importe de faire tout de suite. Et surtout pas la repentance, car demain il pourrait être trop tard. C'est comprendre que "le temps est court", que "la figure du monde passe" (1 Corinthiens 7:29-31) et que la fin est proche (1 Pierre 4:7; Philippiens 4:5; Jacques 5:8; Apocalypse 1:3; 22:10). C'est comprendre que, le cas échéant, l'heure est venue de se réveiller de son sommeil, de se repentir et de se détourner du péché (Romains 13:11.14). C'est "racheter le temps, car les jours sont mauvais" (Ephésiens 5:16), ne pas gaspiller le temps à faire des choses inutiles ou futiles. "Il n'est pas de soldat qui s'embarrasse des choses de la vie, s'il veut plaire à celui qui la enrôlé" (2 Timothée 2:4). Nous ne pouvons pas créer le temps. Il est un don de Dieu. A la différence de l'argent qu'on peut placer en banque ou ailleurs, le temps s'écoule. Il ne produit pas, ne "fait pas de petits", ne se multiplie pas. Si nous l'employons mal, il est perdu pour nous. Irrémédiablement. C'est donc quelque chose d'infiniment précieux et de fragile que le Seigneur met à la disposition de ses enfants. Il ne faut pas le gâcher. Quand on sait ce que la Bible dit de l'éternité et qu'on a compris qu'elle peut être bienheureuse et glorieuse auprès du Seigneur, ou bien terrible et douloureuse loin de sa face, on ne peut plus dilapider le temps.

Les hommes se plaignent de ne pas en avoir assez. Et cela bien que les machines leur simplifient le travail, qu'elles le fassent souvent à leur place, mieux et beaucoup plus vite qu'eux. Sans doute aussi à cause de cela. Ils mènent une vie trépidante, au-delà d'une cadence normale et saine, parce qu'on leur demande d'en faire toujours plus, d'être toujours plus productifs et rentables. Ils sont contraints de vivre au-delà de leur rythme et s'en plaignent. A juste titre. Ils rêvent de la retraite, et quand elle vient, ils constatent qu'ils sont encore plus pris qu'avant. Mais ce n'est pas vrai, quand beaucoup disent qu'ils ne trouvent plus le temps de prier, de lire la Bible ou d'assister à un culte, et il faudrait qu'ils cessent de se mentir à eux-mêmes. C'est tout simplement que beaucoup de choses leur sont devenues plus importantes que celles-là, qu'ils ne se soucient plus du salut de leur âme.

Quand on sait non seulement qu'on va mourir un jour et à une date inconnue - car cela tout le monde le sait -, mais aussi qu'après la mort vient le jugement (Hébreux 9:27), il y a des choses à faire, à faire tout de suite et à faire en permanence. Il n'est pas permis de différer sa repentance, de la remettre au lendemain. Il n'est pas possible de renoncer au bon combat de la foi. Quand on sait que le Maître reviendra, on ne peut pas enterrer le talent qu'il a demandé de faire fructifier (Matthieu 25: 19.24-30). C'est pourquoi racheter le temps, c'est trouver du temps pour faire la seule chose qui soit nécessaire au regard de l'éternité (Luc 10:42). Du temps pour lire la Bible, au moins un peu chaque jour. Du temps pour invoquer le Seigneur et mener une vie de prière. Du temps pour célébrer chaque jour un petit culte de famille. Du temps pour le rendez-vous divin que Dieu nous fixe le dimanche, pour l'adoration et l'écoute de sa Parole au milieu des frères. Tu temps pour être un témoin du Christ auprès des autres et un gérant véritable et fidèle des dons reçus du Seigneur. En un mot, du temps pour vivre sa foi.

L'Eglise a pour mission d'instruire les chrétiens, de leur apprendre et de les aider à bien gérer le temps que Dieu leur alloue. C'est les inviter régulièrement à se demander ce qu'ils font de ce temps, combien ils en consacrent à Dieu, à leur salut et au service de l'Eglise. A se repentir, le cas échéant, et à faire mieux. Ou, pour dire les choses autrement: à être plus fidèles. Dieu et l'Eglise ont besoin d'une partie de notre temps et y ont droit.

Ce qui est vrai des dons de Dieu en général, l'est plus particulièrement de l'argent et des moyens financiers que Dieu met à notre disposition. Nous n'en sommes pas les propriétaires, mais les gérants. Nous l'avons déjà vu, tout appartient à Dieu, les profondeurs de la terre, les mers et les sommets des montagnes (Psaume 95:4.5), les animaux des forêts et des montagnes (Psaume 50:10.11), les métaux de la terre, notamment l'argent et l'or (Aggée 2:8), de sorte qu'il peut dire: "De qui suis-je le débiteur? Je le paierai. Sous le ciel tout m'appartient" (Job 41:2).

Dieu était tout spécialement le propriétaire du pays de Canaan où coulaient le lait et le miel. Il le prêta à son peuple. Celui-ci devait le recevoir comme un don divin (Genèse 12:7; 13:15.17; 15:18-21; Deutéronome 8:1; 10:11; 34:4), en prendre possession dans la foi (Genèse 28:4; Deutéronome 6:10-12; 31:7), se considérer comme le résident temporaire d'un pays appartenant à son Dieu et l'utiliser selon ses désirs: "Le pays est à moi, car vous êtes chez moi comme étrangers et comme habitants" (Lévitique 25:23). Ce texte, très fort, permettrait d'élaborer toute une théologie de la propriété, et la terre serait sans doute différente de ce qu'elle est, si tous ceux qui l'habitent savaient et confessaient qu'elle appartient à leur Dieu et qu'ils en sont des gestionnaires chargés un jour de rendre de comptes! Quelle leçon d'humilité aussi dans cette parole adressée à Israël: "Non, ce n'est point à cause de ta justice et de la droiture de ton coeur que tu entres en possession de leur pays... C'est pour confirmer la parole que l'Eternel a jurée à tes pères, à Abraham, à Isaac et à Jacob. Sache donc que ce n'est point à cause de ta justice que l'Eternel, ton Dieu, te donne ce bon pays pour que tu le possèdes" (Deutéronome 9:5.6)!

Et quelle leçon de justice et d'équité! Le droit à la propriété de l'homme est réel, mais temporaire et toujours sous l'autorité divine. Toutes les prétentions à la propriété restent soumises à la volonté d'un Dieu juste qui veut le bien-être et le bonheur de tous et interdit toute forme d'exploitation du pauvre par le riche. Sans doute veut-il que l'on jouisse de la terre. Il l'a créée pour cela. Mais le péché a aliéné l'homme, creusé un fossé entre Dieu et lui, profondément altéré les relations avec son prochain. Il a bouleversé la tranquillité paisible de l'homme et lui a volé en grande partie le plaisir de la création. Alors Dieu ne cesse de rappeler aux siens qu'ils doivent partager. Il prescrit à son peuple un magnifique idéal: "Il n'y aura pas de pauvre chez toi" (Deutéronome 15:4). Luther de la même façon souhaitait que la mendicité soit interdite à Wittenberg, partant du principe que les chrétiens partagent et ne tolèrent pas l'existence de pauvres parmi eux. Dieu s'en prend aux riches qui profitent de la pauvreté des pauvres pour acquérir leurs champs (Esaïe 3:15; 5:8; Amos 2:7; 4:1), stipule qu'au moment de la récolte le coin des champs ne sera pas moissonné et qu'on laissera leur part aux pauvres (Lévitique 19:9.10; 23:22; Deutéronome 24:19-21) et autorise les passants à cueillir de la nourriture pour leurs besoins (Deutéronome 23:24.25). On se souvient aussi du bel exemple de partage donné par les premiers chrétiens (Actes 4:32).

Une telle morale, nous l'avons vu, a son fondement dans ce fait enseigné par la Bible que Dieu est propriétaire de toutes choses. C'est lui qui donne gratuitement, c'est pourquoi il peut dire à son peuple: "Garde-toi de dire en ton coeur: ma force et la vigueur de ma main m'ont acquis ces richesses. Tu te souviendras de l'Eternel, ton Dieu, car c'est lui qui te donne de la force pour les acquérir, afin de confirmer, comme il le fait aujourd'hui, son alliance qu'il a jurée à tes pères" (Deutéronome 8:17.18). Le chrétien est donc le gérant d'un autre, à la façon de Joseph, intendant de Potiphar en Egypte. Ainsi, la vie ressemble à un bateau chargé d'une cargaison précieuse. Dieu en est le propriétaire, et le chrétien le capitaine. Celui-ci a une grande responsabilité. Il a la garde du navire et de son fret et doit veiller à ce qu'il parvienne à destination sain et sauf. Tout ce que nous possédons ici-bas, le temps, les talents et les dons, les biens en argent et en nature, constitue une cargaison qu'il faut mener à bon port. Quand nous serons au terme de notre voyage, nous aurons des comptes à rendre à Dieu. Ajoutons encore un élément non négligeable: cette cargaison est faite de denrées périssables, ce qui fait que le chrétien n'y attache pas son coeur.

Celui qui a fait l'expérience du don de Dieu en Christ devient à son tour un donateur. Il vit et il donne, selon le mot d'ordre de l'apôtre: "Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi" (Galates 2:20). Récepteur des bontés divines, il en est aussi l'agent ou le médiateur. La gestion chrétienne de l'argent n'est qu'une facette du stewardship, mais elle est importante pour ne pas dire essentielle. L'argent n'échappe en aucune façon à la gestion au sens large que le Seigneur confie aux siens. Dieu a un droit de regard sur mon livret d'épargne, mon compte en banque et mon porte-monnaie. Il a le droit de vérifier les comptes des chrétiens, non seulement pour constater qu'ils ont honnêtement gagné leur argent et payé leurs dettes, mais aussi pour savoir ce qu'ils font de leurs ressources, et il dit: "Celui qui sème peu moissonnera peu, et celui sui sème abondamment moissonnera abondamment" (2 Corinthiens 9:6).

Le chrétien pardonné pardonne et donne. Cela fait partie de l'essence même de la vie chrétienne. Il paraît que la Bible contient plus de 1600 références à ce que nous appelons le stewardship, dont beaucoup concernent le stewardship de l'argent, la façon de le gagner, de le gérer et de le dépenser. Je ne l'ai pas vérifié, mais cela ne m'étonne pas. C'est vrai aussi des paraboles racontées par Jésus. La moitié d'entre elles concernent la gestion des biens et des dons que Dieu confie aux siens.

Mais la Bible n'exhorte pas seulement au partage, à la générosité et l'hospitalité. Le Seigneur a qui appartiennent tout l'argent et l'or de ce monde (Aggée 2:8) a besoin de l'argent des siens pour assurer la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements, et de la sorte édifier son Eglise et annoncer le salut au monde. C'est pourquoi il a prescrit la dîme à Israël (Lévitique 27:30.32; Nombres 18:21; Deutéronome 12:6). Il est dit dans les Proverbes: "Honore l'Eternel avec tes biens et avec les prémices de ton revenu" (Proverbes 3:9) et Paul recommande aux chrétiens: "Que chacun de vous, le premier jour de la semaine, mette à part chez lui ce qu'il pourra, selon sa prospérité, afin qu'on n'attende pas mon arrivée pour recueillir les dons" (1 Corinthiens 16:2). Ce texte est intéressant et particulièrement important, car il énonce plusieurs règles de gestion, ce qu'on a appelé les cinq p: les dons des chrétiens doivent être périodiques (premier jour de la semaine), personnels (que chacun de vous), prévoyants (mette à part), proportionnels aux ressources (selon sa prospérité) et préventifs (afin qu'on n'attende pas mon arrivée pour recueillir les dons).

Combien donner à l'Eglise pour qu'elle puisse prêcher l'Evangile et faire de la mission? L'apôtre vient de le dire: "chacun... selon sa prospérité", sachant qu'il sera beaucoup demandé à celui qui a beaucoup reçu (Luc 12:48). Motivé par l'amour et les bénédictions de Dieu, le chrétien donne spontanément, avec joie, libéralement, selon ses moyens et régulièrement. Ce qui compte, ce ne sont pas tant les sommes que nous donnons, mais la proportion entre ce que nous donnons et ce que nous gardons ou dépensons autrement, pour manger, nous habiller, partir en vacances, aller au cinéma ou approvisionner notre livret d'épargne. Il existe un double rapport entre ce qu'on dépense pour le nécessaire ou le superflu et ce qu'on réserve au Seigneur. Nous avons bien dit: au Seigneur. Ce qui va dans le tronc ou sur le compte de la paroisse va dans la caisse du Seigneur. C'est pour lui, pour qu'il puisse nourrir les chrétiens de la Parole et des sacrements et sauver les païens. La modeste pièce du pauvre donnée avec amour et gratitude vaut autant et même plus, aux yeux de Dieu, que le chèque du riche. Qui ne se souvient du récit de la veuve et de son obole, et du commentaire de Jésus (Marc 12:42)? Dieu ne regarde pas seulement au don, mais aussi au donateur.

Revenons à la question: Combien? A chaque chrétien d'y répondre. Mais si les Juifs qui n'étaient assurés ni contre la maladie ni contre l'accident de travail ni contre le chômage et qui n'avaient ni Sécurité Sociale, ni mutuelle complémentaire ni assurance-décès, ont su donner la dîme que leur imposait la Loi, sans pour autant souffrir de malnutrition, pourquoi les chrétiens ne pourraient-ils pas en faire autant et peut-être plus? Et cette fois-ci non parce qu'un commandement divin le leur prescrirait, mais spontanément, par amour. L'expérience montre que les paroisses dont les membres décident librement de donner la dîme font un grand bond en avant, qu'elles deviennent financièrement autonomes et ont assez de ressources pour faire convenablement leur travail et soutenir en plus l'évangélisation et la mission, et que, grandissant financièrement, elles savent aussi grandir numériquement et grandir en foi et en consécration.

Mais attention, nous ne sommes ni des Adventistes ni des Mormons. Pas de légalisme dans l'Eglise! La dîme n'est qu'une référence et non une loi. Mais une référence utile et bénéfique, qui peut pousser à l'introspection et interdire au chrétien de tricher et de tromper Dieu en se trompant lui-même. Encore une fois, le problème de la quantité est une affaire personnelle profondément imbriquée dans les relations que le chrétien entretient avec son Dieu, mais aussi tributaire d'un tas de paramètres (ressources, charges familiales, dettes contractées, obligations diverses). Donner 10% de ses revenus à l'Eglise peut être un fardeau insupportable pour un économiquement faible avec charge de famille, tandis que donner 20% peut signifier pour un chrétien aisé, même si la somme est considérable, donner de son superflu et rien que de lui, c'est-à-dire en fin de compte beaucoup moins que la veuve de l'évangile (Marc 12:43.44). En chiffres: Celui qui gagne 6.000 F et en donne 600 donne beaucoup plus que celui qui cotise 10% d'un salaire de 30.000 F. Et le Seigneur le sait.

Dieu sait encourager ses enfants et leur fait de belles promesses: "Heureux celui qui s'intéresse au pauvre! Au jour du malheur, l'Eternel le délivre. L'Eternel le garde et lui conserve la vie. il est heureux sur la terre" (Psaume 41:2.3). Et donner à l'Eglise non seulement pour qu'elle puisse secourir les malheureux, mais aussi pour lui permettre d'annoncer l'Evangile aux hommes et de leur apporter le salut, c'est aussi donner aux pauvres. Alors voilà une autre promesse pour ceux qui donnent avec joie: "Honore l'Eternel avec tes biens et avec les prémices de ton revenu. Alors tes greniers seront remplis d'abondance et tes cuves regorgeront de moût" (Proverbes 3:9.10; 11:24.25; Malachie 3:10; Matthieu 19:29; Luc 6:38; 9:24; 2 Corinthiens 9:6.7).

Pour plaire au Seigneur, une offrande doit être le produit de l'amour. Le comte de Zinzendorf disait, en contemplant un tableau du Crucifié: "Voilà ce que tu as fait pour moi. Et moi, qu'ai-je fait pour toi?" C'est par la prédication de l'Evangile, à l'exclusion de toute contrainte, qu'on aide les chrétiens à grandir en toutes choses, y compris en cela. Le croyant sait que Dieu est son Maître, son Berger, sa récompense et sa forteresse, sa perle de grand prix, son Rédempteur et son Seigneur. Et lui, qu'est-il? La brebis de ce Berger, le racheté de ce Rédempteur, l'enfant de ce Père. C'est pourquoi il lui appartient corps et âme et lui consacre tout. Qu'est-ce que l'argent sinon du temps, du travail, de la fatigue transformés en métal possédant une certaine valeur? L'argent est une partie de nous-mêmes, de notre labeur, de notre existence consacrée à la cause de Dieu.

Recommandant aux chrétiens de Corinthe l'offrande en faveur des pauvres de la paroisse de Jérusalem, l'apôtre Paul leur écrit: "De même que vous excellez en toutes choses, en foi, en parole, en connaissance, en zèle à tous égards et dans votre amour pour nous, faisons en sorte d'exceller aussi dans cette oeuvre de bienfaisance. Je ne dis pas cela pour donner un ordre, mais pour éprouver, par l'exemple du zèle des autres, la sincérité de votre amour" (2 Corinthiens 8:7-9). Semblable à l'apôtre Paul et reprenant son flambeau, l'Eglise chrétienne éduque ses membres, leur apprend à toujours mieux discerner la volonté de leur Dieu, à donner avec générosité et selon leurs moyens, pour que l'oeuvre du Seigneur avance. Qu'il s'agisse de l'argent que le chrétien dépense pour lui-même et pour les siens ou de celui qu'il donne à son Dieu en le confiant à l'Eglise, ce sont là des choses qui font partie intégrante de la sanctification de l'enfant de Dieu. En cela aussi, comme en toutes choses, le croyant veut faire la volonté de son Seigneur.

Le plus grand trésor que les chrétiens soient appelés à gérer est bien entendu l'Evangile. La mission est double: Il s'agit pour l'Eglise chrétienne de sauver des hommes par la foi en Jésus-Christ, puis de les faire participer à toutes les bénédictions que Dieu veut leur offrir dès maintenant.

L'évangélisation est une tâche incontournable de l'Eglise. C'est d'elle qu'il est question dans la plupart des paraboles du Christ. C'est la mission qu'il a confiée aux apôtres et, par eux, à son Eglise, après l'avoir accomplie lui-même et avoir été le plus ardent des missionnaires. Seule différence: Il l'a été auprès de son peuple, tandis que l'Eglise doit l'être auprès de toutes les nations. L'évangélisation est indispensable, car tous les hommes sont pécheurs; ils naissent sous la condamnation de la Loi et ne peuvent pas s'en libérer. Par ailleurs, il n'existe pour eux aucune possibilité de salut après la mort. D'autre part, la rédemption promise à Israël au temps des prophètes a été accomplie en son temps quand le Christ est venu sur terre et qu'il a offert sa vie en sacrifice pour le monde entier. Enfin, Dieu veut sauver tous les hommes et le fait par la prédication de l'Evangile. Ce sont là les vérités qu'il faut enseigner constamment aux chrétiens pour leur rappeler l'urgence de leur tâche.

Trop souvent on estime que l'évangélisation est du ressort du pasteur. "C'est sa spécialité. Il a été formé pour cela, et nous le payons pour cela". C'est une grave erreur dont souffrent beaucoup de paroisses et qui les paralyse dans leur action. Le pasteur, comme l'enseigne la Bible et comme l'atteste son document de vocation, a été établi sur l'Eglise pour la paître (Actes 20:28), pour donner aux brebis qui lui sont ainsi confiées la nourriture dont elles ont besoin, les protéger et prendre soin d'elles (Jean 21:15-17), reprendre celles qui s'égarent (2 Timothée 4:2), consoler et affermir celles qui souffrent. Bien évidemment, il n'oubliera pas dans son intercession et son ministère les innombrables hommes qui vivent autour de lui sans connaître l'Evangile du salut. Il sera un témoin du Christ auprès de tous ceux qu'il côtoie. Mais c'est une erreur de croire que c'est sa spécialité et que l'Eglise fait de la mission en payant son pasteur.

Tous les chrétiens sont appelés à être des témoins. "Vous êtes une race élue, écrit Pierre à ses lecteurs, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1 Pierre 2:9). Quant aux pasteurs et autres ministres de l'Eglise, ils ont pour mission d'aider les chrétiens à être de bons témoins. Jésus monté au ciel donne à son Eglise des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et docteurs "pour le perfectionnement des saints en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ" (Ephésiens 4:12). S'il a une petite paroisse et un auditoire réduit, le pasteur fait lui-même beaucoup de visites missionnaires, tout en formant des témoins qui évangélisent avec lui. Au fur et à mesure que sa paroisse grandit, il aura peut-être moins de temps pour évangéliser, mais le nombre des témoins formés par lui augmentera, et sa paroisse deviendra de plus en plus active et engagée dans la mission.

Faut-il rappeler que les chrétiens vivent, plus que le pasteur, en contact étroit avec les hommes de ce monde, qu'ils connaissent mieux que lui le monde du travail avec ses contraintes et ses frustrations? Qu'ils parlent davantage la langue de la rue et connaissent mieux les réactions, les priorités et les griefs de Mr. Tout le Monde? D'autre part, les fidèles sont plus nombreux que les pasteurs. Cent laïcs font peut-être en une heure ce qu'un pasteur met cent heures à faire. En outre, quand un pasteur témoigne, on dit qu'il fait son métier. Quand ce sont des fidèles, on y est plus attentif. On se demande pourquoi ils font cela sans que cela leur rapporte quoi que ce soit, qu'est-ce qui les motive.

Former les chrétiens pour l'évangélisation, c'est mettre dans leur coeur l'amour des hommes et le zèle pour la mission. C'est, pour le pasteur, communiquer son enthousiasme. Non pas un feu de paille allumé par des émotions passagères, mais un enthousiasme nourri par l'Evangile. Un chrétien ne peut pas saisir toute la richesse d'un texte comme Jean 3:16, sans éprouver le besoin d'aller en parler aux autres. Cette tâche de l'Eglise, voulue par Dieu car il veut le salut des hommes, est possible parce qu'il accorde des dons à tous les chrétiens. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes dons pour tous, mais tous sont appelés à apporter leur part et en mesure de le faire. Il y a plusieurs façons de participer à la mission de l'Eglise. Tous les chrétiens sont des témoins, mais ils ne le sont pas tous de la même façon. Tous serviront selon la mesure de foi qui est la leur et les dons reçus du Saint-Esprit. Certains le feront surtout par leur vie chrétienne exemplaire. Leur assistance régulière aux cultes, leur honnêteté, leur amour désintéressé, la bonté qu'ils manifestent à tous ceux qui souffrent sont un témoignage rendu à l'Evangile et à sa puissance. D'autres ont beaucoup de facilités pour entrer en contact avec des inconnus; ils parlent aisément et n'ont aucune difficulté pour nouer des liens. D'autres encore, sans avoir cette facilité de parole, savent en toute simplicité et avec beaucoup de clarté parler du Christ à ceux qui ne le connaissent pas, et ils savent le faire de façon convaincante. D'autres, quant à eux, sont peut-être inhibés pour parler du Christ aux incroyants, mais ils savent très bien partager leur foi avec leurs frères et soeurs, aider, guider, conseiller, consoler les croyants. Tel fidèle a peut-être le don particulier de la prière. Un autre apportera sa contribution à la mission en faisant une belle mise en page d'un texte et en imprimant un tract ou une invitation. Un autre enfin fera chanter la chorale ou résonner son violon ou sa guitare lors de la soirée d'évangélisation.

Il s'agit pour l'Eglise de détecter ces dons et de mobiliser ceux qui les possèdent. De les encourager aussi à surmonter leur timidité, leur appréhension ou le sentiment de leur incapacité. Quant au pasteur, il s'efforcera de cultiver ces dons du mieux qu'il pourra, en veillant bien à ne pas contraindre tous les fidèles à témoigner de Jésus-Christ de la même façon. Il serait dommageable que des chrétiens aient mauvaise conscience et se reprochent de ne pas participer à une forme de témoignage pour laquelle ils n'ont pas reçu les dons.

Equiper les chrétiens pour en faire de bons témoins, c'est aussi les "endoctriner", c'est-à-dire les aider à grandir dans la connaissance des vérités révélées dans la Parole de Dieu, vérités auxquelles ils sont appelés à rendre témoignage, qu'ils devront partager avec les gens. Le pasteur utilise pour cela la prédication du dimanche et les études bibliques, mais il essaiera aussi, peut-être avec l'aide d'autres pasteurs et paroisses du voisinage, de mettre en place des stages de formation plus spécialement axés sur les vérités auxquelles il s'agit de rendre témoignage. Ces stages rassemblent de petits groupes de chrétiens qui poursuivent un même objectif et donnent l'occasion de fournir des réponses aux questions que les gens ont l'habitude de poser quand on leur parle de Dieu, du péché et de la grâce.

Il s'agit aussi d'initier à ce qu'on pourrait appeler la technique des visites (comment entrer dans les maisons, se présenter aux gens, établir avec eux des relations amicales, les questionner sur leur appartenance religieuse et leurs convictions, les écouter, présenter l'essentiel de l'Evangile de façon attrayante et chaleureuse, façon d'instaurer un dialogue, de ramener l'entretien de considérations périphériques à ce qui est essentiel, de répondre aux questions ou de réagir aux griefs des gens, comportement en cas d'opposition voire d'hostilité et d'agressivité, etc.). Il n'est pas question ici d'entrer dans les détails et d'exposer un programme de formation. Il faudrait pour cela écrire un chapitre entier sur l'évangélisation et ses méthodes. Qu'il nous suffise de dire ici que tout cela s'apprend, et que faute de l'avoir appris, certains chrétiens ont essuyé des échecs qui les ont déçus, refroidis, rendus peureux ou indifférents à l'évangélisation. C'est dommage, car ils ont tenté de faire ce pour quoi ils n'étaient pas faits ou n'avaient pas les dons requis, ou bien ce pour quoi ils n'ont pas été formés de façon adéquate.

Répétons-le: Les dons sont là dans l'Eglise, multiples, divers, complémentaires, aussi vrai que Dieu, lorsqu'il ordonne, donne. Il ne demande rien à son Eglise sans lui en donner les moyens. Mais ces dons doivent être décelés, répertoriés et cultivés. Il faudra dire à tel chrétien qui souffre parce qu'il a du mal à contacter les autres ou à formuler l'Evangile en toute simplicité, que Dieu peut se servir de lui d'une autre manière, qu'il y a d'autres façons d'être son témoin. Tel autre, au contraire, mérite d'être encouragé et a besoin d'une bonne formation. Il me semble que la meilleure façon d'aller de l'avant dans ce domaine est de créer dans la paroisse un comité d'évangélisation. Non pas pour avoir un comité de plus, mais pour que des gens qui ont une fibre et des compétences spéciales pour cela se réunissent régulièrement pour prier, discuter, proposer, pousser la paroisse et ses membres à l'action et faire régulièrement un bilan.

Enfin, il est du devoir de l'Eglise de recruter des serviteurs de Dieu. D'encourager tel jeune homme à se lancer dans l'étude de la théologie et se préparer pour le ministère pastoral, d'intercéder pour lui et au besoin de le soutenir financièrement. Mais aussi de mettre en place d'autres formes de ministère. Tous ne sont pas faits pour assumer toutes les tâches du ministère pastoral, mais tel homme pourrait fort bien, moyennant une bonne préparation, prêcher la Parole de Dieu. Tel autre ferait un excellent animateur de cercle biblique. Un autre a un don spécial pour rendre visite aux malades ou aux personnes âgées, pour les réconforter et prier avec eux. Un autre enfin est un excellent organisateur et pourrait coordonner des campagnes d'évangélisation. L'Eglise chrétienne a besoin de tous ces talents. Il est donc nécessaire que ces gens soient formés de façon convenable et qu'on leur confie des ministères officiellement reconnus par elle.

 


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14-Septembre-2002, Rev. David Milette.