COMMENTAIRE SUR MICHÉE, par Dr. Wilbert Kreiss - index  COMMENTAIRE SUR MICHÉE, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

CONTRE LES CHEFS DU PEUPLE; LE JUGEMENT DE JERUSALEM (Michée 3)

 

Les chefs politiques:

"Et moi je dis: "Ecoutez donc, chefs de Jacob, et vous qui gouvernez le peuple d'Israël. Ne devriez-vous pas bien connaître le droit? Vous détestez le bien et vous aimez le mal. Vous arrachez la peau des membres de mon peuple, vous arrachez la chair qui leur couvre les os. Vous dévorez leur chair et vous les dépecez, vous leur brisez les os et les mettez en pièces, tout comme des morceaux qu'on met dans la marmite, oui, comme de la viande qu'on met dans le chaudron". Voilà pourquoi, quand ils crieront vers l'Eternel, lui, il ne leur répondra pas. Il restera loin d'eux à cause du mal qu'ils ont fait" (3:1-4).

Chefs:

En hébreu comme en français, le mot "chef" provient d'un terme qui désigne la tête ("ro'sch"). Il s'agit de tous ceux qui se trouvent à la tête de quelque chose (collectivité, organisme, entreprise), de tous ceux qui ont pouvoir et commandement. Ce sont les rois, ses conseillers, ses ministres et ses fonctionnaires, les magistrats et les juges, tous ceux qui détiennent des postes-clés et qui font marcher la politique et l'économie d'un pays.

Michée n'excuse pas le petit peuple pour les méfaits qu'il commet; il porte aussi sa part de l'injustice qui règne dans le pays. Mais il s'en prend essentiellement à ses chefs qui l'oppriment et le condamnent peut-être à tricher et frauder. Leur responsabilité est plus grande. Quand on détient du pouvoir, on a aussi des devoirs, et plus on a de pouvoir, plus les devoirs sont grands. Les deux viennent de Dieu. Cf. ce que l'apôtre Paul dit des autorités civiles et de leur mission (Romains 13:1-7). Faire un mauvais usage de l'autorité confiée par Dieu, c'est projeter sur Dieu le mal qu'on commet. C'est faire rejaillir sur le Chef suprême l'opprobre dont se couvre le sous-chef. C'est être un mauvais représentant de Dieu sur terre. Les fautes des chefs sont à l'échelle même des responsabilités que Dieu leur a confiées. Un homme ne peut pas abuser impunément de l'autorité dont le Seigneur l'a investi. Quand on est son représentant sur terre, on a des comptes à lui rendre.

Vous arrachez..., dévorez..., dépecez..., mettez en pièces:

Les chefs d'Israël sont de véritables fauves qui dépècent le peuple et le sucent jusqu'à la moelle. Ils ressemblent à ces chiens sauvages qui s'en prennent à une bête faible, malade et sans défense, et s'acharnent sur elle jusqu'à ce qu'elle expire, vidée de son sang.

Il existe une oppression semblable de nos jours, entre particuliers et entre nations. Avec la meilleure conscience du monde, en ayant souvent la loi pour soi, le riche exploite le pauvre, profite de son insolvabilité pour spéculer, l'exproprier, faire chuter ou au contraire grimper les prix, payer des salaires de misère ou imposer des conditions de travail inhumaines. Et ce que font les particuliers nantis, les nations riches le font aussi, en toute impunité. Les pays industrialisés exploitent ceux du Tiers-Monde, profitant de leur dénuement pour défricher leurs forêts, leur imposer des cultures qui appauvrissent leur sol, les allécher par l'expectative d'une importante rentrée de devises et finalement leur acheter leurs denrées à des prix dérisoires.

L'Eternel ne leur répondra pas:

Le V.4 s'applique tout autant à nos contemporains qu'à ceux du prophète: l'injustice et l'exploitation des faibles sont des obstacles à la prière. Quand on a les mains souillées par le sang, il est inutile de se présenter devant le Seigneur et de lui apporter des sacrifices (Esaïe 1:10-17). Il demande autre chose que des offrandes hypocrites. Les seuls sacrifies ou prières qui lui soient agréables sont ceux qui procèdent d'un coeur repentant et croyant, les fruits d'une foi sincère.

Les faux-prophètes:

"Voici ce que dit l'Eternel des faux prophètes qui égarent mon peuple: "Ils prédisent la paix à qui met sous leurs dents un bon morceau à mordre, et déclarent la guerre à qui ne remplit pas leur bouche. Vous serez dans la nuit sans avoir de visions. Ce seront les ténèbres; finies les prédictions. Oui, le soleil se couchera sur ces prophètes, le jour s'obscurcira pour eux. Ceux qui ont des révélations seront couverts de honte, et les devins perdront la face. Ils se couvriront le visage, car Dieu ne leur répondra pas". Moi, au contraire, grâce à l'Esprit de l'Eternel, je suis rempli de force, d'équité, de courage pour dénoncer sa révolte à Jacob et à Israël son péché" (3:5-8).

Michée règle ses compte à des "collègues" qui lui font honte. Il dénonce les faux prophètes que Dieu n'a pas envoyés et qui ne parlent pas en son nom.

Des faux prophètes qui égarent mon peuple:

Il existait à l'époque des écoles, des confréries de prophètes et devins, fonctionnaires cultuels attachés à tel ou tel haut-lieu. Ces hommes se faisaient payer par ceux qui venaient les consulter et disaient ce que leurs clients voulaient entendre d'eux. C'est bien connu, "qui paie commande!" Si on les payait, ils annonçaient la paix et la prospérité, disaient aux gens qu'ils n'avaient rien à craindre, car ils étaient en règle avec Dieu et le Seigneur les aimait et les bénissait. Mais si on ne leur donnait rien, ils prédisaient le malheur (V.5). Le propre des faux prophètes est de subordonner la Parole de Dieu aux désirs de ceux qui les écoutent et aux gratifications de ceux qui viennent les interroger. Or la Parole de Dieu est Parole de Dieu: elle veut rester maître de celui qui la transmet et de ceux qui la reçoivent.

Moi, au contraire...:

Michée proteste contre les agissements de ces hommes et annonce que Dieu ne se révélera pas par eux (V.6.7). Quant à lui-même, il connaît une assurance tranquille. Il n'a pas choisi son métier et n'a jamais cherché à s'enrichir en l'exerçant, mais accomplit une mission que le Seigneur lui a confiée. Il est son porte-parole, son messager, c'est pourquoi Dieu continuera de parler par lui (V.8). Il se sait fort, équitable, courageux, mais ne s'en vante pas, car s'il est tout cela, c'est "grâce à l'Esprit de l'Eternel". Il n'est pas là pour plaire au peuple, mais pour dénoncer son impiété et lui dire la volonté du Seigneur. Et il le fera, quoi qu'il lui en coûte, car c'est Dieu qui parle par lui. C'est à cela qu'on reconnaît le vrai prophète.

 

Le jugement de Jérusalem:

"Ecoutez donc ceci, chefs du peuple issu de Jacob et vous qui gouvernez le peuple d'Israël, qui détestez le droit et corrompez la justice, qui bâtissez Sion en répandant le sang, et Jérusalem par le crime. Ses chefs rendent leurs jugements contre des pots-de-vin, et ses prêtres se font payer pour dispenser l'enseignement, et ses prophètes prédisent l'avenir pour de l'argent. Et ils s'appuient sur l'Eternel en disant: "L'Eternel n'est-il pas au milieu de nous? Par conséquent, aucun malheur ne pourra nous atteindre". Aussi, par votre faute, Sion sera labourée comme un champ, et Jérusalem deviendra un tas de ruines; la montagne du Temple sera une colline couverte de broussailles" (3:9-12).

Vous qui bâtissez Sion... et Jérusalem:

Jérusalem grandissait à l'époque. Elle était prospère et s'enrichissait. On menait une politique de prestige. L'époque était heureuse. Alors il était naturel d'en conclure que Dieu était avec sa ville bien-aimée et la bénissait. Et s'il en était ainsi, c'est qu'elle lui plaisait, qu'elle était fidèle à l'alliance, pieuse et prompte à accomplir ses devoirs. D'ailleurs ne professait-on pas la foi en Dieu? Le temple n'était-il pas rempli de la fumée des sacrifices et de l'odeur de l'encens? Ne regorgeait-il pas d'adorateurs? Oui, on accomplissait ses devoirs cultuels, mais cela n'empêchait pas les chefs de construire des tours et des remparts. On ne sait jamais, des fois que Dieu dans un moment de distraction oublierait de protéger son peuple contre une armée venue de l'Orient. "Aide-toi, et le ciel t'aidera!"

Sang... crime:

Michée, qui aime la ville de son Dieu, sait à quel prix elle grandit. Qui ne connaît l'histoire de la vigne de Naboth que Jézabel, femme d'Achab, fit lapider, lui et ses fils, sur la déclaration de faux témoins? Tout cela pour pouvoir annexer sa vigne au palais royal de Jizreel (1 Rois 21:1-24). Un exemple parmi d'autres des exactions commises par la noblesse et la bourgeoisie de l'époque! Le recours aux faux témoignages, faux procès, emprisonnements ou meurtres d'innocents pour accaparer leurs maisons et leurs terres était monnaie courante. Jérusalem avait ses experts en matière de concussion et d'escroquerie.

Pots-de-vin..., argent:

Les magistrats et chefs de la ville, même les prophètes et les prêtres sont passés maîtres dans l'art de faire fortune. C'est l'argent qui règne à Jérusalem, dans la ville de Dieu. Il n'y a que lui qui compte. C'est le capitalisme dans ce qu'il a d'abject. L'argent est entre les mains d'une petite classe de citoyens. Tout est monnayé, même la prédication de la Parole de Dieu. Les serviteurs de Yahvé mènent une vie de patachons et savent y faire pour arrondir leurs fins de mois, eux qui devraient être des modèles de piété, d'honnêteté et de contentement. Que peut-on attendre d'un peuple, quand son élite lui donne le mauvais exemple d'une vie tout entière consacrée au fric, et au fric mal acquis? Quand le salaire et les appointements passent avant l'exercice honnête de sa charge et que l'argent devient à ce point prioritaire, rien ne va plus. L'argent qui domine tout, les hommes, le droit, les juges, les riches et les pauvres, les prophètes et les prêtres, la Parole de Dieu et le culte, est l'ennemi le plus terrible du Seigneur, car il casse tout ce qu'il y a d'honorable, de juste et de beau dans une société. Il dénature les relations entre l'homme et Dieu et l'homme et son prochain.

Ceux qui ont voulu la gloire de Jérusalem on travaillé à son malheur. Mamon a son trône dans la ville sainte, le démon de l'argent en est le seigneur. Mais si on peut tout acheter avec de l'argent, ou presque tout, si on peut pourrir les gens en le faisant miroiter à leurs yeux, il ne protège pas de l'Assyrien et du Babylonien. Dieu ne sauve pas, quand les gens ne veulent plus se laisser sauver. Ou qu'ils attendent le salut du fric au lieu de le chercher auprès de leur Créateur. Il abandonne les hommes, quand ils lui préfèrent un autre dieu, Mamon.

Mais le Seigneur aura quand même le dernier mot: "Sion sera labourée comme un champ et Jérusalem deviendra un tas de ruines" (V.12). On ne foule pas impunément sa grâce aux pieds. En tout cas pas indéfiniment. Il sait être patient et l'a amplement montré. Mais s'il y a un temps pour les appels et les exhortations, un temps pour la grâce et la patience, il y en a aussi un pour le jugement. Même "la montagne du Temple sera une colline couverte de broussailles", car si son peuple a besoin d'un temple pour le rencontrer et l'adorer, lui n'en a pas besoin pour être Dieu et heureux. Son trône est dans les cieux, et ce trône-là, il le gardera toujours, même si on a souillé celui qu'il s'était fait bâtir à Jérusalem!

 

Questions de révision et exercices:

 


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13-février-2001, Rev. David Milette.