LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index  LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

LE MAUVAIS RICHE ET LE PAUVRE LAZARE: Luc 16:19-31

Les pharisiens étaient avares (Luc 16:14). Luc a réuni dans ce chapitre de son évangile deux paraboles du Christ qui ont trait à l'utilisation des biens de ce monde. Dans l'une, Jésus a félicité l'économe infidèle pour la prévoyance et la sagesse dont il avait fait preuve, sans pour autant cautionner sa malhonnêteté, dans l'autre il va dénoncer la cupidité égoïste.

Il y avait un homme riche... Un pauvre nommé Lazare...:

Deux hommes entrent en scène, un riche et un pauvre. Curieusement, le pauvre a un nom, et le riche n'en a pas, pas plus que celui de Luc 12:16 ss. Pourquoi? Peut-être tout simplement parce que le nom de ce riche est inconnu dans le ciel. C'est un étranger pour Dieu. C'est aussi un homme sans intérêt, qui a vendu son âme à l'argent. Il ne mérite pas de nom. Ce n'est pas un homme véritable. Il n'en a que les apparences, mais pas le coeur. Le V.19 nous décrit ce que fut sa vie: vêtements de luxe, banquets, beuveries et une existence tapageuse. Il la passait rien qu'à cela, de même que le riche paysan de Luc 12:16 ss. ne vivait que pour ses biens et son argent. Lui n'existe que pour s'empiffrer et se vautrer dans le plaisir.

A sa porte gît un pauvre réduit à la mendicité. Il s'appelle Lazare. C'est comme si Jésus avait regardé dans le livre de la vie et découvert son nom. Lazare, une abréviation de Eléazare, signifie "Dieu est secours". Couvert d'ulcères, il devait dégoûter tous ceux qui passaient par là. En particulier le riche, quand il entrait et sortait de chez lui. Il désirait manger les restes de la table du riche, attendait chaque jour que les serviteurs lui apportent les reliefs des banquets organisés par leur maître. En fait, il n'avait pour amis que les chiens qui venaient lécher ses plaies, lui apportant ainsi un peu de soulagement.

Le pauvre mourut. Il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham:

Il n'avait pas les moyens de se faire soigner et mourut de sa maladie. Le texte ne parle pas d'enterrement. Peut-être n'y avait-il pas droit en tant que mendiant ou n'avait-il pas de famille pour s'occuper de ses obsèques. Direction fosse commune, comme tous les S.D.F.! L'expression "sein d'Abraham" était un terme judaïque désignant le ciel. Abraham était le père des croyants, et Lazare, en tant que croyant, un fils d'Abraham. Il le rejoignit donc dans le paradis.

Le riche mourut aussi et fut enseveli. Dans le séjour des morts...:

Il eut droit, lui, à un enterrement. Et de première classe, sans doute. Mais il alla dans le "séjour des morts". L'expression traduit des termes bibliques ("sheol" en hébreu, "hadès" en grec) désignant l'au- delà, le fait de ne plus être de ce monde. Quelquefois on pourrait simplement la traduire par le mot "tombe". Mais l'Ancien Testament parle aussi d'un lieu réservé aux impies dans lequel on descend avec terreur. "Sheol" vient d'un verbe qui signifie engloutir, avaler. Cf. Petite Dogmatique Luthérienne, p. 124. Le mot désigne manifestement dans notre texte l'enfer, car le riche se rendit en un endroit où il souffrit. C'est le contraire du sein d'Abraham, lieu de félicité céleste.

De fait, le riche souffre beaucoup. Il est "en proie aux tourments", essentiellement des tourments de l'âme comme la honte et le remords. Il voit Abraham et Lazare et dialogue avec eux. Ici, la parabole devient allégorie, car un tel dialogue entre élus et réprouvés paraît exclu. Lazare et le riche semblent tout près l'un de l'autre. Ils se voient et peuvent se parler. Cependant un grand abîme les sépare (V.26). Précisons que de toutes façons nos conceptions de l'espace ne s'appliquent pas à l'au-delà. Le dialogue relaté par notre parabole ne correspond certainement pas à une réalité. Il est là pour affirmer un certain nombre de vérités sur l'au-delà.

Quant à la flamme qui fait souffrir le riche (V.24), elle n'est sans doute pas celle d'un feu physique. Un tel feu ne pourrait pas tourmenter les démons qui sont de purs esprits, ni les damnés qui sont sans corps avant la résurrection. D'autre part, un feu physique consumerait les corps et les réduirait à néant. Il n'y a pas non plus dans le ciel d'eau dans laquelle Lazare pourrait tremper son doigt pour soulager le riche. Ce sont des images dont le Christ se sert pour illustrer son enseignement, des réalités terrestres représentant l'au-delà et l'éternité.

Père Abraham:

Lui qui n'a jamais eu pitié de Lazare supplie Abraham d'avoir pitié de lui. Mais il n'y a pas de pitié pour ceux qui sont en enfer. Pas le moindre soulagement. La moindre goutte d'eau est refusée à cet homme. Ce dialogue est bien sûr fictif, mais il est là pour enseigner d'importantes vérités. Cet homme délectait sa langue avec les meilleurs vins. Il n'a même plus droit maintenant à une goutte d'eau.

Au lieu de lui rafraîchir la langue, Abraham va lui rafraîchir la mémoire. Il affirme que les conditions du riche et de Lazare sont inversées: le malheureux Lazare est consolé, tandis que le mauvais riche qui a connu le bonheur sur terre est tourmenté. "Il y a entre nous et vous un grand abîme": cet abîme est si grand qu'on ne le franchit pas. C'est affirmer le caractère irrévocable du jugement divin. Il est sans appel et ne peut pas être cassé. Il n'y a pas non plus de réduction de peines. Le mauvais riche est perdu à jamais, tandis que Lazare est éternellement heureux. Abraham affirme le fait, sans l'expliquer. L'explication viendra plus tard. Le riche n'a pas été condamné parce qu'il était riche, ni Lazare sauvé parce qu'il était pauvre. La richesse n'est pas un vice, et la pauvreté n'est pas une vertu.

Comprenant qu'il ne peut plus rien changer à son sort, le riche se préoccupe de celui de ses cinq frères encore en vie qui doivent mener le genre de vie qui était la sienne. Ignorant qu'il n'y a pas de salut sans conversion et que la conversion est l'effet de la Parole, il invente un nouveau "moyen de grâce" pour ses frères. Façon à peine voilée d'accuser Dieu. Si le Seigneur lui avait envoyé un mort de son vivant, pour le mettre en garde, il ne serait pas maintenant en enfer.

"Ils ont Moïse et les prophètes. Qu'ils les écoutent!"

C'est le point culminant de la parabole. Moïse et les prophètes. C'est par eux que Dieu se révélait aux Juifs de l'ancienne alliance. Ils sont sa Parole. C'est là qu'il se révèle et qu'il dit aux hommes ce qu'ils doivent faire pour être sauvés. Dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, la Loi accuse l'homme en lui montrant son péché, brise son coeur et y fait naître la repentance, tandis que l'Evangile annonce l'amour d'un Dieu qui pardonne à celui qui met en lui sa foi. Il suffit donc d'écouter Moïse et les prophètes pour savoir que faire.

Dieu n'envoie personne de l'au-delà pour se révéler aux hommes et leur enseigner le chemin du salut. La divination et le spiritisme sont du reste formellement interdits dans la Bible (Deutéronome 18:9-14; Esaïe 8:19.20). Que celui qui s'interroge sur Dieu, sur lui-même, sur le jugement et l'au-delà se tourne vers la Bible. Elle est divinement inspirée et rend "sage à salut par la foi en Jésus-Christ" (2 Timothée 3:14-17).

Non, père Abraham...:

Le riche contredit Abraham. Il ne se repent pas, parce qu'une repentance n'est plus possible en enfer. Il rejette tout l'Ancien Testament comme moyen de grâce et veut en instituer un autre. Ce serait un moyen de grâce provenant non du ciel, mais de l'enfer. Il parle de repentance, mais semble ignorer ce que c'est. Abraham lui répond que la repentance n'est pas le fruit d'une apparition de l'au-delà, mais qu'elle vient de la Parole de Dieu. Il suffit d'écouter Moïse et les prophètes, et si on ne les écoute pas, on ne se laissera pas non plus persuader par un mort. Seule la Parole de Dieu est moyen de grâce et de salut. Seule, elle fait naître la foi dans le coeur. Rien de ce qu'on cherche à lui substituer ne peut la produire. Cf. dans Petite Dogmatique Luthérienne, le chapitre sur la doctrine des moyens de grâce, p. 94 ss.

 

Thèmes de réflexion:

 

Questions de révision et exercices:

 


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17-Septembre-2002, Rev. David Milette.