LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index  LES PARABOLES DU SEIGNEUR, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

LE SERVITEUR IMPITOYABLE: Matthieu 18:21-35

Ce texte est la suite naturelle de ce qui précède. Simon Pierre a dû retenir la leçon du Seigneur: "Si ton frère a péché...". Le frère a péché! Alors surgit dans l'esprit pragmatique du disciple la question: "Combien de fois faut-il lui pardonner?"

Sera-ce jusqu'à sept fois?

Faut-il pardonner sept fois à mon frère, s'il a péché contre moi? Sept fois. Pas mal, pensait Pierre. Le Talmud n'en demandait pas tant. Trois fois suffisent, selon lui, point n'est besoin de pardonner quatre fois (Talmud Babyl. Joma 86,2, se fondant sur Amos 1:3; 2:26; Job 33:29.30). Pierre a donc le sentiment d'avoir fait des progrès à l'école de Jésus, par rapport au judaïsme.

Mais Jésus lui coupe le souffle en multipliant son chiffre par 70. 70 X 7 fois. Autant dire toujours, et toujours à nouveau. 490 fois. Incroyable! Et Jésus va illustrer cela avec l'une de ses plus belles paraboles. Chaque fois que Pierre ou tout autre chrétien se demande s'il doit encore pardonner à son frère, il est invité à se souvenir de cette parabole et à prendre sa leçon à coeur.

Le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs...:

Ce pouvaient être des esclaves personnels du roi. Mais comment expliquer que l'un d'eux lui devait 10.000 talents? Quel roi prêterait une somme aussi exorbitante à l'un de ses esclaves? A moins que ces "serviteurs" n'aient été des vassaux du roi ou des seigneurs ou gouverneurs chargés d'administrer un district de son royaume? Peut-être vaut-il mieux ne pas chercher de réponse à cette question. Il fallait à Jésus une somme énorme pour les besoins de sa parabole. Le "talent" représentait un certain poids en argent ou en or qui variait d'un pays à l'autre. En Grèce il équivalait à 6.000 deniers, soit 6.000 fois le salaire journalier d'un ouvrier agricole (Matthieu 20:2). 10.000 talents représentaient donc 600.000 fois la dette de son collègue (V.28). C'est cette disproportion qui importe dans la parabole.

Le serviteur, bien sûr, n'avait pas de quoi payer. Le roi décida donc de le vendre comme esclave, avec toute sa famille. C'était une pratique courante, même en Israël (Lévitique 25:39.47; Exode 22:3; 2 Rois 4:1; Néhémie 5:5; Esaïe 50:1; Amos 2:6; 8:6). Ce roi n'est pas un tyran. il agit selon les coutumes de l'époque. Il est simplement juste. C'est l'illustration de l'énorme dette spirituelle de l'homme, de sa totale déchéance. Il n'a rien pour réparer, expier ses fautes. Dieu considère l'homme comme responsable de ses péchés et les lui impute. Il est donc réduit par ses péchés à l'esclavage.

Cet homme aurait continué à s'endetter, si le roi l'avait laissé faire. C'est ainsi que l'homme continue allègrement de pécher aussi longtemps que Dieu ne lui fait pas prendre conscience de ses fautes et ne l'arrête pas sur ce chemin. Mais le serviteur s'écroule, brisé, et supplie le roi de patienter. Il veut s'acquitter de ses dettes et plaide pour un délai. C'est ainsi que le pécheur, brisé par la Loi, supplie Dieu de lui donner la possibilité de réparer. Il veut payer, aussi longtemps qu'il n'a pas entendu parler du pardon de Dieu.

Emu de compassion, le maître de ce serviteur... lui remit la dette:

Dieu est juste, mais il est aussi miséricordieux. Il pardonne donc au coupable repentant. Il délivre l'homme de l'angoisse qui le saisit, quand il prend conscience de ses péchés. Cf. Luc 15:20. Son pardon est total, mais il est aussi gratuit. Il est remise d'une dette dont le pécheur ne peut pas s'acquitter. Quand Dieu pardonne à un homme, il l'acquitte de ses fautes, ne les lui impute plus, le déclare juste. La dette n'existe plus. Le serviteur est invité à prendre conscience de ce nouvel état de choses, à en éprouver de la joie, de la paix, de la gratitude et de l'amour.

La parabole ne parle pas de l'oeuvre de rédemption du Christ, pas plus que la parabole du fils prodigue. Elle ne présente qu'un aspect du pardon. Il convient de l'interpréter selon ce qu'on appelle l'analogie de la foi, c'est-à-dire conformément à tout l'enseignement de la Bible, en montrant que le pardon est gratuit pour l'homme parce qu'il a beaucoup coûté à Jésus-Christ. La prédication sur ce texte ne peut pas proclamer le pardon sans annoncer l'oeuvre rédemptrice du Christ.

Ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers:

Les rôles sont inversés. Le serviteur impitoyable se trouve dans la situation dans laquelle se trouvait le roi peu auparavant. La parabole le met face à un débiteur sur lequel il a un pouvoir semblable à celui que le roi avait sur lui. Mais la dette est cette fois-ci de loin inférieure, même si elle représente cent journées de salaire. Heureux et reconnaissant de ce que le roi lui avait cadeau de 10.000 talents, au lieu de le vendre avec sa famille, cet homme aurait dû d'emblée remettre à son compagnon les quelques deniers qu'il lui devait. Quand on vit du pardon, on offre le pardon. Mais le coeur de ce serviteur est de glace. Notre dette devant Dieu est sans commune mesure avec ce que nous doivent les hommes. D'un côté, une somme énorme que nous ne pouvons pas payer. De l'autre, une somme presque ridicule à laquelle il devrait être facile de renoncer. Par nos péchés nous offensons Dieu, notre Créateur. Et nous le faisons de multiples manières, en pensées, paroles et actes, par commission et par omission. 10.000 talents! Nous offensons Dieu beaucoup plus que le prochain ne peut nous offenser. Alors il est juste et normal que nous pardonnions.

Il le saisit et l'étranglait...:

Tout est violence dans l'attitude de cet homme. La scène du V.26 se répète. Le premier serviteur aurait dû se souvenir de sa comparution devant le roi et être ému de compassion. C'eût été la moindre des choses. Au lieu de cela, il le fit mettre en prison jusqu'à extinction totale de la dette. Il fit ce à quoi la loi du pays l'autorisait. Il était juste, sans plus. Il n'y a chez lui aucune trace de patience, d'amour et de pitié.

Ses compagnons furent profondément attristés:

Nous assistons à une levée de boucliers chez ses collègues, les autres serviteurs du roi. Ils ne comprennent pas, sont scandalisés et vont raconter l'affaire au roi qui se met en colère. "Ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon comme j'ai eu pitié de toi?" Le roi fait ainsi appel au sens moral du serviteur. Il est monstrueux pour un chrétien d'obtenir de Dieu le pardon de tous ses péchés et de refuser aux autres le pardon de leurs petites offenses. L'infinie miséricorde du Seigneur doit nous inciter à notre tour à la miséricorde. Si tel n'est pas le cas, il nous refuse son pardon.

Dieu sait aussi se fâcher, à l'image de ce roi. Sa colère est l'expression de sa sainteté et de sa justice et ne doit pas être confondue avec les colères passionnelles et coupables des hommes. En faisant emprisonner le serviteur impitoyable, le roi est absolument juste. Il le mesure avec la mesure dont il s'est servi lui-même. il n'y a pas pire péché que le péché contre la grâce de Dieu.

Là s'arrête la parabole. Elle débouche sur une conclusion simple et claire (V.35), qui est une mise en garde à l'adresse de Pierre de ne jamais refuser le pardon à qui a péché contre lui. Une mise en garde dont nous avons tous besoin. Et Jésus de préciser que notre pardon doit être sincère, authentique, cordial, comme celui de notre Dieu qui nous fait vivre.

 

Thèmes de réflexion:

 

Questions de révision et exercices:

 


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17-Septembre-2002, Rev. David Milette.