PETITE DOGMATIQUE LUTHERIENNE, par Dr. Wilbert Kreiss - index  PETITE DOGMATIQUE LUTHERIENNE, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

LA DOCTRINE DE L'EGLISE

"Nous enseignons aussi qu'il ne doit y avoir qu'une sainte Eglise chrétienne et qu'elle subsistera éternellement. Elle est l'assemblée de tous les croyants parmi lesquels l'Evangile est prêché fidèlement et les saints sacrements administrés conformément à l'Evangile" (Confession d'Augsbourg, Article VI). "Dieu merci, un enfant de sept ans sait aujourd'hui ce qu'est l'Eglise: ce sont les saints croyants, "les brebis qui écoutent la voix de leur berger". Les enfants en effet prient ainsi: "Je crois une sainte Eglise chrétienne". Cette sainteté ne consiste pas dans les surplis, les tonsures, les chasubles, ni dans les cérémonies étrangères à l'Ecriture et d'invention humaine, mais dans la Parole de Dieu et la vraie foi" (Articles de Smalcalde, III, 12).

 

1. L'EGLISE

Le concept d'Eglise:

Le mot "Eglise" qu'on a l'habitude d'écrire avec une minuscule quand il s'agit d'un bâtiment et avec une majuscule dans tous les autres cas, vient d'un terme grec qui signifie "assemblée". Dans la vie publique, à Athènes par exemple, l'Eglise était l'assemblée des citoyens réunis pour décider du sort de leur ville. Littéralement, le mot signifie "appelée". L'Eglise est, dans l'enseignement de la Bible, comme nous allons le voir, l'assemblée des croyants, le peuple de ceux que Dieu a appelés au salut par la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements. Le mot désigne tantôt l'assemblée locale réunie autour des moyens de grâce, tantôt le peuple de Dieu dans une région ou un pays donnés, et enfin l'Eglise universelle constituée de tous les croyants du monde.

Le mot est employé dans son sens local et désigne l'Eglise en un lieu donné, quand il est dit par exemple qu'il y eut "une grande persécution contre l'Eglise de Jérusalem" (Actes 8:1), qu'il y avait des prophètes dans "l'Eglise d'Antioche" (Actes 13:1), ou encore que Paul "fortifiait les Eglises" de la Syrie et de la Cilicie (Actes 15:41). Cf. encore Matthieu 18:17; Actes 5:1; 14:23; 16:15; 20:28; 12 Corinthiens 1:2; 16:19, etc.

Le terme désigne l'Eglise en une région ou une province donnée, quand il est dit par exemple que Saul "ravageait l'Eglise" (Actes 8:3), que "l'Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie" (Actes 9:31).

Il existe aussi ce qu'on appelle l'Eglise domestique, un groupe de chrétiens se réunissant autour des moyens de grâce dans une maison, au foyer d'un de ses membres: "Saluez l'Eglise qui est dans leur maison", écrit l'apôtre aux Romains (Romains 16:4). Aquilas et Priscille accueillaient l'Eglise dans leur maison (1 Corinthiens 16:19). Cf. encore Colossiens 4:15; Philémon 2.

Enfin, l'Eglise est l'ensemble des croyants du monde entier, auxquels il convient encore d'ajouter les croyants parvenus à la gloire et réunis autour du trône de Dieu. Parlant de son peuple tout entier, Jésus dit à Pierre: "Tu es Pierre, et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle" (Matthieu 16:18). Les maris doivent aimer leurs femmes comme Christ "a aimé son Eglise et s'est livré lui-même pour elle" (Ephésiens 5:25). L'apôtre souffre pour le corps de Christ "qui est l'Eglise" (Colossiens 1:24).

Le Nouveau Testament utilise donc un seul terme pour désigner ce pour quoi nous en employons plusieurs. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre l'Eglise universelle et l'Eglise particulière. La seule différence réside dans l'extension géographique. L'Eglise locale est Eglise du Christ au même titre que l'Eglise universelle. Elle possède les mêmes titres et a droit aux mêmes bénédictions et aux mêmes privilèges.

Les titres de l'Eglise:

L'Eglise chrétienne possède de véritables titres de noblesse qui l'identifient comme le peuple que Dieu aime tendrement et avec fidélité, qu'il a racheté et appelé à la vie éternelle en Jésus-Christ. C'est vrai au sens local et universel.

L'Eglise est l'épouse du Christ: "Viens, je te montrerai l'Eglise, la femme de l'Agneau" (Apocalypse 21:9). "Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé son Eglise et s'est livré lui-même pour elle" (Ephésiens 5:25). Cf. aussi toutes les paraboles des noces ou du festin nuptial (Matthieu 22:1-14; Luc 14:16-24) et tous les textes bibliques identifiant les relations entre Dieu et son peuple au lien conjugal, à l'amour d'un mari pour sa femme, déclarant que le Seigneur reste fidèle à son peuple et assimilant toute infidélité de la part de son peuple à de l'adultère ou de la prostitution spirituelle (Ezéchiel 16:15 ss.; Osée 2:16 ss.).

L'Eglise est aussi le troupeau du Seigneur. Jésus, le bon Berger, dit: "Je connais mes brebis et elles me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis" (Jean 10:14; cf. aussi Jean 10:16). Elle est encore la maison ou le temple de Dieu: "Nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l'a dit: J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple" (2 Corinthiens 6:16). "En Jésus-Christ, tout l'édifice bien coordonné s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en esprit" (Ephésiens 2:21.22). Cf. encore 1 Timothée 3:15.

Elle est l'assemblée des enfants de Dieu. Jésus est chargé de "réunir dans un seul corps les enfants de Dieu dispersés" (Jean 11:51.52). En lui nous recevons l'adoption. Nous sommes "fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ" (Galates 3:26). Cf. encore Jean 1:12; Romains 8:16; Galates 4:4.5. L'Eglise est encore le Royaume de Dieu. Ou du Christ. Le "royaume du Fils de son amour" dans lequel nous avons été transplantés (Colossiens 1:13.14), ce Royaume dans lequel on entre en naissant de nouveau (Jean 3:3.5), qui "ne vient pas de manière à frapper les regards", car il est "au milieu" ou "au-dedans" de nous (Luc 17:20.21).

L'Eglise chrétienne est encore une assemblée de sacrificateurs royaux, de "sacrificateurs pour Dieu" (Apocalypse 1:6; 5:10). Pierre dit des chrétiens: "Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1 Pierre 2:9). La comparaison de textes tels que Ephésiens 2:21.22 et 1 Timothée 3:15 montre qu'un même titre appartient aussi bien à l'Eglise universelle qu'à l'Eglise locale. Celle-ci n'est qu'une fraction de celle-là.

Définition de l'Eglise:

Dans le sens strict du terme, le mot "Eglise" désigne l'assemblée des vrais croyants, des saints de Dieu, de tous les pécheurs que, dans le monde entier ou en un lieu donné, l'Evangile a appelés au salut, convertis à Jésus-Christ, régénérés et sanctifiés pour qu'ils appartiennent au Seigneur et héritent de la vie éternelle. Il est dit dans les Actes des apôtres qu'en se convertissant, des gens étaient "ajoutés" à l'Eglise (Actes 2:38.41.47; 5:14, dans le texte original). L'apôtre Paul affirme que l'Eglise de Dieu est composée de saints (1 Corinthiens 1:1; 2 Corinthiens 1:1; Ephésiens 1:1; Philippiens 1:1; Colossiens 1:2). C'est donc par la foi qu'on entre dans l'Eglise chrétienne, qu'on devient membre du peuple de Dieu. C'est par elle en effet qu'on est brebis de Jésus-Christ (Jean 10:14.15.27), qu'on trouve le pardon auprès de lui, qu'on devient enfant de Dieu (Galates 3:26). L'Eglise chrétienne est le peuple pour lequel le Christ s'est livré à la mort, qu'il purifie et sanctifie. Le Baptême est le signe visible de l'entrée dans ce peuple (Actes 2:38.41; Galates 3:26.27). C'est par la foi qu'on est uni au Christ comme le sarment l'est au cep (Jean 15:1-8) ou le corps à son chef.

Questions de révision et exercices:

Les propriétés ou particularités de l'Eglise:

L'Eglise a un certain nombre de propriétés qui l'identifient comme le peuple de Dieu. C'est ainsi qu'elle est une, et cela malgré le spectacle de ses divisions: "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie. Celles-là, il faut que je les amène. Elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger" (Jean 10:16). "Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous et parmi tous et en tous" (Ephésiens 4:4-6). Cf. encore Hébreux 12:22.23. Les divisions déchirent certes la chrétienté visible, mais pas le peuple de Dieu qui reste uni par la foi en son Sauveur.

L'Eglise chrétienne est aussi sainte. Ses membres ont été "lavés, sanctifiés, justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ" (1 Corinthiens 6:11). Ils sont "saints en Jésus-Christ" (Philippiens 1:1; Colossiens 1:2), sanctifiés en lui (1 Corinthiens 1:1.2; Ephésiens 5:25-27). Par la foi en Christ, ils ont obtenu le pardon et ont été placés sur un chemin sur lequel le Saint-Esprit agit dans leur coeur et leur vie et les fait marcher dans la sainteté et la justice.

L'Eglise est encore universelle. Catholique, au sens étymologique du terme. Elle ne connaît aucune frontière, historique, culturelle, politique, raciale, linguistique, sociale, ni même ecclésiastique. Tous ceux qui croient en Jésus et confessent son nom font partie du même peuple, quelles que soient leurs origines. Même dans l'ancienne alliance, les croyants ont été sauvés de la même façon, par la foi en Christ. C'est ce que montre l'exemple d'Abraham qui s'est réjoui de voir "le jour du Christ" (Jean 8:56), et ce qu'affirment les prophètes déclarant que "quiconque croit en lui reçoit par la foi en son nom le pardon des péchés" (Actes 10:43).

On dit aussi que l'Eglise est infaillible. Non pas dans le sens qu'a ce terme dans le dogme catholique, mais au sens étymologique du mot: elle ne tombera pas, mais subsistera toujours. "Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle", disait Jésus (Matthieu 16:18). On ne peut pas séduire les élus (Matthieu 24:24), car Dieu veille sur leur salut et personne ne peut les arracher de sa main ni de la main de son Fils (Jean 10:28.29).

L'Eglise est apostolique, car bâtie "sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire" (Ephésiens 2:20). C'est par la parole des apôtres que les hommes croient en Christ (Jean 17:20.21). C'est dans leur enseignement que l'Eglise persévère (Actes 2:42), et nul n'a le droit d'annoncer un autre Evangile que le leur (Galates 1:9).

L'Eglise est par ailleurs l'unique détentrice du salut. Il n'y a pas de salut en dehors d'elle. Cela, bien sûr, ne s'applique à aucune dénomination particulière, mais ne vaut que de l'Eglise chrétienne ou, si on préfère, invisible. Il faut faire partie du peuple de Dieu pour être sauvé, et on l'est partout où on se repent de ses péchés et croit de tout coeur en Jésus-Christ, à quelque Eglise visible qu'on appartienne. "Le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés" (Actes 2:47). Cela signifie inversement que tant qu'on ne croit pas en Christ et qu'on n'est pas devenu membre de l'Eglise chrétienne, on n'a pas la vie éternelle.

Enfin on distingue communément entre Eglise invisible et Eglise visible. Ce ne sont pas deux Eglises distinctes, mais il s'agit toujours de la seule et unique Eglise envisagée de façons différentes. Elle est en soi invisible, puisque c'est par la foi qu'on en devient membre. Le Seigneur est seul à connaître les siens (2 Timothée 2:19), et le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à "frapper les regards", car il est parmi nous ou au milieu de nous (Luc 17:20.21). C'est pourquoi l'Eglise chrétienne est un article de foi: "Je crois la sainte Eglise chrétienne...".

Mais la foi ne reste jamais cachée. Elle se manifeste toujours par les oeuvres. D'autre part, c'est par sa Parole et les sacrements que Dieu assemble, édifie, sanctifie et sauve son peuple. L'Eglise se réunit autour des moyens de grâce et persévère "dans l'enseignement des apôtres, dans la fraction du pain, dans la communion fraternelle et dans les prières" (Actes 2:42). D'invisible, elle devient de la sorte visible. Bien que Dieu seul connaisse les siens, on sait où elle est. Partout où l'Evangile est prêché, où des gens sont baptisés et communient au corps et au sang du Christ, le Saint-Esprit est à l'oeuvre, appelle, édifie, sanctifie et sauve. La Parole de Dieu ne retourne jamais à lui sans effet, sans avoir exécuté sa volonté et accompli ses desseins (Esaïe 55:10.11). On appelle pour cela la Parole de Dieu et les sacrements les notes ou marques de l'Eglise.

Cela signifie aussi qu'il peut y avoir, parmi ceux qui se regroupent ainsi autour de l'Evangile et des sacrements, des hypocrites et des impénitents. Ils sont au milieu les chrétiens, l'oeil humain ne les discerne pas (du moins aussi longtemps qu'ils dissimulent l'impiété de leur coeur), mais quoique mêlés aux enfants de Dieu et bien que leurs noms figurent dans les registres paroissiaux, ils ne font pas partie de son peuple. Cette précision est de la plus grande importance. L'appartenance à une paroisse est importante, certes, mais à elle seule elle ne sauve pas. Il faut pour cela être membre du peuple de Dieu.

On distingue encore entre Eglise orthodoxe et Eglise hétérodoxe. L'Eglise orthodoxe est par définition celle qui enseigne la Parole de Dieu dans toute sa pureté, sans s'en écarter en rien, et qui administre les sacrements conformément à l'institution du Seigneur. Les notes ou marques de l'Eglise y sont préservées pures. Inversement, on appelle Eglise hétérodoxe une Eglise qui erre dans un ou plusieurs points de la doctrine chrétienne, sans pour autant renverser le fondement même de la foi, auquel cas elle n'est plus Eglise, mais une secte. Il est du devoir des chrétiens et donc de l'Eglise de demeurer dans la Parole du Christ (Jean 8:31.32), de "tenir tous un même langage et de ne point avoir de divisions" parmi eux, mais d'être "parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment" (1 Corinthiens 1:10). L'apôtre Paul écrit aux chrétiens de Rome: "Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales au préjudice de l'enseignement que vous avez reçu. Eloignez-vous d'eux" (Romains 16:17). Il leur est demandé de ne pas "enseigner d'autres doctrines" ni de "s'attacher à des fables et des généalogies sans fin, qui produisent des discussions plutôt qu'elles n'avancent l'oeuvre de Dieu dans la foi" (1 Timothée 1:3.4). Aucun autre Evangile que celui des apôtres ne doit être proclamé dans l'Eglise (Galates 1:8.9), et si quelqu'un apporte une autre doctrine, il ne faut pas le recevoir dans sa maison, ne pas saluer en lui un frère dans la foi (2 Jean 10.11).

La Parole de Dieu et les sacrements sont le grand trésor confié à l'Eglise. Elle doit y veiller jalousement et le préserver de tout ce qui pourrait l'altérer et le dénaturer. Il lui est donc demandé de prêcher la vérité et en même temps de dénoncer toute erreur ou fausse doctrine. Au besoin, elle doit exclure les faux docteurs de son sein, s'ils ne se repentent pas de leurs erreurs, comme il lui est demandé non pas de ne n'avoir aucun contact avec les Eglises qui propagent de fausses doctrines, mais de ne pas avoir de communion avec elles. On appelle cela la communion ecclésiale ou encore communion de chaire et d'autel. Elle n'est possible que là où deux Eglises confessent la même doctrine et où leur pratique est conforme à cet enseignement.

Par contre, il n'est pas nécessaire qu'elles aient les mêmes usages ou cérémonies. La Confession d'Augsbourg dit à ce sujet:

"Pour que soit assurée l'unité véritable de l'Eglise chrétienne, il suffit d'un accord unanime dans la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements conformément à la Parole de Dieu. L'unité véritable de l'Eglise chrétienne n'exige pas qu'on observe partout des cérémonies uniformes instituées par les hommes, comme le dit saint Paul, Ephésiens 4: 'Un seul corps, un seul esprit, comme vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême'" (Article VII).

Toute communion ecclésiale en l'absence d'unité doctrinale est de l'unionisme ou de l'oecuménisme. Il est bon et nécessaire que l'Eglise luthérienne témoigne autour d'elle, qu'elle professe ses convictions et les fasse connaître. Pour cela, il faut côtoyer les autres Eglises et fréquenter, rencontrer ses représentants pour dialoguer avec eux et, si possible, découvrir ou réaliser l'unité doctrinale. Mais tant que celle-ci n'a pas été constatée, toute communion ecclésiale serait une compromission avec l'erreur, une façon de pactiser avec elle, de dire qu'en fin de compte les divergences doctrinales qui caractérisent la chrétienté ne sont pas si importantes que cela et qu'on peut légitimement les ignorer. Ce n'est pas ce qui s'appelle confesser la vérité.

Il existe différents types de gouvernement de l'Eglise. Tout d'abord le type épiscopalien selon lequel le Christ a confié le gouvernement de son Eglise aux apôtres dont les successeurs sont les évêques. Détenteurs du ministère, ceux-ci dirigent l'Eglise en la dotant des pasteurs, docteurs, évangélistes et missionnaires dont elle a besoin. Le peuple des fidèles n'a pas de responsabilité réelle en matière de doctrine, de discipline ou de gouvernement. C'est le système qui prévaut dans l'Eglise catholique, l'Eglise anglicane, les Eglises épiscopaliennes et certaines Eglises luthériennes. Dans l'Eglise catholique, ce système fonctionne sous la souveraineté du pape, qui est considéré comme le successeur de Pierre, le prince des apôtres et le vicaire du Christ. Entouré du collège des évêques, mais aussi indépendamment d'eux, il exerce une primauté dans l'Eglise et est doté du charisme de l'infaillibilité quand il s'exprime en chef de l'Eglise et promulgue un dogme ex cathedra.

Le système presbytérien confie l'autorité dans l'Eglise et son gouvernement au conseil des presbytres, composé du pasteur et des anciens. L'autorité de ce collège lui vient non de l'Eglise locale, mais du Christ lui-même. Enfin, le système congrégationaliste affirme l'autonomie de la paroisse et la participation de tous les fidèles à son gouvernement. L'assemblée synodale est conçue comme un simple corps consultatif qui ne peut rien imposer aux Eglises locales, si ce n'est la fidélité à l'enseignement et à la pratique reconnus scripturaires.

La doctrine des deux règnes:

Bien des Eglises luthériennes vivent sous un régime non laïc et entretiennent des liens étroits avec l'Etat (Allemagne, Scandinavie, Finlande et, en France, l'Alsace et une partie de la Lorraine). Cela signifie que l'Etat leur reconnaît le statut d'Eglise officielle. Dans ces pays, elle est un organisme public: ses bâtiments sont construits et entretenus et ses pasteurs salariés avec les deniers publics. C'est là une anomalie, une aberration de l'histoire de l'Eglise résultant de l'ancien principe selon lequel un pays adhérait d'office à la religion de son prince: "Cujus regio, ejus religio". Cette situation qu'on retrouve d'ailleurs encore dans d'autres Eglises n'est pas biblique et ne reflète pas ce qu'on appelle dans le luthéranisme la doctrine des deux règnes.

Aux termes de cette doctrine, Dieu exerce un double règne. Le règne de puissance en vertu duquel tout lui appartient, par lequel il gouverne l'univers tout entier et fait concourir toutes choses à l'accomplissement de son dessein (Psaume 46; 50:9-12; 102:25-27; Esaïe 44-47; Matthieu 28:18). C'est le règne dans lequel le Seigneur déverse sur ses créatures toutes ses bénédictions matérielles. Il fait se succéder les saisons, fait alterner la pluie et le beau temps, bénit et multiplie la semence répandue dans les champs pour qu'elle nourrisse hommes et animaux. Il donne aux hommes l'intelligence qui leur permet d'aller de découvertes en découvertes, toutes utiles et bénéfiques pour guérir les maladies, faciliter le travail des hommes et leur procurer de meilleurs conditions de vie. Il veut en particulier que règnent l'ordre, l'équité et la justice, que soient secourus les pauvres et les faibles, protégés ceux qui font le bien et châtiés les malfaiteurs. Luther appelait cela la main gauche de Dieu. Pour exercer, il a établi en particulier des magistrats et des gouvernements qui ont pour mission de prendre la défense de ceux qui s'acquittent fidèlement de leurs devoirs, de châtier les malfaiteurs et de veiller à la justice, l'équité, la paix, la liberté et les droits légitimes de chaque humain. C'est pourquoi il est nécessaire que "toute personne soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes" (Romains 13:1.2). Cf. encore Romains 13:3-7; 1 Timothée 2:2; 1 Pierre 2:13.14. Pour accomplir leurs tâches, les autorités édictent des lois et veillent à leur application. Dieu se sert d'elles, quel que soit le régime politique particulier dans le cadre duquel elles agissent, pour protéger l'homme dans sa vie, son honneur et ses biens. Elles n'ont de pouvoir que sur la personne physique des hommes et sur leur façon de se comporter dans la société.

Puis il existe cet autre règne que Dieu exerce par la prédication de l'Evangile. Règne intérieur caractérisé par la grâce, par lequel le Seigneur gagne les coeurs avec les promesses de son pardon et de son salut et vient habiter en eux. Puisque c'est l'Eglise chrétienne qui a été chargée de prêcher l'Evangile, c'est à travers elle qu'il l'exerce. Celle-ci assume donc sur les âmes et les consciences le pouvoir spirituel de Dieu. Par contre, l'Eglise n'a aucun pouvoir sur les corps. Et tandis que l'Etat gouverne par la loi naturelle inscrite dans les coeurs et promulguée dans les codes civil et pénal, l'Eglise gouverne par les promesses de l'Evangile et a pour seule mission d'instruire les hommes par la Parole de Dieu et de les inviter au salut par la foi en Jésus-Christ. Le Réformateur appelait cela la main droite de Dieu. L'Eglise luthérienne a toujours insisté sur le fait que ces deux règnes doivent être distingués avec soin. Toute ingérence de l'Etat dans les affaires de l'Eglise, et inversement, doit être proscrite comme contraire à la volonté du Seigneur.

Questions de révision et exercices:

 

2. LE MINISTERE

Le sacerdoce universel des croyants:

Dans Lévitique 8, il est demandé à Moïse de consacrer Aaron et ses fils comme prêtres ou sacrificateurs. Ils devaient tenir lieu d'intermédiaires entre Dieu et le peuple. Chaque jour ils présentaient des sacrifices pour le pardon des péchés du peuple, et le grand jour des expiations, le souverain sacrificateur pénétrait dans le Saint des saints avec le sang des victimes, pour le pardon de ses péchés et ceux du peuple (Lévitique 16).

Cette fonction n'existe plus, car ces sacrifices étaient la préfiguration de celui que Jésus devait apporter en son temps. Le Christ seul, qui nous a rachetés par son sang, est notre prêtre (Hébreux 2:17; 9:12; 10:14). Il a obtenu pour les pécheurs un libre accès au trône de la grâce, si bien qu'il est, comme la Bible ne cesse de le répéter, le seul intermédiaire ou médiateur entre le Seigneur et eux (1 Timothée 2:5; Hébreux 8:6; 9:15; 12:24).

L'Ecriture Sainte va encore plus loin. Elle affirme que tous les croyants sont des sacrificateurs devant Dieu: "Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des victimes spirituelles agréables à Dieu, par Jésus-Christ... Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1 Pierre 2:5.9). Jésus a fait de nous "un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu" (Apocalypse 1:5.6; 5:10). Les croyants sont ainsi les prêtres de la nouvelle alliance. Il sont invités à apporter à Dieu les sacrifices de leur obéissance, les offrandes de leurs prières et l'hommage de leur adoration (Romains 6:13; 12:1; 15:16; Psaume 51:19; 1 Corinthiens 3:21-23; Hébreux 13:16).

Jésus-Christ a même confié à son Eglise et donc à chacun de ses membres ce qu'on appelle le pouvoir des clés, qui consiste à pardonner les péchés aux pécheurs pénitents et à les retenir aux impénitents aussi longtemps qu'ils ne s'en repentent pas (Martin Luther, Petit Catéchisme). Il a donné les "clés du Royaume" à l'apôtre Pierre (Matthieu 16:19), puis à tous les disciples en leur disant: "Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus" (Jean 20:22.23). Il a aussi affirmé qu'en liant et déliant les péchés, l'Eglise agissait en son nom (Matthieu 18:17-20).

Tous les croyants ont un libre accès au trône de la grâce, apportent à Dieu leurs sacrifices et leurs offrandes, sont ses témoins dans le monde, publient ses hauts faits, annoncent le pardon du Christ à ceux qui le cherchent, consolent, reprennent, exhortent et encouragent. Il s'entraident sur le chemin de la foi et prient les uns pour les autres, ainsi que pour le monde. Cependant, tous ne sont pas appelés à prêcher, à baptiser et à distribuer la Sainte Cène.

Le ministère de la Parole et des sacrements:

Le monde a besoin de la Parole de Dieu et des sacrements pour découvrir le Christ et trouver par la foi en son nom le pardon et le salut, et l'Eglise en a besoin pour s'édifier dans la foi et la piété. "Comment invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler? Et comment en entendront-ils parler, s'il n'y a personne qui prêche? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s'ils ne sont pas envoyés?... La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Christ" (Romains 10:14.15.17). Voilà pourquoi le Seigneur a institué le ministère de la Parole et des sacrements et pourquoi il le confie à certains hommes dans l'Eglise.

Jésus dit aux apôtres: "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Matthieu 28:19). "Prêchez l'Evangile à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira point sera condamné" (Marc 16:15.16). L'apôtre Paul déclare que pour croire il faut entendre l'Evangile. Pour cela, il faut qu'il soit prêché, et pour qu'il le soit, il faut que des hommes soient envoyés (Romains 10:14.15). Il reconnaît aussi que les prédicateurs de l'Evangile comme lui sont des "ambassadeurs de Dieu" qui exercent le ministère de la réconciliation (2 Corinthiens 5:19.20).

Il y avait dans l'Eglise de l'époque des apôtres. Ils étaient au nombre de douze, auxquels vint s'ajouter Paul. Directement appelés par le Christ, ils avaient été les témoins de tout ce qu'il avait dit et fait, notamment de sa résurrection, et furent chargés d'évangéliser le monde de l'époque et de fonder l'Eglise (Matthieu 28:18-20; Marc 16:15.16; Actes 1:15-26; 9:1 ss.; 26:9-18).

Il y avait aussi des prophètes, autres que ceux de l'ancienne alliance, mais qui, au moins par moments, avaient comme eux le don de prédire l'avenir et de prêcher la Parole de Dieu (Actes 11:28; 21:10.11; 1 Corinthiens 14:1.29; 1 Thessaloniciens 5:20.21), ainsi que des évangélistes (Actes 21:8; 2 Timothée 4:5; Ephésiens 4:11).

Par ailleurs, les apôtres s'entourèrent d'aides et de collaborateurs, appelés anciens ou évêques, docteurs et pasteurs (1 Timothée 3:1-7; Tite 1:5-9; Actes 20:17-38). Ces hommes étaient chargés d'exercer le ministère dans les Eglises locales et secondés, à leur tour, par des diacres (Actes 6:1-8; Philippiens 1:1; 1 Timothée 3:8-13).

Tous ces prédicateurs étaient établis dans leur ministère par le Christ ou Dieu: "Christ a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints, en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ" (Ephésiens 4:11). "Dieu a établi dans l'Eglise premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs..." (1 Corinthiens 12:28).

Les apôtres avaient été directement choisis et envoyés dans le monde par Jésus. Les quelques prophètes qui agissaient dans l'Eglise de l'époque ont sans doute été reconnus comme tels en raison des dons qui étaient les leurs. Quant aux anciens ou évêques, ils furent mis en place dans l'Eglise par l'Eglise elle-même, sur recommandation des apôtres, ou inversement par les apôtres ou leurs collaborateurs avec le consentement de l'Eglise (Actes 14:23; Tite 1:5). Cf. aussi le récit de l'élection des diacres de Jérusalem, Actes 6:1-8. Mais tous ceux parmi eux qui prêchaient la Parole étaient investis du ministère institué par le Christ. Paul le reconnaît, quand il demande aux anciens d'Ephèse de prendre garde au troupeau sur lequel le Saint-Esprit les a établis évêques (Actes 20:28). L'Eglise luthérienne enseigne donc que personne ne doit exercer de ministère dans l'Eglise, s'il n'a pas été dûment appelé à cela (Confession d'Augsbourg, Article XIV).

Pour être aussi efficace que possible dans l'évangélisation du monde et l'édification de ses fidèles, et pour répondre à tous ses besoins, l'Eglise a tout intérêt à diversifier ses ministères et à répartir les tâches, comme elle l'avait fait à l'époque des apôtres.

L'Eglise catholique enseigne qu'il existe plusieurs ministères institués par le Christ et a instauré parmi eux une hiérarchie dite d'origine divine. Elle distingue notamment entre évêque, prêtre et diacre. Seul l'évêque est dit compétent pour consacrer d'autres prêtres. L'Eglise luthérienne enseigne, au contraire, qu'il n'y a qu'un ministère divinement institué dans l'Eglise, celui qui consiste à annoncer l'Evangile et à administrer les sacrements (Confession d'Augsbourg, Article V). Ce sont la tradition et des raisons pratiques qui font que les responsables nommés pour diriger l'Eglise s'appellent tantôt évêques, tantôt présidents et tantôt inspecteurs ecclésiastiques, et qu'il sont nommés à vie ou au contraire pour un mandat limité dans le temps. La distinction faite entre le ministère pastoral et celui de l'évêque est une disposition humaine qui peut être abolie. Il n'y a pas de hiérarchie divinement instituée, et Jésus-Christ est par ailleurs le seul chef de l'Eglise.

Quant à la succession apostolique, qui est dite avoir lieu par une imposition des mains remontant jusqu'aux apôtres qui, eux, l'auraient reçue du Christ, il est des Eglises qui la considèrent comme vitale et indispensable. Les Luthériens estiment qu'elle ne se fonde pas sur une ordonnance divine, qu'elle est historiquement fort douteuse, qu'elle ne fait pas partie de l'essence de l'Eglise et que la vraie succession apostolique de celle-ci consiste dans la fidélité à l'enseignement des apôtres.

La vocation au ministère pastoral a lieu dans l'Eglise luthérienne par l'Eglise locale, donc l'assemblée des fidèles, en consultation avec les responsables du Synode. Quant à l'ordination au ministère et à l'installation dans le champ de travail, elles sont de la compétence des ministres qui imposent les mains à leur frère et invoquent sur lui les bénédictions divines.

L'ordination qui n'est pas d'institution divine, mais que l'Eglise apostolique a pratiquée en l'empruntant au judaïsme de l'époque, est un acte liturgique qui revêt les significations suivantes: 1) Il est l'attestation officielle que le candidat a été reconnu par les instances de l'Eglise comme qualifié pour le ministère pastoral. 2) Il atteste qu'il a été légitimement et régulièrement appelé au ministère. 3) Il est le lieu où le candidat promet solennellement qu'il exercera son ministère dans la fidélité à la Parole de Dieu et à l'enseignement des Confessions luthériennes. 4) Il consiste à imposer les mains au nouveau pasteur, en invoquant le Seigneur en sa faveur et en implorant sur lui ses bénédictions.

Il est des Eglises luthériennes de type épiscopalien qui assimilent l'ordination, en tant qu'acte accompli par le clergé, à l'établissement dans le ministère, définitif et illimité dans le temps, et définissent l'installation, qui est affaire à la fois du clergé et de l'Eglise, comme l'acte identifiant, à un moment donné de sa carrière, le champ d'action d'un pasteur. D'autres Eglises luthériennes, dont la nôtre, n'ordonnent un candidat au ministère que lorsqu'il a reçu sa première vocation, et font coïncider l'ordination avec l'installation dans la première paroisse, confessant ainsi que c'est en devenant ministre d'une Eglise locale qu'on devient ministre de l'Eglise universelle.

Questions de révision et exercices:

La place et le rôle du chrétien dans l'Eglise:

La Bible enseigne que la vie du chrétien est un service permanent qu'il rend à Dieu dans l'Eglise et dans le monde. Dans l'Eglise en particulier, tous les croyants sont appelés à se mettre au service les uns des autres, sans aspirer à des positions d'honneur (Luc 22:26.27). D'autre part, le Nouveau Testament présente l'Eglise chrétienne, universelle et locale, comme le corps du Christ dans lequel tous les membres sont solidaires les uns des autres (Romains 12:4-8; 1 Corinthiens 12:12-31). Il y occupent une place et y jouent un rôle qui sont tributaires des dons reçus du Seigneur. L'Eglise ne peut vraiment s'épanouir que si chaque croyant en est une pierre et un membre vivant, demandant à Dieu de sanctifier les dons qu'il lui a plu de lui accorder et les utilisant à sa gloire et pour le bien-être de son peuple. C'est la vision organique de l'Eglise. L'étude de cette question relève de ce qu'on appelle en anglais le "stewardship". Cf. le chapitre sur les dons dans l'Eglise, leur pluralité, leur diversité, leur complémentarité, leur unité, leur interdépendance et la souveraineteé de Dieu dans leur attribution, in W. Kreiss, Pierres vivantes et gérants fidèles, C.E.T., 1992.

La mission de l'Eglise:

Etant dans le monde, mais pas du monde (Jean 17:6-19), l'Eglise chrétienne a une double tâche. Elle doit baptiser et enseigner, instruire dans la foi ses enfants et ses adultes pour qu'ils deviennent des chrétiens engagés et fidèles. Mais elle doit aussi faire de la mission. Jésus-Christ lui en a donné l'ordre explicite. Cette obligation résulte du fait que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se repente et vive, et d'autre part de ce que le Christ est mort pour tous les hommes et les a tous rachetés. Aussi sont-ils tous appelés à le connaître. La repentance et le pardon des péchés doivent être "prêchés en son nom à toutes les nations" (Luc 24:47). L'Eglise chrétienne doit tenter de s'implanter partout par la prédication de l'Evangile et l'administration des sacrements. Et partout où elle s'est implantée, elle doit s'efforcer de devenir dans les meilleurs délais indépendante, autonome et responsable de son expansion. Deux tiers du monde n'ont pas encore été vraiment évangélisés. D'autre part, les pays traditionnellement chrétiens ont cessé de l'être et ont plus que jamais besoin de l'Evangile.

La mission de l'Eglise ne consiste pas dans la transformation du monde. Le Christ ne propose pas au monde un programme social destiné à surmonter les injustices, réaliser l'équité, le bien-être et la paix. Il ne plaide pas pour l'instauration dans les peuples de valeurs morales et d'un ordre meilleurs. L'action de l'Eglise ne se situe pas au niveau social ou moral. Son devoir n'est pas de changer le monde, mais de l'appeler à la repentance. "Sauvez-vous de cette génération perverse", prêchaient les apôtres (Actes 2:40). Les chrétiens savent qu'avant le retour de Jésus-Christ il n'y aura pas chez les hommes de société correspondant à la volonté de Dieu. D'autre part, le tableau que Jésus et les apôtres brossent du monde dans les derniers temps ne laisse pas espérer d'amélioration et ne nous autorise pas à croire que l'Eglise pourra l'influencer par les valeurs qu'elle prône.

L'Eglise chrétienne n'a pas à influencer le monde, mais à le gagner pour le Christ. Ce n'est que de cette façon qu'il peut changer. Il faut aux hommes un autre coeur pour devenir meilleurs, et ce coeur, seul le Saint-Esprit peut le leur donner par la prédication de l'Evangile qui régénère, renouvelle et sanctifie. Lorsque l'Eglise chrétienne est solidement implantée dans un pays, elle influence la société, la marque de son empreinte. C'est ainsi que naît une culture chrétienne. L'implantation d'une telle culture cependant n'est pas la mission propre de l'Eglise. Elle est par contre un beau fruit de la proclamation de l'Evangile du salut. Il ne s'agit donc pas d'inviter les hommes à penser et agir chrétiennement, tout en les laissant dans leur incrédulité, mais de prêcher la repentance et la foi en Jésus-Christ, de faire d'eux des chrétiens qui ensuite, tout naturellement, penseront et agiront en chrétiens.

L'Eglise chrétienne doit aussi faire de la mission, parce que selon l'enseignement de la Bible il n'y a de salut qu'en Jésus-Christ et qu'aucun autre nom n'a été donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés (Actes 4:12). Il est seul "le chemin, la vérité et la vie" et nul ne vient au Père que par lui (Jean 14:6). Le christianisme prétend être la seule religion vraie qui puisse sauver l'homme. Prétention inouïe qui soulève bien des protestations et que même beaucoup de théologiens et de chrétiens récusent. Il est de bon ton aujourd'hui de professer que Dieu peut se servir aussi d'autres religions pour sauver les hommes, que le Christ est caché aussi dans d'autres croyances, qu'on peut être sauvé par Jésus sans le connaître, en suivant les lumières dont on dispose. D'où le mot d'ordre: "Dialoguons avec les représentants des autres religions, mais n'essayons pas de les convertir!"

Ce n'est pas là du tout l'enseignement de la Bible. Les prophètes de l'ancienne alliance et les apôtres de l'alliance nouvelle n'ont en rien pactisé avec les dieux des nations ou célébré des cultes communs avec les païens (1 Rois 18; Actes 14:11-15; 19:27). L'Evangile cesse d'être source de vie, même pour l'Eglise, si elle n'a pas le courage de dire qu'il est la vérité chargée de conquérir le monde entier et de dissiper les ténèbres de l'erreur. Faire oeuvre sociale au nom du Christ, construire par amour pour Dieu et pour le prochain des écoles et des hôpitaux, soulager la souffrance dans le monde, exercer la miséricorde est une belle et noble façon de servir le Seigneur. Mais la mission proprement dite qui a été confiée à l'Eglise et qu'elle est absolument seule à pouvoir mener à bien, est l'annonce de la Parole de Dieu et l'appel à la repentance et la conversion.

Beaucoup d'Eglises luthériennes, surtout là où elles sont Eglises d'Etat, sont multitudinistes. D'autres Eglises le sont aussi, sans pour autant être Eglises d'Etat. Elles considèrent comme membres tous ceux qui ont un jour reçu le Baptême, qu'ils professent ou non la foi chrétienne. Beaucoup d'entre eux ne sont chrétiens que de nom. L'Eglise évangélique luthérienne est par définition une Eglise de professants. Non qu'elle refuse le Baptême aux enfants et le réserve à ceux qui le demandent après une expérience de la conversion, comme le font les Evangéliques, mais pour y être considéré comme un chrétien véritable, il faut porter les marques visibles de la foi qui sont l'amour de la Parole et des sacrements et une vie chrétienne. Un chrétien évangélique luthérien ne peut pas dire: "Je crois, mais je ne pratique pas", car il sait qu'il n'y a pas de foi véritable sans l'écoute de l'Evangile, la communion au corps et au sang du Christ, la prière et l'adoration. Si l'Eglise chrétienne est le corps du Christ, on en devient par la foi un membre vivant. La notion de membre mort est contradictoire. Quand un sarment est mort, c'est qu'il n'est plus relié au cep, même s'il n'en a pas été physiquement retranché. Un membre mort n'est plus relié à Jésus-Christ. Il ne fait plus partie de son corps qu'est Eglise.

Questions de révision et exercices:

 


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3-Oct-2002, Rev. David Milette.