Le Sacrement de la Sainte Cène, par Dr. Wilbert Kreiss - index  Le Sacrement de la Sainte Cène, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

III - À QUOI SERT LA SAINTE CÈNE ?

A quoi sert la Sainte Cène? Certainement pas à se mettre en règle avec Jésus qui a ordonné aux siens de communier. Pas davantage à faire son devoir de chrétien. Et encore moins à montrer qu'on est un bon "pratiquant".

Manger et boire! C'est un plaisir, mais aussi une nécessité. Le pain que nous mangeons chaque jour se transforme en globules rouges, en chair et en os, ce qui nous maintient en vie, nous donne des forces nouvelles et nous permet de travailler. Miracle de tous les jours, que les savants n'ont pas encore pu expliquer!

La nourriture céleste que sont le corps et le sang du Christ, nous procure, elle aussi, une force dont nous avons grandement besoin : le pardon des péchés, la vie et le salut. Il n'y a pas de mal plus grave sur terre que le péché, et la croix du Christ nous le montre à l'évidence. Contemplez le corps sanglant du Sauveur sur le gibet de Golgotha, essayez de comprendre quel supplice endure son âme, voyez-le subir en silence le pire des châtiments, l'abandon du Père, la malédiction de la Loi. Silence terrible, qui parle mieux que la plus éloquente des prédications. Dieu fait un procès à son Fils, le procès du péché, le procès de nos péchés. Il condamne son Fils, parce qu'il a le péché en horreur. Chacun de nos péchés vaut à Jésus le châtiment qui le brise. C'est à Golgotha qu'il nous faut regarder, pour mesurer le péché, pour le voir avec les yeux de Dieu, pour nous faire une idée de nos dettes.

Mais la croix de Jésus nous dit encore autre chose : Vois comme je t'aime, nous souffle le Rédempteur divin au milieu de son agonie! Vois comme je lutte pour t'acquérir grâce et pardon! Oui, Jésus nous aime, d'un amour qui ne recule devant rien, qui va jusqu'au sacrifice de soi-même.

Et voici qu'il nous donne dans la Sainte Cène le corps qui était pendu à la croix, le sang qui y coula pour la rédemption du monde. Il nous offre ainsi ce par quoi il nous a acquis le pardon, le gage suprême de notre rédemption.

Et avec le pardon il nous fait don de la vie. Non d'une vie brève, éphémère, semblable à celle d'un papillon d'un jour, mais de la vie éternelle, impérissable en communion étroite avec Dieu, une vie qu'aucune mort ne peut anéantir, mais qui débouche dans l'éternité, dans la gloire même de Dieu. C'est cette vie qu'il procure et offre à ses hôtes, à tous ceux qui viennent avec foi à sa table. La Bible l'appelle encore salut, car elle délivre l'homme des chaînes terribles du péché, de la mort et de Satan. C'est du don de ces bienfaits merveilleux qu'il sera question maintenant, et nous souhaitons que ce que nous aurons à dire remplira le lecteur croyant de joie et de gratitude, et en fera un communiant humble, confiant, heureux, au coeur rempli de louanges et d'adoration chaque fois qu'il sera invité à la Table du Seigneur.

Le Petit Catéchisme donne à la question : "Quelle est la grâce de la Sainte Cène?" la réponse suivante : "La grâce de la Sainte Cène nous est indiquée par ces mots : "Donné et répandu pour vous en rémission des péchés". Ainsi, en vertu de ces paroles, nous recevons dans la Sainte Cène la rémission des péchés, la vie et le salut, car là où il y a la rémission des péchés, il y a aussi vie et salut". Les chrétiens confessent : "Je crois que Jésus-Christ, vrai Dieu né du Père de toute éternité, vrai homme né de la vierge Marie, est mon Seigneur. Il m'a racheté, moi perdu et condamné, en me délivrant du péché, de la mort et de la puissance du diable, non point à prix d'or ou d'argent, mais par son saint et précieux sang, par ses souffrances et sa mort innocentes, afin que je lui appartienne et que je vive dans son Royaume, pour le servir éternellement dans la justice, dans l'innocence et la félicité, comme lui-même, étant réssuscité des morts, vit et règne éternellement. C'est ce que je crois fermement".

C'est tout cela que le Seigneur nous offre dans la Cène; ce sont les magnifiques bienfaits qu'il nous y présente, pour que nous les recevions avec foi. Au cours d'une conférence que nous avons faite sur le sujet : "La théologie luthérienne de la certitude", un officier de l'Armée du Salut nous a posé la question : "Pourquoi vous, Luthériens, mettez-vous votre confiance dans les sacrements, au lieu de la mettre en Christ seul?" La question était bien posée, et nous nous sommes efforcé d'y répondre de façon claire et simple. C'est une objection qu'on entend souvent : Ce qui nous purifie de tout péché, c'est le sang de Jésus, et non l'Evangile, le Baptême et la Sainte Cène. Il est vrai que le sang de Jésus nous purifie; c'est lui qui fut répandu pour notre salut. Mais encore faut-il que le pécheur le sache et le croie. Jésus ne nous sert de rien, si nous ne croyons pas en lui, et quand il serait mort mille fois. Nous ne refusons pas à Jésus la confiance que nous mettons dans son Evangile et dans les sacrements, mais si nous nous confions en l'Evangile et en les sacrements, c'est précisément parce que nous mettons notre confiance en Jésus. Il faut que le Seigneur nous propose et nous offre les bienfaits de sa mort. Et où le fait-il, si ce n'est dans sa Parole et dans les sacrements? Son sang nous purifie et nous procure le pardon, mais c'est dans sa Parole et dans les sacrements que ce pardon nous est promis, offert et communiqué. Ce n'est que dans l'Evangile que le Seigneur promet aux pécheurs repentants et croyants sa grâce, le pardon, la vie et le salut.

Or les sacrements ne sont rien d'autre que l'Evangile, la promesse de grâce, du pardon, de la vie et du salut liée à un élément visible : l'eau du Baptême, le pain et le vin de la Cène. L'apôtre Pierre dit dans son sermon de Pentecôte : "Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés" (Actes 2 : 38). Et Paul affirme que le Christ a purifié son Eglise par le bain de l'eau dans la Parole (Ephésiens 5 : 26). Il en va de même de la Cène. Tendant le pain aux disciples, Jésus leur dit : "Ceci est mon corps, qui est donné pour vous". Leur présentant la coupe, il déclare : "Ceci est mon sang, qui est répandu pour vous, pour la rémission de vos péchés". Les Réformés ont l'habitude de répliquer : La sainte Cène ne procure pas la rémission des péchés, mais nous rappelle simplement que le Christ nous l'a acquise en donnant son corps et en répandant son sang pour le salut du monde! A cela nous répondons : C'est justement en nous rappelant que le Christ a donné son corps et répandu son sang pour notre pardon que la Sainte Cène nous offre ce grand bienfait. C'est comme pour l'Evangile : il serait faux de dire que l'Evangile ne nous offre pas le pardon, mais se contente de nous dire que Jésus nous l'a acquis. Mais c'est justement en proclamant la mort rédemptrice du Christ que l'Evangile nous fait l'offre du pardon. Le Saint-Esprit utilise cette proclamation pour, à travers elle, faire naître la foi dans nos coeurs ou la fortifier et l'affermir, si elle est déjà présente. Ainsi, Jésus proclame dans la Cène : "Ceci est mon corps qui est donné pour vous, mon sang qui est répandu pour vous, pour la rémission de vos péchés". En nous disant et en nous promettant cela, il agit dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui y grave cette promesse et affermit notre foi. Jésus nous donne ce par quoi il nous a acquis le pardon et le salut, son corps et son sang, les gages de notre rédemption. Reçus avec foi, ils nous fortifient dans l'assurance joyeuse que nous sommes rachetés et pardonnés.

Celui qui objecte que si Dieu nous offre le pardon dans l'Evangile, il n'est pas nécessaire qu'il nous renouvelle cette offre dans la Cène, a oublié combien le pécheur a besoin de pardon et d'assurance de pardon. Rappelons-nous les doutes de l'apôtre Thomas! Que de doutes semblables n'avons-nous pas hébergés dans nos coeurs! Que de fois n'avons-nous pas douté de la grâce et de l'amour de Dieu, douté de son pardon et de la vie éternelle! Qui n'a jamais ressenti ses péchés comme un fardeau trop grand, comme une somme d'injustices trop grande pour que le Seigneur consente à nous les pardonner! Qui n'a jamais trébuché dans la foi? Qui ne s'est jamais dit au milieu de l'épreuve, dans la maladie, l'affliction, le chagrin, le deuil, les échecs : Est-il possible que Dieu m'aime encore? N'y a-t-il pas une contradiction flagrante entre ce qu'il me promet dans l'Evangile et ce que je vois dans la vie de tous les jours? Et nous ne parlons pas de la mort et du douloureux combat qu'elle inflige si souvent aux enfants de Dieu. Au milieu de tout cela, l'enfant de Dieu a besoin d'être soutenu, encouragé, réconforté, consolé. Il a besoin d'une certitude inébranlable, scellée par son Père céleste, et que personne ne pourra lui ravir, pas même Satan qui ne cherche que cela.

Les chrétiens à qui le ciel est promis sont pour l'instant dans l'antichambre du paradis; ils marchent par la foi, et non par la vue. Ils sont semblables aux enfants le jour de Noël, qui attendent avec impatience que la porte du salon s'ouvre; ils veulent voir le sapin, savent qu'il est de l'autre côté de la porte. Ils sont heureux, mais leur père n'a pas encore ouvert la porte.

Dieu veut que nous soyons sûrs, absolument sûrs de notre salut. Il veut que les siens vivent et meurent dans l'heureuse certitude qu'ils ont vaincu le péché, la mort et Satan et qu'ils vivront éternellement auprès de leur Sauveur. Le Seigneur le veut ainsi. Il veut nous faire dire avec l'apôtre : "Je sais en qui j'ai cru et je suis persuadé qu'il a le pouvoir de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là" (2 Timothée 1 : 12). "J'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur" (Romains 8 : 38.39).

Voilà pourquoi il est indispensable qu'il nous renouvelle toujours sa promesse, et qu'il le fasse de plusieurs façons. Le Chrétien, conscient de ses péchés de chaque jour et assoiffé de grâce et de salut, en quête permanente du pardon, sait se réjouir de ces offres multiples et diverses. Tandis que dans la prédication de l'Evangile, le Seigneur s'adresse à la foule, il nous parle en tête-à-tête, quand nous nous présentons à sa Table. Il y dit à chacun de ses convives : Ceci est mon corps qui est donné pour toi, mon sang qui est répandu pour toi, pour la rémission de tes péchés! C'est plus qu'une simple prédication; c'est un tête-à-tête personnel entre le pécheur racheté et son Rédempteur. C'est une audience privée dans laquelle le croyant se sait personnellement interpellé. Il y entend un message de grâce et de paix qui est pour lui, pour lui personnellement.

D'autre part, le communiant ne fait pas qu'entendre des paroles. Il voit quelque chose dans le repas du Seigneur : le pain et le vin auxquels Jésus joint son corps et son sang, porteurs de son pardon. Ils sont le sceau visible de la promesse, un gage, une quittance divine. Ce pain et ce vin lui prêchent que le Christ est bien mort pour lui, que pour lui son corps fut cloué sur une croix et son sang divin répandu. Le Christ a été livré pour nos péchés, il est ressuscité pour notre justification. On ne peut plus en douter quand on reçoit son corps et son sang! Quand j'ai contracté une grande dette et qu'un bon ami, sachant que je ne pouvais la rembourser, l'a fait pour moi et que de plus il m'a confié la quittance attestant que mon créditeur a bien touché l'argent que je lui devais, je n'ai plus à craindre aucun juge. Le misérable pécheur que je suis n'a plus à craindre son juge céleste, quand Jésus l'appelle auprès de lui et lui dit: Tiens, ceci est mon corps qui a été donné pour toi, mon sang qui a été répandu pour toi, pour la rémission de tes péchés!

Dans la Sainte Cène, Jésus nous offre dans sa miséricorde, sous les espèces du pain et du vin, le pardon des péchés, la vie et le salut qu'il nous a acquis par son saint et précieux sang, par ses souffrances et sa mort innocentes. C'est pourquoi, elle a sur le communiant croyant un certain nombre d'effets salutaires :

 

La Sainte Cène fortifie dans la foi :

Luther écrit dans le Grand Catéchisme : "Par le Baptême, nous sommes déjà régénérés, mais, comme nous l'avons dit, la vieille peau de chair et de sang adhère encore à l'homme. De plus, nous sommes entourés de tant d'obstacles et de tentations provenant du diable et du monde, que nous finissons par nous lasser, et, parfois, par chanceler. C'est pourquoi le Sacrement nous est donné pour nourriture quotidienne, afin que notre foi soit restaurée et fortifiée et que, loin de défaillir en un tel combat, elle s'affermisse de jour en jour. La vie nouvelle, en effet, doit se développer et progresser constamment, mais elle ne le peut qu'au prix de beaucoup de souffrances, car le diable est un terrible ennemi. Dès qu'il s'aperçoit qu'on lui résiste, qu'on attaque le vieil homme et qu'il ne peut nous vaincre par la force, il a recours à la ruse, se glisse et rôde autour de nous, use de tous les artifices et n'a pas de cesse qu'il n'ait réussi à nous fatiguer, de telle sorte que notre foi fléchisse et que nous nous laissions aller au découragement ou à l'irritation et à l'impatience. Mais le Sacrement nous apporte du réconfort. Quand nous avons le coeur oppressé, quand le combat nous paraît trop dur, il restaure notre âme et renouvelle nos forces" (6 point, § 23-27).

Croire signifie avoir l'assurance qu'on a un Dieu miséricordieux, que le Père céleste est réconcilié avec le pécheur, qu'il lui offre le pardon. C'est là le centre du christianisme. Tout en dépend. Celui qui vit dans cette foi, y persévère, meurt avec cette merveilleuse certitude, est sauvé, éternellement sauvé, pour toujours sauvé.

Ce n'est pas si facile qu'on le croit. Bien sûr, il est facile de croire d'une façon générale que Jésus a sauvé le monde en mourant pour lui. La Bible le dit tant et plus. Mais il est beaucoup plus difficile de croire qu'on est personnellement sauvé, de croire que Dieu vous aime tels que vous êtes. Votre nom, en effet, ne se pas trouve dans la Bible, et tant de choses sont là pour nous rappeler constamment que nous sommes indignes, entièrement indignes de l'amour de Dieu et de son salut. Et le coeur est si souvent tiède! On voudrait qu'il vibre d'amour, de joie et de paix, mais que ressent-on? Lassitude, morosité, inquiétudes, doutes, sans parler des tentations et de l'attrait du péché. Alors la conscience élève la voix, distille le doute, accuse et condamne. Malheur à ceux qui écoutent la voix de leur coeur pour trouver l'espoir et l'assurance! Il n'est pas de sable plus mouvant que celui-là!

La foi et la certitude chrétienne se fondent uniquement sur ce que Dieu a fait et continue de faire pour notre salut. Que présenter à Dieu, pour subsister devant lui, quand on n'a rien d'autre à lui offrir que d'innombrables péchés, qu'on ne peut se prévaloir d'aucun mérite et se retrancher derrière aucune dignité? Où chercher la rançon, quand on ne peut rien lui donner? Mais supposons qu'un ami nous mette dans la main la somme que nous devons à notre créditeur. Ne nous permet-elle pas de nous acquitter de notre dette? Jésus a payé notre rançon, en mourant pour nous. Non seulement il nous le proclame dans son Evangile, mais dans sa miséricorde il a institué un sacrement dans lequel il nous la presse dans la main. Il nous donne son corps et son sang, rançon de notre rachat, en disant à chacun de nous : "Donné pour vous, répandu pour vous!" Alors il n'est plus permis ni possible de douter de sa rédemption. On n'a plus le droit de se demander avec angoisse : Qui sait si Dieu m'accueille tel que je suis? Qui sait s'il m'aime et veut me pardonner? Qui sait s'il désire me recevoir dans son ciel? Le sacrement de l'autel fortifie le pécheur repentant et croyant dans la foi au pardon et le fait chanter :

Pour soutenir la foi des tiens,
Tu leur donnes ces divins biens:
Ton corps et ton sang précieux
Et la grâce qui rend heureux.

Offert pour ma rédemption,
Blessé, meurtri pour mon pardon
, Ton corps m'est le gage certain
D'un ineffable amour divin.

Le sang que tu as répandu,
Pour sauver le pécheur perdu,
Me purifie à tout jamais,
Me comblant d'une douce paix!

 

La Sainte Cène unit étroitement à Jésus :

La foi est le lien qui unit le croyant à son Sauveur. C'est par elle que celui-ci vient habiter dans son coeur, qu'il devient un membre de son corps, relié au Chef divin, un sarment qui pousse sur le cep, une brebis du troupeau. Autant d'images bibliques qui montrent la communion étroite entre le Christ et les siens, communion que Jésus a un jour exprimée en ces termes : "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle... Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui" (Jean 6 : 54-56).

Dans ce texte, Jésus ne parle pas directement de la Sainte Cène, mais de ce qu'on appelle une manducation spirituelle, image de la foi. Nous devenons par elle "participants de la nature divine" (2 Pierre 1 : 4). Cette union au Christ est fortifiée par la Sainte Cène dans la mesure même où elle nous affermit dans la foi. Mélanchton écrit dans l'Apologie de la Confession d'Augsbourg : "Le Sacrement a été institué pour consoler et redresser les âmes, et pour qu'on sache que la chair de Christ, donnée pour la vie du monde, est une vraie nourriture salutaire, pour qu'on sache qu'on a la vie par la communion avec Christ" (Article XXII, § 11). La Formule de Concorde précise que la Sainte Cène est "la commémoration perpétuelle de sa passion, de sa mort et de tous ses bienfaits, le sceau de la nouvelle alliance, le réconfort de toutes les âmes troublées, le lien constant unissant tous les chrétiens à leur Chef et entre eux" (S.D. VII, § 44).

Recevoir avec foi le corps et le sang du Christ, et avec eux le pardon de ses péchés, c'est s'unir étroitement à son Sauveur, lui ouvrir tout grand son coeur, vivre avec lui, par lui et pour lui. C'est marcher dans la foi, avec un trésor immense dans le coeur!

 

La Sainte Cène affermit dans la certitude de la résurrection pour la vie éternelle :

Jésus distribue dans la Sainte Cène son corps qui a été livré à la mort pour le salut du monde. Mais il n'est pas resté dans les liens de la mort, dans la tombe. Il n'a pas vu la corruption, mais est ressuscité avec majesté et gloire, fut reçu dans le ciel et s'est assis à la droite de Dieu. Il fut couvert de magnificence et de grandeur. Aussi, le corps qu'il nous donne dans la Cène est-il le gage de notre résurrection future, un acompte sur ce qui nous est réservé dans le ciel, des arrhes qui nous garantissent que nous ressusciterons nous aussi, pour entrer dans la gloire céleste. Le Seigneur nous certifie ainsi qu'il ne nous laissera pas dans la misère et l'humiliation présentes, mais qu'un jour nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Il transformera notre corps pour le rendre semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses (Philippiens 3 : 21). Ainsi, en communiant avec foi, nous attendons la rédemption de notre corps (Romains 8 : 23). Nous vivons dans la certitude que sera exaucée un jour cette admirable demande qu'il fit monter vers son Père, peu de temps avant sa mort : "Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire, la gloire que tu m'as donnée, parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde" (Jean 17 : 24).

En célébrant la Cène, la chrétienté chante :

Anges du ciel, et vous les bienheureux,
Que Christ a glorifiés,
Prosternez-vous et remplissez les cieux
Du chant des rachetés!
Nous avons eu le gage,
Comblés de son pardon,
Du céleste héritage
Dont il nous fera don.

 

La Sainte Cène fortifie les chrétiens dans l'amour de Dieu et du prochain :

Nous parlerons maintenant de sanctification. Ce n'est pas par la Loi qu'on peut la réaliser. On peut, en menaçant les hommes des foudres de la Loi, en leur prêchant la colère de Dieu et l'imminence de son châtiment, obtenir d'eux ce qu'on appelle plus de justice civile. On peut les pousser à plus de droiture, plus d'intégrité, plus d'honnêteté. Mais on ne changera pas leur coeur; il faudrait que, impressionnés, subjugués ou terrifiés par la Loi, ils changent eux-mêmes leur coeur et aiment Dieu de toutes leurs forces, de toute leur âme et de toutes leurs pensées, et le prochain comme eux-mêmes. Mais ils n'en sont pas capables. L'homme qui se sait coupable, qu'accuse la conscience, ne peut pas aimer Dieu et ne veut pas l'aimer. Pour lui, le Seigneur est ou bien un Dieu lointain qui ne se soucie pas du monde et laisse les hommes vivre leur vie, ou bien un tyran qu'ils fuient. Et on ne peut pas aimer celui qu'on fuit, devant qui on a une mauvaise conscience. C'est dire qu'aucune prédication de la Loi ne peut changer l'homme, le faire entrer en communion avec son Créateur et obtenir de lui qu'il le serve avec amour et d'un coeur sincère.

Pour aimer Dieu, il faut se savoir aimé de lui; et pour l'aimer beaucoup, il faut se savoir beaucoup aimé. Mais l'homme naturel ne sait pas cela. Aussi toute sa justice de citoyen n'est-elle qu'un beau vêtement qui cache un coeur corrompu, impur et injuste, un coeur fermé au Seigneur, hostile à sa voix.

L'apôtre Jean écrit : "Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier" (1 Jean 4 : 19). Pour aimer Dieu, il faut que l'homme mesure l'amour de ce Dieu, soit pénétré jusque dans les dernières fibres de son être de sa miséricorde, sache que son Créateur non seulement l'aimerait s'il était juste, mais l'aime aussi quoiqu'il soit injuste. Il faut qu'il sache que le Seigneur est allé jusqu'au bout, jusqu'aux limites devant lesquelles reculerait l'amour humain le plus parfait et le plus désintéressé. Il faut qu'il sache ce qu'il en a coûté au Seigneur d'ouvrir la porte du ciel à des créatures qui ne méritaient que sa réprobation et sa juste colère. En un mot, il faut qu'il ait entendu les merveilleuses et consolantes promesses de l'Evangile, qu'il les ait reçues d'un coeur croyant et qu'il ait appris, tel un mendiant, à vivre, sans en être digne, de la miséricorde imméritée de Dieu et du trésor inépuisable de sa grâce et de son pardon révélés en Jésus-Christ. Il faut qu'il accepte que son Dieu se soit incarné et qu'il ait subi, au milieu des souffrances sans nom, son propre châtiment. Alors, alors seulement, mais alors à coup sûr, son coeur s'ouvre tout grand à l'amour de son Dieu. Justifié par la grâce, il n'a plus qu'un désir : consacrer sa vie dans une obéissance humble et reconnaissante, et donc désintéressée et fervente.

Tout chrétien s'applique donc à vivre dans la justice et la sainteté qui sont agréables au Seigneur. "Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les pratiquions" (Ephésiens 2 : 10). La sanctification suit la justification, l'amour suit la foi dont il est le fruit. La foi, disait Luther, ne se demande pas longtemps si elle doit faire des oeuvres, mais elle les fait spontanément. C'est vrai, mais il est tout aussi vrai que ce sont des fruits qui ont bien du mal à pousser. A côté du nouvel homme, le chrétien abrite en lui le vieil homme, la chair qui ne se soumet pas à la Loi de Dieu. Saint Paul disait : "Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas... Quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi. Car je prends plaisir à la Loi de Dieu selon l'homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon entendement et qui me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres" (Romains 7 : 19-23).

La vie chrétienne est ainsi un combat permanent. Si l'homme était seul à le mener, il succomberait rapidement. C'est pourquoi, Dieu, qui dans sa grâce a justifié le pécheur gratuitement et sans aucun mérite de sa part, oeuvre en lui pour qu'il se renouvelle de jour en jour. Il le fait par les moyens de grâce qu'il a institués à cet effet. L'Evangile qui a fait naître la foi dans son coeur, est là pour l'affermir, le fortifier dans cette foi, pour lui donner la volonté et la force de renoncer au mal et de rechercher le bien, la force de surmonter les tentations et de grandir dans la piété. La Sainte Cène, dans laquelle la promesse du pardon et du salut devient visible et est appliquée à chaque communiant en particulier, est elle aussi un puissant moyen de sanctification. Si le recours à ce sacrement nous fortifie dans la foi, il nous affermit en même temps dans l'amour, avant tout dans l'amour de Dieu.

Le Seigneur a été le premier à nous aimer : "L'amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui" (1 Jean 4 : 9). C'est poussé par son grand amour que Jésus s'est sacrifié pour nous: "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jean 15 : 13). "Christ m'a aimé et s'est livré lui-même pour moi". (Galates 2 : 20). "Christ nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur" (Ephésiens 5 : 2). C'est par amour aussi qu'il a institué la Sainte Cène, pour nous communiquer tous ses dons. Un tel amour ne peut que transformer un coeur croyant. L'amour appelle l'amour; c'est pourquoi Saint Jean écrit : "Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier" (1 Jean 4 : 19).

Quand Jésus nous offre avec le pain et le vin le corps que pour nous il a livré à la mort et le sang qu'il a répandu pour nous, qu'il nous remémore dans la Sainte Cène le sacrifice sanglant qu'il a subi pour notre salut et qu'il nous assure de son pardon, il nous console, nous rassure et nous fortifie dans la foi et nous fait par là grandir dans l'amour de son nom. Cet amour, fait à la fois d'une crainte filiale et d'une confiance inébranlable, s'épanouit, rayonne dans la vie, délie les lèvres pour la louange et l'adoration et fait marcher le chrétien sur la voie des commandements divins, l'incite à s'offrir tout entier au Seigneur en lui disant : "Je n'ai rien qui ne soit à toi. A ton gré dispose de moi, Car je suis ton ouvrage".

La Sainte Cène fortifie aussi dans l'amour du prochain. Saint Paul écrit : "La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas la communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas la communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps, car nous participons tous à un même pain" (1 Corinthiens 10 : 16,17).

La participation à la Sainte Cène unit tous les communiants. Elle les unit par le don du corps et du sang du Christ. Beaucoup de grains de blé font une miche de pain. Ainsi, ceux qui communient constituent, du fait qu'ils reçoivent le même pain, et avec ce pain le corps du Christ, une entité, un corps, une famille. Unis par une même foi, rassemblés autour de la Table du Seigneur, désireux de recevoir le même pardon, celui sans lequel ils ne peuvent vivre, ils manifestent leur communion fraternelle, célèbrent un repas d'amour, le plus beau et le plus réel qui soit.

Nous sommes membres d'une même famille, enfants d'un même Dieu qui nous invite à son festin de grâces. Tout ce qui les différencie s'estompe et disparaît : il n'y a plus ni homme ni femme, ni riche ni pauvre, ni manuel ni intellectuel. Tous se présentent devant le Seigneur en pauvres pécheurs qui ont besoin de pardon et le désirent ardemment. Ils sont venus pour le recevoir, et ils le reçoivent, tous de la même façon. Ils retournent dans leurs bancs revêtus de la justice et de la sainteté de leur Sauveur. Celui qui se tenait à côté de moi, devant l'autel, repart avec le même trésor. Je le sais, et il le sait aussi. Nous sommes liés l'un à l'autre par un lien invisible, mais indestructible. Nous nous aimons en héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ. La grâce que nous venons de recevoir nous soude l'un à l'autre. "Nous formons un seul corps" dit Paul, et les membres d'un même corps ne peuvent que s'aimer. Les premiers chrétiens l'avaient compris, eux dont l'Ecriture témoigne : "Tous ceux qui croyaient étaient dans un même lieu, et ils avaient tout en commun... Ils étaient chaque jour tous assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, louant Dieu et trouvant grâce auprès de tout le peuple" (Actes 2 : 44,46,47).

Tout chrétien doit grandir dans l'amour du prochain, et en particulier de ses frères et soeurs dans la foi. Grandir réellement, beaucoup et constamment... Quelle paroisse chrétienne n'en ressent pas le besoin? Que de plaintes n'entend-on pas à ce sujet? Mentionnons les mésententes et les querelles, dans les familles et dans la communauté, la médisance, la diffamation, les jugements et les condamnations, l'intolérance et le refus ou l'incapacité de comprendre l'autre, les tensions entre jeunes et adultes, et tant d'autres choses qui font gémir les pasteurs et leurs paroissiens.

Dieu veut que les siens s'aiment, et ils le font si mal. Il existe plusieurs remèdes à cela, dont la Sainte Cène. Nous ne lui attribuons aucun pouvoir magique, mais nous avons la certitude que si nous la prenons d'un coeur repentant et croyant, si nous nous préparons chaque fois à la recevoir dans l'humilité et la foi, et si, animés de telles dispositions et le coeur en prière, nous la recevons régulièrement et souvent, elle nous aidera à progresser dans l'amour, dans la mesure même où elle nous aide à grandir dans la foi.

La nuit où le Seigneur fut trahi, il soupa avec ses disciples et célébra la Cène avec eux. Mais qu'arriva-t-il? Ce fut le terrible échec du lendemain, la trahison de l'un, le reniement de l'autre, l'abandon de tous. Il semble que le sacrement n'eut pas d'effet immédiat dans leur vie. Et pourtant, regardons à Pierre : il sut pleurer son péché; son amour pour le Seigneur fut tel qu'il lui consacra sa vie; oui, il l'offrit à Jésus quand il mourut pour lui; quant aux hommes, il leur montra combien il les aimait, en leur annonçant inlassablement l'Evangile. Et tous ceux qui avaient abandonné le Seigneur le jour de sa mort devinrent ses ardents témoins. La Sainte Cène qu'ils avaient célébrée n'agit sans doute pas dans l'immédiat, mais Jésus savait combien ils en avaient besoin. C'est pourquoi il l'institua, et nous pouvons être certains qu'ils la célébrèrent souvent, sans doute beaucoup plus souvent que nous. La vie qu'ils menèrent sut montrer ce qu'elle leur apportait.

Quelqu'un a dit un jour que la sanctification est davantage ressentie et expérimentée qu'elle ne peut être décrite. Elle est chargée d'une promesse qui ne peut pas rester inactive dans la vie du croyant, mais qui, reçue avec foi, constitue un ferment d'amour, d'un amour qui n'a peut-être rien de spectaculaire, mais qui est authentique et sincère, car il est l'oeuvre de Dieu.

Le monde dans lequel nous vivons s'imagine qu'en améliorant les conditions de vie des hommes, en leur procurant des salaires décents, des logements convenables, des loisirs divers et la possibilité de s'épanouir, on les fera progresser dans la voie de la justice et de la bonté. C'est une grande erreur. Bien sûr, on peut par ces moyens combattre certaines injustices, mettre fin à certaines formes de violence et créer des conditions favorables au bonheur des hommes. On peut ainsi modifier certains de leurs comportements, mais on ne changera pas leurs coeurs. Le psalmiste dit : "Je cours dans la voie de tes commandements, car tu élargis mon coeur" (Psaume 119 : 32). Ou, selon une traduction plus intelligible : "Je cours dans la voie de tes commandements, quand tu consoles mon coeur". Seul l'Evangile peut transformer les coeurs humains.

Un pasteur, lassé de prêcher l'Evangile parce qu'il ne constatait aucun progrès dans sa paroisse, décida un jour de ne prêcher que la Loi, d'obtenir que ses paroissiens se sanctifient et deviennent de meilleurs chrétiens, en recourant aux menaces de la Loi. C'est une grave erreur. La Loi ne change pas les coeurs; elle peut tout au plus obtenir de ceux qui l'entendent qu'ils modifient leur conduite, leurs attitudes extérieures. Ce n'est pas ce que le Seigneur recherche. Et enfin, la Loi est tout à fait impuissante au niveau de l'amour. Jamais homme n'a aimé Dieu et son prochain sous l'effet de menaces et de contraintes. Des paroissiens sincères, mal inspirés, souhaitent parfois que leur pasteur annonce un peu plus la Loi et un peu moins l'Evangile. Eux aussi se trompent. Il est vrai que l'Evangile demeure sans effet, s'il n'est pas précédé de la prédication de la Loi. Pour rechercher le pardon de Dieu, il faut se savoir pécheur. L'Evangile du salut en Jésus n'est doux que pour celui qui a mesuré son injustice et qui aspire à la grâce et à la délivrance. C'est pourquoi la Loi est un élément indispensable de la prédication chrétienne. Mais seul l'Evangile change les coeurs, en proclamant l'immense amour divin révélé dans l'oeuvre rédemptrice du Christ, le pardon et le salut gratuits par la foi en son nom. Le pécheur contrit qui a été saisi par lui n'a plus qu'un désir : servir le Seigneur, vivre à la gloire de son nom, faire avec joie et gratitude sa volonté. La loi est là pour rappeler cette volonté, pour montrer au croyant ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur. Mais seul l'Evangile lui en donne la volonté et les forces.

Or, qu'est la Sainte Cène si ce n'est l'Evangile de Jésus, le trésor de ses bienfaits offert d'une façon tout à fait particulière et individuelle? L'Evangile du Christ qui sanctifie les coeurs et les vies vient à nous dans le sacrement de l'autel et y agit puissamment. Un jeune homme a plusieurs façons de dire à sa fiancée qu'il l'aime : il peut le lui dire dans une longue lettre, en lui faisant parvenir un bouquet de fleurs ou un bijou, ou encore en l'embrassant tendrement. Chacun de ces gages d'amour la rendra heureuse. J'imagine cependant qu'elle préférera un tendre baiser à la plus belle des lettres. Dieu nous aime profondément, d'un amour plus grand, plus vrai et plus fidèle que le meilleur des fiancés. Il a choisi de nous le dire de plusieurs façons, et la Sainte Cène en est peut-être la plus belle.

Communier dans la repentance et la foi n'est sans doute pas le seul, mais l'un des meilleurs moyens de grandir dans la piété, dans l'amour de Dieu et du prochain et dans la sanctification en général. Jésus l'a instituée pour nous communiquer ses grâces, nous offrir tout ce qu'il nous faut pour être sauvés, mais aussi pour le servir comme il veut l'être. "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification" (1 Thessaloniciens 4 : 3). "Recherchez la paix avec tous et la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur" (Hébreux 12 : 14).

C'est un combat de tous les jours qu'il faut mener avec détermination et courage, sans jamais se relâcher. Pour nous y aider, Dieu met un puissant moyen à notre disposition. Le chrétien qui cherche à maîtriser ses ennemis spirituels, à se libérer de ses mauvaises habitudes, à combattre les tentations, bref, à mener une vie sainte, trouvera dans la participation fréquente et fervente à la Sainte Cène de quoi parvenir au but qu'il cherche à atteindre. Le Seigneur lui offre à sa table, pour le salut de son âme et pour l'affermir dans la vie chrétienne, ce qui correspond aux meilleures vitamines que son médecin pourrait lui prescrire pour la santé de son corps.

 

La célébration de la Cène est une proclamation de la mort rédemptrice du Christ :

Paul écrit : "Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Corinthiens 11 : 26).

Ces paroles nous enseignent que la participation au sacrement de l'autel est aussi et toujours une confession de foi, la proclamation d'une conviction. La foi chrétienne confesse et témoigne. Une ville sur une haute montagne ne peut pas rester cachée. De même il n'existe pas de foi secrète, clandestine. D'une façon ou d'une autre, le chrétien fera savoir aux autres qu'il est un disciple du Seigneur Jésus. Par le témoignage de ses lèvres et par sa vie de tous les jours.

Notre divin Maître veut cela : "Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux" (Matthieu 10 : 32,33). Et Saint Paul écrit: "Si tu confesses de la bouche le Seigneur Jésus et si tu crois dans ton coeur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car c'est en croyant du coeur qu'on parvient à la justice, et c'est en confessant de la bouche qu'on parvient au salut" (Romains 10 : 9,10). Nicodème ne put ni ne voulut rester longtemps un disciple caché du Seigneur : A son rendez-vous nocturne avec Jésus succéda le jour de sa mort le plus beau témoignage; aux yeux de tous, et en particulier de ses collègues, ennemis farouches du Christ, il ensevelit son Maître, affirmant ainsi ouvertement : oui, je suis aussi de ceux qui croient en lui, et il faut que vous le sachiez tous!

Dieu nous donne de multiples occasions de proclamer son nom. Nous le faisons, chaque fois que nous avons un entretien religieux avec notre voisin, notre collègue, l'homme qui voyage à côté de nous dans le train ou l'avion. Mais que d'occasions manquées! Que d'âmes côtoyées que nous laissons dans les ténèbres de l'incrédulité ou du doute! Pourquoi? Tantôt c'est la peur ou la timidité, tantôt le découragement, pour avoir essuyé tant d'échecs dans notre témoignage, tantôt le manque de sollicitude pour le prochain.

Confesser Jésus, c'est aussi assister aux cultes, se retrouver avec d'autres croyants pour adorer le Seigneur, chanter des cantiques, prononcer des prières, entendre sa sainte Parole.

Confesser, annoncer, proclamer, c'est enfin participer à la Sainte Cène. C'est s'avancer à l'autel, pour recevoir le corps et le sang du Christ, livré et répandu pour la rémission des péchés. C'est proclamer publiquement que Jésus n'est pas mort en victime de l'injustice des hommes, en martyr de son idéalisme, mais en Sauveur, en Rédempteur à qui personne ne pouvait prendre la vie, qui l'a donnée de lui-même et reprise avec puissance et majesté, parce que, frère des hommes, il ne voulait pas qu'ils périssent et meurent éternellement, mais qu'ils soient délivrés de la malédiction du péché, du pouvoir de la mort et de Satan, et qu'ils vivent éternellement avec lui. C'est confesser publiquement qu'il n'y a de salut en aucun autre, que son sang seul nous purifie de tout péché et ouvre les portes du ciel. C'est lui rendre ce témoignage d'une façon très concrète, et, par là, le louer, le célébrer, l'adorer, et lui exprimer ouvertement sa foi, sa confiance, son amour et sa gratitude. A ce titre la Sainte Cène est un sacrifice, non pas un sacrifice expiatoire, le renouvellement non sanglant de son sacrifice sur la croix, -ce serait un sacrilège de l'affirmer!-, mais un sacrifice d'actions de grâces à la gloire du Roi des rois, du Seigneur des seigneurs, du Maître de la vie et de la mort, du Prince de notre salut.

L'Eglise Luthérienne en est consciente et le proclame à haute voix dans sa liturgie eucharistique. Au "Louons le Seigneur notre Dieu!" de l'officiant, la paroisse répond : "Ceci est digne et juste!" Suit alors cette admirable préface héritée de l'Eglise ancienne : "Seigneur, Père saint et tout-puissant, Dieu éternel, il est véritablement digne et juste, bon et salutaire de t'offrir en tous temps et en tous lieux nos louanges par Jésus-Christ, par lequel les anges t'adorent, les puissances te craignent, les cieux et leur armée avec les saints séraphins chantent ta gloire. C'est pourquoi nos voix se joignent aux leurs et s'élèvent à toi, pour glorifier ton saint nom, pour chanter ce cantique en ton honneur". Sur ce, la paroisse entonne le "Sanctus" : "Saint, saint, saint est le Seigneur, notre Dieu! La terre entière est remplie de sa gloire. Hosanna, hosanna dans les cieux! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna, hosanna, hosanna dans les cieux!"

 

La Sainte Cène est le repas de l'Eglise qui attend le retour de son Seigneur :

"Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Corinthiens 11 : 26). La Sainte Cène a ainsi une dimension eschatologique, que du reste on ne souligne pas assez. Elle est le repas du peuple en voyage, d'une Eglise qui vit dans l'attente, dans l'attente du rétablissement de toutes choses, de l'accomplissement final des promesses glorieuses dont elle vit.

Les chrétiens célèbrent le Repas du Seigneur dans l'attente de son retour glorieux. Jésus leur offre les provisions dont ils ont besoin pour leur pèlerinage, sur le chemin qui doit les conduire vers la terre promise. C'est la manne dans le désert dont le Christ nourrit son peuple. Jésus lui-même fait une allusion à cette dimension du sacrement, lorsqu'il dit : "Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai de nouveau avec vous dans le Royaume de mon Père" (Matthieu 26 : 29). Ainsi, la Sainte Cène annonce et préfigure le repas céleste réservé aux élus, le festin des noces qui les attend à la table de l'Agneau. Un jour retentira la voix de l'ange de l'Apocalypse : "Venez, rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu!" (Apocalypse 19 : 17). "Moi, j'ai envoyé mon ange, pour vous attester ces choses dans les Eglises. Je suis le rejeton et la postérité de David, l'étoile brillante du matin. Et l'Esprit et l'épouse disent: Viens! Et que celui qui entend dise : Viens! Et que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement!" (Apocalypse 22 : 16.17). "Celui qui atteste ces choses dit : Oui, je viens bientôt. Amen! Viens, Seigneur Jésus!" (Apocalypse 22 : 20).

L'Eglise chrétienne, l'épouse du Seigneur, va au-devant de son divin époux. Pour qu'elle ne l'oublie pas, mais qu'elle reste courageuse pendant son pèlerinage, le Seigneur lui a donné un repas qui préfigure pour elle les noces célestes qu'elle a hâte de célébrer. C'est pourquoi, la Sainte Cène doit être un repas de joie. Et sans doute ne l'est-elle pas assez... Aux pasteurs d'y veiller, en rappelant cette vérité grandiose!

 


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28-octobre-2001, Rev. David Milette.