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Chapitre 7: UN DEFI POUR L'EGLISE

Le stewardship est une notion nouvelle qui a surgi dans l'ecclésiologie de nombreuses Eglises protestantes et évangéliques. En particulier dans le monde anglo-saxon. Il est bien évident que là où tous les baptisés sont considérés d'office comme des sauvés, où on estime qu'il n'est pas indispensable de croire en Christ pour être sauvé, car il existe d'autres chemins du salut qui n'exigent ni repentance ni foi, où les pasteurs sont payés par l'Etat et où les lieux de culte sont entretenus avec les deniers publics en provenance des impôts, les chrétiens ne sont guère sensibles à cette notion. Le stewardship est une prise de conscience relativement récente de ce qu'est l'Eglise chrétienne, laquelle Eglise n'est plus seulement envisagée dans les rapports verticaux qu'elle entretient avec son Chef, mais aussi dans ceux, horizontaux, qui unissent les chrétiens entre eux. Non pas que la chose ait été entièrement ignorée dans le passé, mais l'Eglise dans son enseignement n'en a certainement pas tiré toutes les conclusions qui s'imposaient sur la place que tient et le rôle qu'est appelé à jouer chacun de ses membres au sein du peuple de Dieu. Le stewardship enseigne ou rappelle à chaque chrétien qu'il est une pierre vivante dans l'édifice du Christ, une pierre dont le Christ a besoin pour l'édification de son peuple, un membre dont le corps est tributaire pour trouver son harmonie, qui possède des particularités et des dons le qualifiant pour des tâches auxquelles il est appelé par le Seigneur.

L'apôtre Paul, le plus grand missionnaire et bâtisseur d'Eglise de tous les temps, a enseigné le stewardship, ce qu'on pourrait appeler la science de la mobilisation et de la mise en action des dons dans l'Eglise, et s'est efforcé d'être lui-même un bon gérant de ce que Dieu lui avait confié. En cela aussi il voulait être trouvé fidèle à celui à qui il allait un jour rendre des comptes: "Qu'on nous regarde comme des serviteurs de Christ et des dispensateurs des mystères de Dieu. Du reste, ce qu'on demande à des dispensateurs, c'est que chacun soit trouvé fidèle" (1 Corinthiens 4:1.2).

Sa hantise n'était pas l'activisme débordant qui mesure la vitalité de l'Eglise au nombre de programmes qu'elle met en place, ni les statistiques, la croissance numérique et l'équilibre budgétaire des paroisses fondées par lui et qu'il confiait ensuite à ses collaborateurs. Il avait des motifs plus purs que cela. C'est ainsi qu'il écrit à propos de l'argent collecté dans l'Eglise: "Ce n'est pas que je recherche les dons, mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte" (Philippiens 4:17). "Ce ne sont pas vos biens que je cherche, c'est vous-mêmes. Ce n'est pas, en effet, aux enfants à amasser pour leurs parents, mais aux parents pour leurs enfants" (2 Corinthiens 12:14). Il s'agissait non pas de vider les poches des Philippiens ou des Corinthiens, mais de remplir leurs coeurs, non de leur soustraire quelque chose, mais de leur apporter une bénédiction en leur faisant comprendre ce que signifie appartenir au Christ dans le temps et dans l'éternité, en leur montrant comment, quand on lui appartient, on lui consacre son temps, ses dons et ses biens, comment on s'offre tout entier à lui en mettant sa vie à son service et à celui du prochain.

"Tel pasteur, telle paroisse!" Une paroisse ne peut pas être plus ouverte au stewardship que ne l'est son pasteur, et ce que le pasteur ne lui enseigne pas, la paroisse ne peut pas le connaître. Or un pasteur ne peut donner que ce qu'il a reçu. C'est pour cela que l'Eglise doit veiller à ce que ses ministres soient sensibilisés à cette notion. Et s'ils ne l'ont pas été durant leurs études, il faut qu'ils le soient au cours de leur ministère, dans des séminaires, des retraites et des conférences organisés à cet effet. Ce qu'ils ont appris, ils le transmettront à leur troupeau dans un enseignement régulier et continu (prédications, études bibliques, retraites paroissiales, groupes de réflexion, bulletins paroissiaux, réunions de jeunes, etc.).

Il faut que ce soit clair pour tous: l'Eglise n'est pas seulement là pour que nous y trouvions quelque chose, mais aussi pour que nous y apportions ce que le Seigneur nous a donné. Il est non seulement permis, mais demandé aux chrétiens d'aspirer "aux dons les meilleurs... pour l'édification de l'Eglise" (1 Corinthiens 14:12). Il convient de découvrir, rassembler, mettre en oeuvre et gérer les dons impartis par Dieu à chacun de ses membres et à son peuple en général pour l'accomplissement de sa mission. Tout chrétien est un économe, un gérant du Seigneur qui lui confie une part de ce qui lui appartient et lui demande d'en faire quelque chose.

Cette vérité serait angoissante pour nous, si nous n'étions pas, avant d'être serviteurs et gérants de Dieu, ses enfants bien-aimés, assurés de sa grâce et de son pardon. Non, Dieu n'est pas, comme le suggérait le troisième homme de la parabole des talents, ce maître dur qui moissonne où il n'a pas semé et amasse où il n'a pas vanné (Matthieu 25:24). Il n'est pas semblable à ces patrons intraitables qui ne cherchent qu'à tirer le maximum de leurs employés, se soucient fort peu de leur bien-être et ne pardonnent aucune erreur. Et les chrétiens n'ont pas à travailler dans sa vigne pour mériter le ciel. Ils vivent et agissent par amour pour celui qui les a aimés jusqu'à la mort. Leurs robes sont en permanence blanchies dans le sang de l'Agneau. Ils servent le Seigneur pour le louer et le glorifier. La Bible enseigne que le Christ "est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux" (2 Corinthiens 5:15), et Paul qui confesse qu'il ne vit plus pour lui-même, mais pour le Christ qui est mort pour lui (Galates 2:20), déclare que les chrétiens vivent et meurent pour le Seigneur auquel ils appartiennent (Romains 14:7.8).

C'est à l'Eglise et donc à la paroisse d'aider chacun de ses membres à réaliser ce magnifique idéal, à grandir dans la foi et à devenir plus fidèle dans sa gestion des dons et des biens que lui ont été confiés. On apprendra et rappellera aux croyants que c'est une privilège merveilleux d'être membre du peuple et de la famille de Dieu, de recevoir ses bénédictions dans sa Parole et ses sacrements et de participer à l'extension du Royaume du Christ sur terre. Les croyants que nous sommes devraient constamment être mis en face de questions comme les suivantes: Désirons-nous, par amour pour le Christ qui nous a rachetés, apporter plus de bénédictions à nos vies personnelles et dans la vie des autres? Sommes-nous prêts à faire dans notre paroisse ce que nous n'avons pas tenté de faire jusqu'à présent? Pensons-nous qu'il soit bon de modifier, d'intensifier les activités de notre paroisse, et souhaitons-nous tous y apporter notre part? Nous sentons-nous solidaires de notre Eglise, sachant que tous les membres ont besoin les uns des autres? S'il est vrai que tous les dons, petits ou grands, nous ont été "prêtés" pour que nous glorifiions notre Dieu, permettons-nous à l'Eglise de diagnostiquer ceux qu'il a plu au Seigneur de nous confier, de nous encourager à les utiliser, de prier pour qu'ils soient mis en oeuvre de façon sainte et agréable à Dieu, de manière à ce qu'il puisse les bénir? Lui demandons-nous d'augmenter les dons qu'ils nous a confiés, de nous en confier d'autres et de nous donner sagesse, intelligence et fidélité, un coeur humble et pur et la volonté d'être aussi efficaces que possible?

Si, comme nous le chantons parfois, nous sommes une "sainte cohorte", nous devons tous, hommes et femmes, jeunes, adultes et vieillards, nous laisser enrôler dans le Royaume de Dieu. Il n'existe pas de chrétien qui ne puisse accomplir une oeuvre agréable à Dieu et utile à l'Eglise dans le cadre de sa paroisse. Assumer cette mission, c'est donner à sa vie de chrétien une dimension et un sens nouveaux, aller au-devant de cette joie spirituelle qu'engendre pour l'enfant de Dieu la certitude qu'il a un rôle positif à jouer dans l'Eglise, qu'il fait partie de la grande famille divine où chacun a besoin de l'autre. Voici une liste non limitative d'activités susceptibles de faire grandir le chrétien dans ce sentiment:

De bons gérants sont l'oeuvre et un don de Dieu. C'est lui qui met son Esprit en nous, qui fait en sorte que nous suivions ses ordonnances et que nous observions et pratiquions ses lois (Ezéchiel 36:27). Jésus nous invite à demeurer en lui, car, comme le sarment périt et meurt s'il est détaché du cep, sans lui nous ne pouvons rien faire (Jean 15:4.5.7). "Notre capacité vient de Dieu", disait l'apôtre en songeant aux tâches de son ministère. (2 Corinthiens 3:5). "Nous sommes son ouvrage", précise-t-il ailleurs (2 Corinthiens 9:8). C'est lui qui comble les siens de "toutes ses grâces" (2 Corinthiens 9:8). C'est lui qui a commencé en nous "cette bonne oeuvre" et qui la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ (Philippiens 1:6). Il s'agit bien sûr de notre persévérance en vue du salut. Dieu nous donne par l'Evangile la grâce de rester fidèles jusqu'à la fin, pour obtenir la couronne de la vie. Cela concerne aussi tout ce qu'il fait en nous pour nous aider à le servir et à être des pierres vivantes de son Eglise. Cela signifie donc qu'il désire augmenter en nous les dons qu'il nous a accordés, comme il sait aussi nous en accorder d'autres. Toujours pour mieux le servir. Encore faut-il y aspirer et le lui demander.

C'est peut-être là que nous avons le plus à apprendre. Nous nous contentons souvent de ce que nous avons, estimant que nous l'avons obtenu une fois pour toutes, que c'est un capital immuable, quelque chose de tellement stable que nos dons resteront toujours ce qu'ils sont, que Dieu ne les augmente et ne les multiplie pas. Or l'apôtre dit bien: "Aspirez aux dons spirituels" (1 Corinthiens 14:1), "Aspirez aux dons les meilleurs" (1 Corinthiens 12:31). Le Père céleste donne "de bonnes choses à ceux qui les lui demandent" (Matthieu 7:11). Encore faut-il les lui demander, car il attend cela. Alors il est peut-être permis de conclure que nous aurions plus de dons si nous en demandions davantage. En tout cas ils viennent de lui, et cela signifie que de bons gérants sont un présent qu'il fait à l'Eglise. A l'Eglise qui les lui demande... Sur un ton un peu provocateur on pourrait peut-être dire: Une paroisse a les membres qu'elle mérite... Plus bibliquement: les membres qu'elle prie Dieu de lui accorder.

Enfin, rappelons-le: Quels que soient notre place et notre rôle dans l'Eglise, au coeur du stewardship se trouve la conviction qu'en servant le Seigneur et son Eglise, on ne fait que lui rendre ce qu'on a reçu de lui. Conformément aux richesses de sa grâce, il considère ce qu'il a fait à travers nous comme quelque chose que nous avons fait pour lui. Dans sa bonté il nous attribue l'oeuvre qu'il a lui-même accomplie par nous, comme il pardonne aussi tout ce qui dans cette oeuvre n'était pas pur, tout ce qui a pu l'entacher et la souiller. Il l'aime et l'agrée, parce qu'il l'a lui-même produite et qu'il la salue comme l'expression de notre amour et de notre gratitude. L'amour merveilleux qu'il nous manifeste dans l'Evangile et qu'il concrétise dans notre vie nous fait l'aimer à notre tour d'un amour qui s'exprime dans une vie consacrée à la gloire de son nom et au bien-être de son peuple. Cet amour lui fera dire un jour à tous ceux qui l'auront servi fidèlement: "C'est bien, bon et fidèle serviteur. Tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître" (Matthieu 25:21). "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde" (Matthieu 25:34).

 


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14-Septembre-2002, Rev. David Milette.