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CHAPITRE 4: L'ESCLAVAGE EN EGYPTE ET L'EXODE

Depuis l'époque d'Alexandre le Grand, l'Egypte a été appelée le don du Nil. C'est grâce aux eaux de ce fleuve que la vie était possible le long de ses rives. Avec 6671 km, c'est le plus long cours d'eau du monde. Le delta se construisit au fil des siècles par de riches dépôts alluviaux et s'étend sur environ 190 km. L'embouchure était constituée dans l'Antiquité de cinq à sept branches dont il ne reste plus que deux. Les sédiments qui se sont accumulés le long de ses rives ont créé une vallée de terre cultivable dont la largeur varie de 2 à 35 km. En amont, des terrains plus rocailleux expliquent la présence de six cataractes.

A hauteur de la 4° se trouvait le royaume de Cush ou l'Ethiopie antique. Entre la première et la troisième était la Nubie. Quant à l'Egypte, elle se situe entre la 1° cataracte et la Méditerranée. Les pluies torrentielles de l'Afrique Centrale ravitaillent en eau une série de lacs qui provoquent une inondation annuelle de la vallée fluviale en Egypte. Ce phénomène naturel était considéré comme vital et célébré par des fêtes. Pendant ces festivités, le dieu du Nil, Hapi, était représenté offrant de la nourriture et des boissons à d'autres dieux, symbole de l'abondance du fleuve. Hapi fut par la suite supplanté dans le panthéon égyptien par Osiris, dieu de l'inondation. Quant au dieu-crocodile Sopek, on lui attribuait le pouvoir de la provoquer chaque année.

Le Nil favorisa de bonne heure le développement d'une riche civilisation grâce aux terres qu'il fécondait de ses eaux. L'histoire des pharaons depuis le 3° millénaire av. J.-C. jusqu'à la conquête d'Alexandre le Grand en 332 av. J.-C. est faite de 30 dynasties.

La 1° dynastie fut établie vers 3000 av. J.-C. par Menes de Thinis qui réunit la haute et la basse Egypte en un royaume unique. Il déplaça sa capitale de Thinis à Memphis située à l'apex du delta du Nil. On pensait à cette époque que Re, le dieu soleil adoré à Héliopolis, s'était créé lui-même des eaux des enfers, puis qu'il avait donné naissance à d'autres dieux cosmiques lesquels enfantèrent les divinités du panthéon égyptien, Isis, Set, Osiris, Nephthys, etc. Pharaon, fils ou au moins représentant de Re, devait se soumettre comme le dieu soleil lui-même à un rite de purification journalier. Parallèlement au culte de Re se développa le culte du dieu Thot, fils de la divinité-faucon Horus. Thot était représenté par un ibis. Il était l'agent de la création du monde et des jugements divins sur les hommes. Mais une troisième religion surgit à Memphis, dont le dieu s'appelait Ptah. Ainsi l'Egypte connut plusieurs traditions religieuses avec une multitude de dieux.

 

De l'ancien empire à l'Exode:

L'Ancien Empire, appelé encore l'Age des Pyramides, couvrit une période allant de 2700 à 2200 av. J.-C., de la 3° à la 6° dynastie. A cette époque appartient la célèbre "pyramide à degrés" de Djoser, attribuée à Imhotep, magicien, prêtre, architecte, physicien et sage. Le mausolée en pierre de taille était destiné au roi-dieu et à la cour qui allait le servir dans l'autre monde. La 3° dynastie (2650-2500 av. J.-C.) est connue pour la construction des trois pyramides de Guizèh. La plus grande, appelée Pyramide de Chéops, couvre 8 hectares de terrain. Il fallut 30 ans et d'incroyables ressources pour la construire. Les énormes pierres calcaires étaient taillées avec une précision extraordinaire à l'est de Guizèh. Quant aux pierres de granit rouge et gris, elles étaient acheminées depuis Assouan à 800 km en amont, tandis que d'autres pierres venaient de la péninsule du Sinaï. La Grande Pyramide est faite de 2 à 3 millions de blocs de pierre dont chacun pèse en moyenne 2 tonnes.

La deuxième pyramide fut construite pour Chéphren. A côté d'elle se dresse le sphinx représentant le pharaon sous la forme d'un lion couché, à tête humaine. Il mesure 75 m de long et 17 m de haut.

Une première période intermédiaire (2200-2000 av. J.-C. est marquée par le règne de souverains incompétents qui aboutit au démantèlement de l'Ancien Empire. L'Egypte connut alors des intrigues politiques, des troubles sociaux, le pillage et l'invasion par des bédouins asiatiques.

Puis vint le Moyen Empire (2000-1800 av. J.-C.), contemporain d'Abraham. Il y eut rivalité entre Memphis en basse Egypte et Thèbes en haute Egypte. La victoire des chefs de la haute Egypte permit la réunification du pays et ramena la paix et la stabilité. La 12° dynastie instaura de nouvelles structures politiques et sociales, conquit des territoires nouveaux en envahissant la Nubie, exploita la richesse minérale de la péninsule du Sinaï et augmenta la superficie des terres agricoles en améliorant le système d'irrigation. C'était l'époque d'Abraham et d'Isaac. Pour ce qui concerne Joseph, certains historiens situent sa venue en Egypte quelques décennies plus tard, à l'époque des Hyksos, chefs étrangers d'origine sémitique qui prirent le pouvoir au XVIII° siècle av. J.-C.

De 1800 à 1570 av. J.-C., l'Egypte connut une deuxième période intermédiaire avec une nouvelle désintégration due à la rivalité entre les dynasties de Thèbes et celles du Delta et à une invasion étrangère. Les Hyksos venus de la Palestine avec des chariots tirés par des chevaux étaient devenus si nombreux qu'ils prirent le pouvoir. Ils établirent leur capitale à Avaris, dans le Delta, que Ramsès II appela plus tard de son nom. La thèse qui veut que Joseph soit venu en Egypte à l'époque des Hyksos se fonde essentiellement sur la conviction que les sympathies du pharaon pour Joseph s'expliquent mieux si le souverain était lui-même un sémite (Exode 1:11). D'autres savants au contraire se fondent sur 1 Rois 6:1 indiquant que la construction du temple par Salomon eut lieu 480 ans après l'Exode, pour situer celui-ci en 1440 av. J.-C., et donc la venue de Jacob en Egypte entre 1870 et 1840 av. J.-C., soit un siècle avant l'avènement des Hyksos.

Le Nouvel Empire se situe entre 1570 et 1090 av. J.-C. Alors que les Hyksos régnaient sur le Delta en basse Egypte, les rois de Thèbes continuaient à exercer un certain contrôle sur la haute Egypte. Ils finirent par les expulser, réunifiant l'Egypte et fondant avec Ahmès I (1570-1546 av. J.-C.) la 18° dynastie (1570-1310 v. J.-C.). Celui-ci assura la supériorité de son armée en la dotant de l'arc asiatique et de chars tirés par des chevaux. Il assuma le rôle de dictateur et fit de ses sujets des serfs.

Thoutmès I (1525-1494 av. J.-C.) établit un contrôle sévère sur les provinces égyptiennes de Syrie et de Canaan. Il fut le père de la princesse Hatshepsout qui, pour avoir droit au culte divin, prit le titre de roi et régna de 1486-1468 av. J.-C. Certains historiens pensent qu'elle était la princesse qui sauva Moïse des eaux et l'adopta comme son fils, mais la plupart des experts estiment que l'Exode n'eut lieu que vers 1300 av. J.-C.

Hatshepsout se consacra à des travaux de construction et à des échanges commerciaux paisibles avec l'étranger. Elle épousa son demi-frère, fils d'une concubine, qui lui succéda sous le titre de Thoutmès III (1490-1435 av. J.-C.). Celui-ci amena l'Egypte à l'apogée de sa puissance, en étendant l'empire jusqu'à l'Euphrate au nord et à la 4° cataracte dans le territoire de Nubie au sud.

Aménophis III (1406-1370 av. J.-C.) entretint des relations amicales avec les puissances asiatiques en épousant plusieurs princesses. Son fils Aménophis IV (1370-1353 av. J.-C.) mérite une mention particulière. C'est en effet de son règne que datent les centaines de tablettes en argile découvertes à Tell el-Amarna. Il bouleversa aussi les traditions religieuses de son pays en promouvant le culte d'Aton (le Disque Solaire) qu'il disait être le seul dieu, et changea son nom en Akhenaton, en l'honneur d'Aton. Ce fut, cent ans avant Moïse, l'émergence provisoire d'une religion de caractère monothéiste en Egypte. Les prêtres d'Héliopolis se virent soutenus par son action, tandis que les prêtres rivaux d'Amon-Re à Thèbes furent destitués de leurs fonctions. A la mort d'Akhenaton, ils restaurèrent cependant le culte d'Amon-Re.

Pendant leur esclavage, les Israélites étaient exposés au culte de nombreux dieux et n'eurent guère l'occasion d'être instruits dans les enseignements de Yahvé qu'ils n'avaient du reste pas le droit d'adorer. Il fallait qu'ils sortent de ce pays idolâtre et que Dieu se révèle à eux, s'ils voulaient être son peuple.

On pense généralement que Ramsès II (1290-1224 av. J.-C.) fut le pharaon de l'Exode. Il fit agrandir Avaris, sa capitale, et bâtir Pithom et Ramsès, dont il fit des villes d'approvisionnement. Un siècle plus tard, après la mort de Ramsès III (1175-1144 av. J.-C.), l'empire égyptien perdait ses possessions au-delà du Nil, notamment la Syrie et la Palestine, et s'effondrait. Les souverains postérieurs ne parvinrent pas à restaurer l'âge d'or de l'Egypte.

Cf. dans J.-M. Nicole, Précis d'Histoire des Religions, 1990, le chapitre sur la religion égyptienne, p. 31 ss.

 

L'Exode:

La date de l'Exode, nous l'avons vu, a soulevé de nombreux débats. Beaucoup l'ont situé vers l'an 1440 av. J.-C., en se fondant sur 1 Rois 6:1 qui affirme que Salomon bâtit le temple 480 ans après l'Exode, au cours de la 4° année de son règne. Or il monta sur le trône en 961 av. J.-C., ce qui porte l'Exode à 1438 av. J.-C. Les fouilles faites à Jéricho sont censées confirmer cette date. Par ailleurs, une peinture murale d'une tombe datant du XV° siècle av. J.-C. montre des esclaves fabriquant des briques en incorporant du sable et de la paille à des mottes de boue du Nil et en les faisant sécher au soleil. Enfin, les tablettes de Tell el-Amarna de la même époque parlent des Habiru que certains ont identifiés aux Hébreux.

Une datation plus récente situe l'Exode vers 1290 av. J.-C., en se fondant sur l'affirmation d'Exode 1:11 selon laquelle les esclaves hébreux construisirent les villes de Pithom et de Ramsès. On pense que Ramsès était un autre nom pour Avaris et que ces travaux de construction eurent lieu pendant les règnes de Séthi I (1310-1290 av. J.-C.) et de son fils Ramsès II (1290-1224 av. J.-C.). Cent cinquante ans séparent ces deux dates. Difficile de trancher!

Il s'éleva en Egypte un roi qui "n'avait pas connu Joseph" et qui, craignant que les Hébreux ne se multiplient dans le pays, décida de les opprimer et de faire périr leurs premiers-nés (Exode 1:8.10.16). On connaît l'histoire de la naissance de Moïse, caché dans une corbeille pour échapper au génocide et découvert par la fille du roi qui décida de l'adopter (Exode 2). C'est ainsi qu'il fut initié à la culture égyptienne (écriture, religion, diplomatie, droit, etc.).

Ayant tué un Egyptien qui s'en prenait à un compatriote, il dut fuir à l'étranger et fut pendant 40 ans berger au service de Jéthro, appelé encore Réuel. Il eut ainsi tout loisir de se familiariser avec le désert. Dieu se révéla à lui dans le buisson ardent. Cette révélation s'imposait, quand on sait que Moïse avait grandi au milieu des traditions religieuses de l'Egypte. Elle l'équipa aussi pour la tâche surhumaine qui lui était confiée. Bien que le culte de Yahvé eût existé au temps d'Abraham, il est fort possible qu'il se soit éteint pendant l'esclavage en Egypte. En tout cas, il n'avait aucune possibilité de s'exercer publiquement. Il fallut les révélations du Sinaï et les 40 années de pérégrinations et de leçons dans le désert pour détourner Israël du culte des dieux égyptiens. Mais il fallut aussi pour cela un homme du profil et de l'envergure de Moïse.

Après les plaies d'Egypte, la consommation de l'agneau pascal et la mort des premiers-nés des Egyptiens, y compris du pharaon, Moïse conduisit le peuple "de Ramsès à Succoth" (Exode 12:37). Ils ne prirent pas la "route des Philistins" (Exode 13:17), le long de la côte, pour n'avoir pas à les affronter. Poursuivis par l'armée égyptienne, ils prirent peur et critiquèrent Moïse (Exode 14:11). Mais celui-ci resta fidèle à Yahvé qui se servit de lui pour opérer un miracle, une délivrance que le peuple ne cessa de commémorer par la suite et qui est chez les prophètes la préfiguration de cette autre délivrance que le Christ est venu apporter aux siens. Cela dit, il est impossible de déterminer l'endroit exact de la traversée. Le texte hébraïque ne parle pas de la Mer Rouge, mais de la "Mer des Joncs", appellation qui désigne un endroit marécageux qui n'est plus localisable de nos jours. Ce pouvait être aussi bien à hauteur de la Mer Rouge que dans le delta du Nil.

Quant au Mont Sinaï ou Horeb, on ne peut pas davantage l'identifier avec certitude. C'est à n'en pas douter un des sommets de la péninsule du Sinaï qui s'étend entre la Mer Rouge et le golfe d'Aqaba, sur 420 km de long et 225 km de large. Dans sa partie méridionale se situe une chaîne de montagnes de granit atteignant 2600 mètres où les Egyptiens exploitaient des mines de cuivre et de turquoise. Moïse y vécut un certain temps avec son beau-père Jéthro (Exode 2:16 ss.; 18:1 ss.), qui faisait partie d'un clan madianite appelé les Kéniens (Juges 1:16; 4:11).

Pendant tout le temps que dura la traversée du désert, Dieu nourrit son peuple à l'aide de manne et de cailles. Cet animal qui hiberne en Afrique émigre en groupes importants vers le nord, quand vient le printemps. Vol épuisant qui oblige l'oiseau à se poser au sol pour retrouver des forces. Le Mont Sinaï a été traditionnellement identifié au Djebel Mousa actuel, mais sans aucune certitude. Les Israélites y arrivèrent trois mois après leur sortie d'Egypte (Exode 19:1) et y restèrent environ un an, tandis que Moïse recevait les tables de la Loi et qu'on construisait le tabernacle.

Partant du Sinaï, le peuple entra dans les déserts de Paran et de Tsin. Aucune des étapes mentionnées dans Nombres 33:16-35 ne peut être identifiée avec certitude, à l'exception de Hatséroth et d'Etsjon-Guéber. Les Hébreux avaient sans doute projeté d'entrer en Canaan par le sud, mais le rapport pessimiste des espions (Nombres 13) et une défaite à Horma (Nombres 14:39-45) les découragèrent tant et si bien qu'ils furent condamnés à vivre dans la région jusqu'à la mort de la génération qui avait vécu l'Exode.

 

Questions de révision et exercices:

 


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15-Septembre-2002, Rev. David Milette.