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CHAPITRE 3: ABRAHAM ET SES DESCENDANTS

La Bible dit d'Abraham qu'il était un "Araméen nomade" (Deutéronome 26:5). Aram était l'un des fils de Sem (Genèse 10:22). Il semble que le terme "araméen" ait désigné un groupe de nomades sémites amoréens vivant en tribus dispersées en Syrie et en Mésopotamie.

Quand la troisième dynastie d'Ur tomba en 1950 av. J.-C. aux mains des Elamites venus de l'est, la puissance sumérienne établie depuis plus de 1500 ans s'effondra et, pendant la période qui suivit, les puissantes villes de Kish, Erec, Babylone, Larsa, Isin et Lagash furent constamment en guerre.

 

Charan:

Selon Genèse 11:31, le père d'Abraham partit avec sa famille d'Ur en Chaldée et s'installa à Charan. On ne sait ni quand ni pourquoi. Les invasions des Guti ou des Elamites y furent peut-être pour quelque chose. Le nord de la Mésopotamie était habité essentiellement par des Amoréens venus de l'ouest. Alors que Babylone et Larsa se disputaient la basse Mésopotamie, les Amoréens contrôlaient la haute Mésopotamie dont les principaux centres furent Assur et Mari sur l'Euphrate moyen.

Charan est un plateau situé entre le Tigre et l'Euphrate. L'altitude y interdisait tous travaux d'irrigation. Par contre, il y pleuvait plus qu'en plaine, d'où la présence de pâturages et, par conséquent, de nombreux nomades. Les tablettes découvertes à Mari, au sud de Charan, mentionnent plusieurs villes dont les noms sont identiques ou ressemblent à ceux des parents d'Abraham. Charan était à la fois le nom de son frère et celui de la ville où son père s'installa avec sa famille. De même Nachor, nom d'une ville (Genèse 24:11), ainsi que du grand-père et du frère d'Abraham (Genèse 11:24-26). Il se pourrait que des ancêtres du patriarche aient vécu là et donné leurs noms aux campements fondés par eux, et que ces noms aient survécu dans la famille pendant plusieurs générations. D'importantes découvertes archéologiques furent faites à Mari, non loin de Charan. Elles peuvent nous apprendre beaucoup sur le contexte culturel dans lequel vécut Abraham, avant de se rendre en Canaan.

 

Canaan:

Selon Genèse 10:19, le pays de Canaan s'étendait "depuis Sidon, du côté de Guérar, jusqu'à Gaza, et du côté de Sodome, de Gomorrhe, d'Adma et de Tseboïm, jusqu'à Léscha". L'expression "de Dan à Beer-Schéba" ou: "de Beer-Schéba à Dan" (Juges 20:1; 1 Chroniques 21:2) désignait toute l'étendue du pays. Les terres incultes au sud et à l'est, la Méditerranée à l'ouest, le Liban et l'Hermon au nord en constituaient les frontières naturelles. Le pays était traversé d'importantes routes marchandes. L'une reliait l'Egypte à l'Asie, l'autre joignait l'Arabie aux plaines côtières et, par conséquent, à l'Egypte. Canaan était de ce fait un pont entre les grandes civilisations de l'époque.

Avant la migration des Amoréens, il devait y avoir des non-Sémites dans le pays. Les lettres d'Amarna attestent en effet qu'on y parlait aussi des idiomes non sémitiques. C'était le cas des Horiens (ou Hurrites), d'origine indo-iranienne, et des Hittites (ou Héthiens).

A l'époque d'Abraham, le centre de la Palestine était peu cultivé. C'était le domaine des nomades. Abraham vécut dans le Négueb propice à l'élevage des moutons avec ses 250 à 500 mm de précipitations annuelles. Les pérégrinations des nomades étaient déterminées par la présence de sources et de puits dont la Genèse révèle la grande importance. Alors qu'il campait à Sichem, en route vers le sud, Abraham reçut la promesse que ses descendants hériteraient du pays. Une famine le contraignit à séjourner un certain temps en Egypte. Revenu en Canaan, il vint habiter "près des chênes de Mamré, près d'Hébron" (Genèse 13:18). L'expression "près d'Hébron" a peut-être été ajoutée par la suite, pour situer Mamré pour les générations postérieures. Hébron, en effet, fut fondé après l'époque d'Abraham.

On ne peut établir avec précision la date de naissance du patriarche ni celle de son entrée en Canaan. Il semble à peu près certain qu'il vint s'y établir peu après 2000 av. J.-C.

Des textes de la 3° dynastie d'Ur (environ 2050 av. J.-C.) mentionnent un peuple appelé Habiru. On crut d'abord qu'il s'agissait des descendants d'Abraham ("Habiru" pourrait venir d'un verbe hébreu signifiant "traverser"), mais on pense maintenant que le terme désignait plutôt une classe qu'une race, des étrangers qui cherchaient à survivre en proposant leurs services d'esclaves aux riches et aux autorités gouvernementales.

Nous avons déjà évoqué les tablettes découvertes à Nuzi, ville horienne au nord-est de la Mésopotamie. Les coutumes sociales qu'elles attestent permettent de mieux comprendre certains faits et gestes d'Abraham et de ses descendants. Abraham, n'ayant pas d'enfant, avait choisi son serviteur Eliézer de Damas comme héritier (Genèse 15:2). Plusieurs textes de Nuzi mentionnent des modèles d'adoption. La loi horienne interdisait aussi la vente directe de terres, d'où le transfert par héritage. Le droit de propriété était transféré souvent sous le couvert de l'adoption d'esclaves qui devenaient héritiers des propriétaires terriens.

A Nuzi, le contrat de mariage obligeait une femme stérile à présenter à son mari une esclave pour concevoir des enfants avec elle. Si l'esclave accouchait d'un fils, la femme légitime avait le droit de le considérer comme le sien (Genèse 16:2). D'autre part, la loi de Nuzi comprenait une clause selon laquelle le fils de la femme esclave devenu héritier occuperait la deuxième place s'il naissait plus tard un fils à la femme du maître. Il ne devait cependant pas être renié et avait sa part d'héritage. Selon la loi de Nuzi, Ismaël était l'héritier d'Abraham jusqu'à la naissance d'Isaac. Il devint ensuite le deuxième fils du patriarche, mais ne pouvait pas être renié. D'où la peur d'Abraham, quand Sara chassa Agar et Ismaël (Genèse 21:8-11).

Selon les coutumes de Nuzi, le droit d'aînesse était négociable entre membres de la famille. La ruse de Jacob pour obtenir le droit de primogéniture n'était pas inhabituelle dans la culture Nuzi (Genèse 25:29-34). Les textes de Nuzi parlent aussi d'un cas où un homme adopta un fils, lui donna sa propre fille et le fit héritier. Le fils adoptif promettait en échange de ne pas contracter d'autre mariage. Or Laban n'avait pas de fils quand Jacob vint travailler chez lui. Il semble n'en avoir engendré que par la suite (Genèse 31:1). D'après Genèse 29, Jacob était plutôt son fils adoptif que son gendre. Mais il se pourrait que Laban ait appliqué la loi de Nuzi qui stipulait que les enfants nés du fils adoptif n'auraient aucun droit sur le patrimoine, si un fils naturel naissait après l'adoption. Cela expliquerait les récriminations de Léa et de Rachel se plaignant de ce qu'elles et leurs enfants étaient dépossédées de leurs biens (Genèse 31:14-16).

D'autre part, les dieux de la maison faisaient valoir le titre de propriété. En prenant les dieux de son père Laban, Rachel s'assurait le droit de propriété de Laban pour son mari. Ce geste dépossédait les fils de Laban nés après l'adoption de Jacob et donc héritiers légitimes, de leur droit de propriété. Le vol de Rachel avait ainsi pour but de sauvegarder pour Jacob le droit au patrimoine. Laban et Jacob trouvèrent finalement un compromis: Jacob promit de ne pas épouser d'autres femmes, et Laban de son côté l'affranchit ainsi que ses épouses, lui rendant sa liberté.

Selon le récit de la Genèse, il y avait cinq villes florissantes au sud de la Mer Morte, Sodome, Gomorrhe, Adma, Tsoar et Tséboïm. Elles furent détruites dans les circonstances qu'on connaît (Genèse 19:24-28). Aucune trace de ces villes n'a été trouvée. Sans doute se situaient-elles dans la région maintenant submergée par la partie sud de la Mer Morte. C'est ce que semble confirmer la présence du Jebel Usdum, une masse de sel cristallin longue de 7,5 km et haute de 230 m. Le nom arabe Jebel Usdum signifie "mont de Sodome".

Cf. dans J.-M. Nicole, Précis d'Histoire des Religions, 1990, le chapitre sur les religions cananéennes, p. 46 ss.

 

Questions de révision et exercices:

 


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15-Septembre-2002, Rev. David Milette.