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CHAPITRE 7: L'EPOQUE DES JUGES

 

La situation politique en Canaan:

Les Israélites constituaient un peuple, mais il n'y avait pas à l'époque de relations étroites entre les tribus. Chacune avait son propre chef et recherchait ses intérêts personnels. Le sentiment d'appartenir à une même nation était très diffus. En grande partie, parce que les tribus n'avaient pas, avant l'avènement de la monarchie, de gouvernement central.

Au moment où les Israélites prenaient possession des régions montagneuses de la Palestine, les pharaons Merneptah (1224-1214 av. J.-C.) et Ramsès III (1195-1164 av. J.-C.) s'emparaient de certaines villes cananéennes le long du littoral. La chose est commémorée par la "stèle d'Israël" sur laquelle Merneptah fit inscrire ses victoires militaires durant la cinquième année de son règne.

Quant aux Philistins, d'origine égéenne, appelés les "peuples de la mer", après avoir été refoulés par les Egyptiens, ils finirent par s'installer le long de la côte sud de Canaan. Jérémie 47:4 et Amos 9:7 les associent à Caphtor (nom hébreu de l'île de Crète), mais il n'existe pas de preuve archéologique de leur occupation de cette île. Ils assimilèrent les moeurs et la culture minoen-mycéniennes du monde égéen et les transmirent à l'Asie Mineure et à la Syrie. Arrivés en Palestine, ils se mirent à parler un dialecte cananéen et finirent par adopter l'araméen. Ils adoraient le dieu Dagon à Gaza et Asdod, Astoreth à Askalon, et Baal-Zebub ou Bel-Zebub à Ekron. Les noms de ces divinités sont sémitiques.

Les Philistins étaient doués en métallurgie, comme l'attestent de petits hauts-fourneaux déterrés à Guérar. Les Israélites apparemment dépendaient d'eux pour la fabrication d'instruments agricoles, mais se virent refuser des armes (1 Samuel 13:19.20). Leurs voisins étaient ainsi pour eux une menace constante. Il semble qu'à un moment donné ils aient occupé toute la Palestine. Un jour, ils s'emparèrent de l'arche de l'alliance et détruisirent Silo où elle avait été entreposée. Les menaces des Philistins contraignirent les Israélites à plus de solidarité et les obligèrent à instaurer la royauté.

Après la mort de Josué, à une époque où certains peuples cananéens empêchaient les Hébreux de contrôler la totalité du pays qui leur avait été donné, Juda et Benjamin décidèrent de s'unir pour les combattre (Juges 1:3). Ils ne purent cependant les chasser de partout et durent parfois cohabiter avec eux, avec tous les risques que cela entraînait sur le plan religieux. Il s'éleva en effet une nouvelle génération qui n'avait pas connu Moïse et Josué, qui fit ce qui déplaît à l'Eternel et servit Baal.

 

Le rôle des juges:

La mort de Josué marqua la fin d'une époque. Il fallut attendre deux siècles pour voir se lever un grand chef capable de conduire le peuple. Pendant ce temps, les tribus durent se livrer à de grands efforts de résistance locaux aux envahisseurs. Israël s'adonnait à l'idolâtrie. Dieu alors châtiait son peuple qui, opprimé, se souvenait de lui et implorait son secours. L'Eternel leur suscitait un juge qui les délivrait de la main des ennemis. Puis son peuple sombrait à nouveau dans l'apostasie. Ce cycle se répéta plusieurs fois. Yahvé avait ordonné à Israël de chasser les Cananéens, mais son peuple n'obéit pas à son commandement (Juges 3:5.6).

Le livre des Juges en mentionne treize, dont six furent plus importants que les autres: Othniel, Ehud, Débora, Gédéon, Jephthé et Samson. L'expression "juge" provient d'un verbe hébraïque qui signifie aussi bien gouverner que juger. C'étaient des chefs locaux qui cumulaient les fonctions: ils gouvernaient les tribus, commandaient leurs armées et administraient la justice.

Othniel, neveu de Caleb, vainquit un certain Cusch-Rischeathaïm, roi de Mésopotamie dont nous ne savons rien de plus, et délivra les Israélites (Juges 3:7-11).

Quand son peuple fut redevenu infidèle, Dieu dut le châtier à nouveau: pendant 18 ans il fut opprimé par Eglon, roi de Moab (Juges 3:12-20). Les Moabites étaient des descendants de Lot et donc apparentés à Israël. Ils habitaient à l'est de la Mer Morte et vinrent occuper la région de Jéricho. Le peuple opprimé fut délivré par le Benjamite Ehud qui était gaucher et profita de cette particularité pour poignarder le roi moabite.

Débora succéda à Ehud (Juges 4:1-4). L'oppresseur cette fois-ci était Jabin, roi de Hatsor, secondé de son général Sisera lequel était aussi à la tête d'une confédération de rois cananéens. Débora lança un défi aux Israélites et les exhorta à s'unir et à être fidèles à Yahvé. Le chef israélite Barak enrôla dix mille fantassins de Zabulon et Nephthali (Juges 4:6.10). D'après le cantique de Débora (Juges 5), six tribus envoyèrent quarante mille hommes au combat. Débora fut appelée "mère en Israël" (Juges 5:7), et Jaël, femme de Heber le Héthien, parvint à tuer Sisera en fuite, en lui plantant un pieu dans la tête (Juges 4:17-21). Leur victoire permit aux Israélites de prendre possession de la fertile vallée de Jizreel.

Les Madianites étaient des nomades se déplaçant à dos de chameaux, qui se livraient avec les Amalécites à des raids au temps de la moisson et pillaient récoltes et bétail, harcelant les paysans et les obligeant à fuir dans les cavernes. Un jour, Dieu, apitoyé par la misère de son peuple, lui suscita un juge, Gédéon, chargé de battre les Madianites. Celui-ci lui demanda un signe pour s'assurer de son aide. Il mobilisa une armée de 32.000 hommes, mais Dieu l'obligea à n'en garder que 300 avec lesquels il sema la confusion dans le camp des Madianites qui s'entretuèrent. On voulut le faire roi, mais Gédéon refusa et quand il mourut, le peuple s'adonna à nouveau au culte de Baal. Abimélec, fils de Gédéon (nommé ici Jerubbaal), né d'une concubine, persuada ses compatriotes de tuer ses 70 demi-frères, afin d'être le seul héritier du trône (Juges 9:1 ss.), puis se fit proclamer roi. Jotham, le seul rescapé, monta sur une montagne et cria aux habitants de Sichem l'histoire d'arbres qui choisirent un buisson d'épines comme roi. L'interprétation de la fable par Jotham s'avéra juste: trois ans plus tard, Abimélec fut tué par les habitants de Sichem.

Thola de la tribu d'Issacar fut juge sur Israël pendant 23 ans, et Jaïr, le Galaadite, pendant 22 ans. Après la mort de ces deux chefs, les Israélites retournèrent à l'idolâtrie et furent pour cela livrés aux mains des Philistins et des Ammonites.

Jephthé était galaadite et le cinquième des grands juges. Il délivra les Israélites des Ammonites (Juges 10:17-12:7). Un jour, alors que les négociations n'aboutissaient pas, il fit un voeu dément à l'Eternel pour s'assurer la victoire sur les Ammonites: il promit de lui offrir en holocauste la première personne qui, à son retour du combat, sortirait de sa maison (Juges 11:30.31). Ce fut sa fille unique dont les filles d'Israël commémorèrent le sacrifice chaque année.

Une fois de plus, les Israélites firent ce qui déplaît à l'Eternel qui les livra entre les mains des Philistins (Juges 13:1). Ceux-ci ne cessèrent de les harceler pendant 40 ans. Ils avaient l'avantage de savoir fabriquer et d'utiliser des armes de fer et de cuivre, technique qu'ils avaient apprise des Héthiens. Le poids de ces armes diminuait leur mobilité, mais ils résolurent le problème en recourant aux chars d'assaut à bord desquels ils attaquaient leurs ennemis.

La naissance de Samson était la réalisation d'une promesse faite par un ange à une femme stérile tenue par un voeu naziréen (Juges 13). Ce voeu qui stipulait entre autres que le rasoir ne passerait pas sur sa tête, fut à l'origine de sa force surnaturelle. Il épousa contre l'avis de ses parents une Philistine. Pendant les noces, Samson proposa aux Philistins une énigme. Ceux-ci obligèrent sa femme à le séduire pour qu'il lui expliquât l'énigme. Comme ils avaient gagné le pari, Samson dut leur donner 30 vêtements de rechange, ce pour quoi il tua 30 Philistins, puis partit en colère. Sa femme fut donnée à un autre. Mais quand il voulut revenir lui rendre visite, le père de celle-ci lui interdit de la voir. Alors Samson attrapa 300 renards, noua des torches enflammées à leurs queues et brûla les blés des Philistins.

Après d'autres exploits du même genre, Samson aima Dalila qui sut, à la demande des Philistins, lui arracher le secret de sa force surnaturelle (Juges 16:4 ss.). Ils vinrent lui raser la tête, le réduisant à l'impuissance, lui crevèrent les yeux et le jetèrent en prison où il fut contraint de tourner une meule. Dernier acte de bravoure qui lui coûta la vie: lors d'une fête en l'honneur du dieu Dagon, il fit mourir trois mille Philistins en renversant les colonnes du temple.

Les exploits de Samson ne marquent que le début des conflits entre Israélites et Philistins. Ils préparaient le chemin aux événements de l'époque de Samuel, Sal et David.

 

Situation à la fin de l'époque des juges:

Les conflits internes de l'Egypte, la disparition de l'empire héthien et la faiblesse de l'Assyrie et de la Babylonie due à l'invasion des Araméens firent qu'il n'y eut pas de grande puissance capable d'envahir Canaan pendant la période des juges. Par ailleurs, aucune coalition majeure ne se forma contre Israël. Cependant les petites attaques, les batailles localisées et les troubles étaient nombreux. Israël occupait la région montagneuse au centre du pays, mais ne put déloger de la plaine côtière les Philistins disposant d'un meilleur armement. D'autre part, la conscience nationale était plutôt faible et la solidarité avait du mal à jouer.

Pendant cette période, les Israélites passèrent progressivement d'une existence semi-nomade à la vie rurale. Les petits agriculteurs étaient essentiellement préoccupés de leur survie et ne défendaient la nation que lorsque leurs intérêts personnels étaient en jeu. D'ailleurs la réussite économique et culturelle des peuples voisins était supérieure à celle des Hébreux. C'est du moins ce que laissent deviner les découvertes archéologiques. Les villes de la côte aux mains des Philistins prospéraient grâce au commerce, tandis que dans les montagnes on menait une existence relativement précaire. Enfin, il fallait des chefs charismatiques suscités par Dieu pour assurer au peuple un répit temporaire.

Un mot à propos de Dan. Cette tribu avait reçu en partage une région comprenant les villes d'Ajalon, Tsorea, Ekron, Lydda et Japho (Josué 19:40-47). Mais les Amoréens avaient refoulé les Danites dans les montagnes (Juges 1:34.35). Ils se mirent donc à la recherche d'un autre territoire, à l'extrême nord de la Palestine. Une petite armée de 600 hommes s'empara de la ville de Laïs et changea son nom en Dan. La tribu se multiplia rapidement en se mariant avec des Cananéens. Elle cessa peu à peu de jouer un rôle dans l'histoire d'Israël. Après le schisme consécutif à la mort de Salomon, on éleva à Dan un sanctuaire avec un veau d'or (1 Rois 12:28.29) qui survécut à la réforme religieuse de Jéhu (2 Rois 10:29).

Quant à la tribu de Benjamin, elle fut un jour sévèrement punie. Alors qu'un voyageur lévite passait la nuit à Guibea, sur le territoire de Benjamin, ses habitants violèrent sa concubine jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le Lévite coupa alors son cadavre en douze parts qu'il envoya aux douze tribus d'Israël. Toutes les tribus répondirent à son appel, à l'exception de Benjamin qui prit la défense des habitants de Guibea. Alors la ville fut incendiée, ainsi que d'autres possessions benjamites. Les membres des autres tribus formèrent le voeu de ne jamais marier leurs filles à des Benjamites, si bien que la tribu se serait éteinte, si des vierges de Jabès en Galaad n'avaient pas accepté de se rendre à Silo pour y épouser des Benjamites. Par la suite, les hommes de Benjamin eurent la permission d'enlever des filles au festival annuel de Silo près de Béthel. Ces concessions leur furent faites par ceux-là mêmes qui avaient juré de leur refuser leurs filles. Il le fallait, si on voulait préserver au complet les douze tribus issues de Jacob.

Le livre des Juges reflète la décadence religieuse et morale et la terrible vulnérabilité d'Israël pendant cette période (1200-100 av. J.-C.). "En ce temps-là, il n'y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon" (Juges 21:25). Les événements relatés préparèrent la voie à l'avènement d'un roi en Israël.

 

Questions de révision et exercices:

 


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15-Septembre-2002, Rev. David Milette.