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CHAPITRE 8: L'INSTAURATION DE LA ROYAUTE

Israël voulait un roi (1 Samuel 8:19.20). Humainement parlant, c'était souhaitable et même nécessaire. La pauvreté et l'insécurité régnaient dans le pays. Le peuple était mécontent.Les différents juges avaient été incapables de le protéger contre les pillards des tribus voisines, de le faire entrer en possession de la terre promise et d'instaurer une paix durable.

A cette époque, l'arche de l'alliance se trouvait à Silo, principal centre de culte des Israélites. Eli y officiait en souverain sacrificateur, assisté de ses deux fils que leur vie mauvaise rendait indignes de leurs fonctions (1 Samuel 2:22 ss.). Un jour, conformément à une prédiction, les Philistins livrèrent bataille aux Israélites, les vainquirent et emportèrent l'arche. Trente mille hommes périrent dans les rangs des Israélites, dont les fils d'Eli. Quant à celui-ci, il mourut en apprenant la disparition de l'arche.

Entre-temps, Samuel avait grandi dans la crainte de Dieu. il était appelé à remplacer Eli. Quand l'arche tomba aux mains des Philistins, il exhorta ses compatriotes à se repentir de leur idolâtrie. Un jour que les Philistins revinrent faire la guerre à Israël, Dieu accorda la victoire à son peuple qui leur infligea d'énormes pertes.

Samuel parcourait le pays pour rendre justice. Il avait lui aussi deux fils malhonnêtes et indignes, chargés d'exercer la justice à Beer-Schéba. Le mauvais exemple de ces hommes incita les chefs d'Israël à demander un roi. Samuel y était hostile, estimant que cette demande équivalait à une rupture de l'alliance et à un rejet de Dieu. Celui-ci lui demanda cependant de satisfaire leur demande. Il lui révéla son choix: Sal, fils de Kis, de la tribu de Benjamin (1 Samuel 9). Samuel alla l'oindre, et l'Esprit de Dieu descendit sur le jeune homme qui se mit à prophétiser (1 Samuel 10:10 ss.).

 

Le règne de Sal (1020-1000 av. J.-C.):

Après la destruction de Silo, Guilgal était devenu le centre cultuel d'Israël. C'est là que Sal, qui venait de vaincre les Ammonites, fut présenté au peuple et intronisé. Puis il livra bataille aux Philistins. Alors qu'il attendait Samuel à Guilgal pour qu'il offrît un holocauste avant le début de la bataille, le peuple prit peur et se mit à se disséminer. Sal se décida donc à apporter lui-même un sacrifice. Quand il l'apprit, Samuel se fâcha et lui annonça qu'aucun de ses descendants ne régnerait sur Israël (1 Samuel 13:13 ss.).

Sal était un grand soldat. Durant tout son règne il livra bataille aux ennemis du peuple, aux Moabites, Ammonites, Edomites, aux rois de Tsoba et aux Philistins (1 Samuel 14:47.48), menant Israël à la victoire. Mais il y eut entre lui et Samuel un conflit permanent. Samuel avait été hostile à l'instauration de la royauté, pour les raisons évoquées plus haut. Mais peut-être aussi parce qu'il n'admettait pas d'être dessaisi de certaines de ses responsabilités. Il semblait prêt à renoncer à la judicature, mais entendait rester sacrificateur et prophète. La rupture entre les deux hommes fut consommée, quand Samuel eut enjoint à Sal de détruire les Amalécites et tout leur bétail et que celui-ci préleva des moutons et des boeufs sur leurs troupeaux pour les offrir à Dieu. "L'obéissance vaut mieux que les sacrifices", lui répondit le prophète (1 Samuel 15:22). Alors l'Esprit de Dieu se retira de Sal et un mauvais esprit s'empara de lui. Il avait voulu accaparer les pouvoirs politiques et religieux, tandis que Samuel entendait distinguer nettement entre les deux. Le roi devait se soumettre au prophète pour connaître la volonté du Seigneur et n'était pas autorisé à apporter des sacrifices.

A compter de ce jour, Sal sombra dans une profonde détresse. Seul le jeu de harpe de son porteur d'armes David lui apportait du soulagement. Un jour, le jeune David parvint à tuer le géant Goliath et à délivrer les Israélites des mains des Philistins (1 Samuel 17). Sa renommée se répandit rapidement. Sal en conçut une grande jalousie et décida de le faire mourir entre les mains des Philistins. Il lui offrit sa fille aînée Merab, s'il acceptait de leur livrer bataille. David s'exécuta, mais Sal ne tint pas parole. Il lui offrit alors sa deuxième fille Mical, s'il acceptait de tuer cent Philistins. David le fit et put épouser la fille du roi.

Les tentatives avortées de Sal pour tuer le jeune homme ne firent qu'augmenter sa haine. Il eut alors l'idée de se servir de son fils Jonathan pour le tuer, mais Jonathan et David étaient de grands amis (1 Samuel 19:1 ss.). Sal n'eut plus qu'une obsession: faire périr à tout prix celui qu'il considérait comme son rival. David dut donc prendre la fuite et se cacher dans les cavernes des montagnes avec une troupe de 400 hommes mécontents, persécutés et fugitifs qui l'avaient rejoint. A deux reprises, le jeune homme aurait eu l'occasion de tuer le roi alors qu'il le pourchassait dans le désert, mais refusa de le faire, car c'était "l'oint de l'Eternel" (1 Samuel 24 et 26).

Un jour, les Philistins affrontèrent les Israélites dans la vallée de Jizreel. Ils avaient l'avantage du terrain: leurs chars pouvaient se mouvoir facilement dans la plaine. Ils infligèrent une défaite aux Israélites, tuèrent les trois fils de Sal et blessèrent grièvement le roi qui se suicida. Les Philistins lui coupèrent la tête et le pendirent avec les corps de ses fils à un mur de Beth-Shan. Mais les habitants de Jabès eurent le courage d'aller chercher leurs cadavres et de les enterrer.

Tout le règne de Sal fut marqué par la guerre et les attentats perpétrés contre David. C'était un héros et un homme qui avait quelque chose de charismatique. Hélas, il désobéit à Dieu qui l'abandonna. Il tomba alors dans une sorte de folie. Chef du peuple tout entier, Sal renonça cependant à créer une administration centrale, lui laissant son organisation tribale. Son cousin Abner, chef d'une armée recrutée parmi toutes les tribus, était le seul fonctionnaire attaché à sa cour. Sal marque ainsi la transition entre la judicature et la monarchie, l'anarchie de l'époque des juges et le gouvernement central qui allait donner à Israël puissance, prestige et prospérité.

 

Le règne de David (1000-961 av. J.-C.):

David était le descendant de Boaz et de Ruth la Moabite. Son père était Isaï de Bethléhem en Juda, à environ dix kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Berger dans sa jeunesse, il devint célèbre en abattant Goliath, et Sal le prit à son service, en faisant de lui son porteur d'armes. Désigné par Dieu pour lui succéder, il refusa d'occuper le trône d'Israël avant la mort du roi.

Quand il apprit que Sal et ses fils étaient tombés sur le champ de bataille, David, qui séjournait à Tsiklag entouré de quelques centaines de fidèles, se rendit à Hébron, dans le nord. C'est là qu'il fut oint roi de Juda (2 Samuel 2:4). Il porta le deuil sur Sal, témoigna beaucoup de respect à son entourage, étendant ainsi ses relations, et félicita les habitants de Jabès en Galaad pour avoir risqué leur vie en récupérant et enterrant les corps du roi et de ses fils.

Entre-temps, Abner, cousin et général de Sal, avait établi Isch-Boscheth comme successeur de son père (2 Samuel 2:8-10). Il régna quelques années sur différentes tribus, mais n'avait pas les qualités requises d'un souverain. Dans son incompétence, il s'aliéna le général Abner en l'accusant d'entretenir des relations avec l'ancienne concubine de Sal dans le dessein d'occuper le trône (2 Samuel 3:6-11). Abner lui tourna alors le dos et rejoignit le camp de David. Celui-ci accepta, à condition qu'on lui rendît Mikal, la fille que Sal lui avait donnée en mariage. Façon habile de s'identifier comme gendre du roi défunt et de gagner la confiance des tribus du nord. Il lui fallait prouver en toutes choses son innocence. Aussi quand Isch-Boscheth fut tué par deux guérilleros de Beéroth, bien que ce meurtre l'arrangeât, il fit mettre à mort les deux assassins, pour bien montrer qu'il n'avait pas trempé dans l'attentat.

A la mort d'Isch-Boscheth, les tribus du nord se trouvèrent sans roi. Elles se tournèrent vers David à Hébron (2 Samuel 5:1 ss.). Celui-ci scella une alliance avec les chefs du peuple et fut oint roi de tout Israël. Après avoir régné sur Juda seul, il devint le roi du peuple tout entier et résida pendant sept ans et demi à Hébron, avant d'aller s'installer à Jérusalem.

David s'empara de cette ville qui était restée aux mains de Jébusiens, et en fit sa capitale. Elle avait en Israël un statut particulier, ne faisait partie d'aucune des douze tribus, mais appartenait personnellement au roi. Quand les Philistins apprirent que David était devenu roi de tout Israël, ils lui firent la guerre à Baal-Peratsim. Mais David les vainquit. Il remporta une deuxième victoire, et à partir de là les Philistins ne firent plus d'incursion dans les montagnes. Il semble qu'il en ait fait ses vassaux (2 Samuel 8:1). Beaucoup d'entre eux devinrent même des mercenaires à son service (2 Samuel 8:18; 15:18).

Ayant conquis Jérusalem, David y transporta l'arche de l'alliance qui se trouvait à Kirjath-Jearim. Elle avait été négligée pendant de nombreuses années. Le roi nomma Achimélec, fils d'Abiathar, et Tsadok souverains sacrificateurs. En transférant l'arche, symbole de l'unité des douze tribus, dans sa ville, David voulait faire d'elle le centre à la fois religieux et politique de la nation. Le jour où on l'apporta, il manifesta sa joie en dansant devant elle et en louant le Seigneur. Il fit par ailleurs entrer des sacrificateurs dans son gouvernement, s'attirant les sympathies et le soutien de la classe sacerdotale.

S'étant construit un palais à Jérusalem, David aurait voulu bâtir un temple à l'Eternel, mais il était un homme de guerre. Aussi Dieu lui répondit-il qu'il réservait à son fils le soin de le faire (2 Samuel 7).

Ayant conquis Jérusalem et vaincu les Philistins, David parvint à se soumettre aussi les cités cananéennes de la plaine, alliées ou vassales des Philistins. Il les annexa à son empire. Après avoir réglé leur sort aux Philistins, il se tourna vers les Moabites, les Edomites et les Ammonites, lesquels appelèrent les Syriens en renfort. Il parvint à les vaincre. Tous ces peuples devinrent ses sujets, et David régna sur un territoire s'étendant de l'Egypte à la Mésopotamie. Il était le souverain le plus puissant de son temps. Ses conquêtes procurèrent à son peuple gloire et richesses.

Le règne glorieux de David connut cependant le déclin. Celui-ci commença avec l'affaire de Bath-Schéba. Le premier fils qu'il conçut avec elle mourut. Le second, Salomon, lui succéda, bien qu'il ne fût pas son fils aîné. David avait de nombreuses épouses et beaucoup d'enfants. Alors qu'il marchait à la tête de ses armées, des rivalités, jalousies, intrigues et dissensions minèrent sa famille. Absalom était le prince héritier et le préféré de David. Quand sa soeur Tamar fut violée par son demi-frère Amnon, Absalom la vengea en tuant Amnon, et dut s'exiler. David finit par se réconcilier avec lui, mais Absalom intrigua, mobilisa les mécontents du royaume et se fit proclamer roi à Hébron. La nouvelle ébranla le roi qui reconnut la gravité de la situation et s'enfuit de Jérusalem. Ayant pris la ville, l'armée d'Absalom vint à la rencontre de celle de David commandée par le général en chef Joab, qui le tua malgré les injonctions de David (2 Samuel 18:14). Pour apaiser les partisans mécontents d'Absalom, le roi mit Amasa, le chef de l'armée de son fils, à la place de Joab. Mais Amasa ne réussit pas et fut poignardé par Joab.

La plupart des mariages conclus par David avaient des implications politiques ou économiques. Son mariage projeté avec Merab, la fille aînée de Sal, lui aurait donné un droit de préemption sur le trône d'Israël. Son mariage avec Maaca, fille du roi de Gueschur, faisait de lui un prétendant au trône de ce petit royaume. Maaca était la mère d'Absalom, mais ce fut Bath-Schéba qui lui donna le fils qui allait lui succéder. David, comme tous les souverains de l'époque, possédait un grand harem. Par ailleurs de nombreux pensionnaires mangeaient à sa table (2 Samuel 19:31-40), ainsi qu'une trentaine de gardes du corps (2 Samuel 23:24-39).

Amnon et Absalom, son premier et son troisième fils, étant morts, la couronne revenait au quatrième, Adonija. Il n'est fait mention du deuxième fils de David, Kileab, qu'une fois, dans une liste d'enfants du roi. Il devait être écarté de la succession pour une raison que nous ne connaissons pas. Bien qu'Adonija fût l'héritier légitime du trône, David avait promis la couronne à Salomon, fils de Bath-Schéba. Adonija obtint le soutien de Joab et du sacrificateur Abiathar, tandis que le sacrificateur Tsadok, le prophète Nathan et Benaja apportèrent leur soutien à Salomon. Adonija se fit proclamer roi lors d'une fête à En-Roguel (1 Rois 1:9 ss.). Alors Nathan demanda à Bath-Schéba d'intervenir auprès de David pour qu'il proclame Salomon comme son successeur (1 Rois 1:1 ss.). David envoya Tsadok oindre Salomon à Guibea. Bien que tout Israël ne le suivît pas, il avait encore assez d'influence pour que son choix fût respecté. Alors Adonija prit peur, courut dans le tabernacle et saisit les cornes de l'autel. Salomon ne le tua pas dans le sanctuaire, mais plus tard, quand Adonija eut demandé qu'on lui donnât pour épouse la servante que David s'était choisie pour ses vieux jours. David commandita encore le meurtre de Joab, pour venger la mort d'Abner, d'Amasa et d'Absalom. Puis il mourut, après avoir régné 40 ans sur Juda et 33 ans sur Israël.

Ce fut sans aucun doute le plus grand roi de l'histoire d'Israël. Il fit preuve de très bonne heure de loyauté et d'intégrité, en refusant de porter la main sur Sal son persécuteur. Diplomate intelligent et grand guerrier, son exil dans le pays des Philistins lui permit de poser les fondements de son empire; Il signa de nombreuses alliances qu'il scella par des mariages. Le transfert de l'arche de l'alliance à Jérusalem lui permit de consolider ses liens avec les tribus de d'affermir la loyauté du peuple. Il fut aussi un grand musicien et poète, composa une complainte sur Sal et Jonathan et de nombreux psaumes empreints d'une profonde piété. Il savait se repentir quand il avait péché et trouver grâce auprès de Dieu. Mais il dut supporter aussi les conséquences temporelles de ses égarements. Par l'étendue de son royaume et la puissance qui caractérisa son règne, il est devenu une préfiguration glorieuse de Jésus-Christ, le Roi des croyants et le Chef de l'Eglise chrétienne.

 

Questions de révision et exercices:

 


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15-Septembre-2002, Rev. David Milette.