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ACTIONS DE PAUL EN FAVEUR DES PHILIPPIENS (2:19-3:1)

"J'espère dans le Seigneur vous envoyer bientôt Timothée, afin d'être encouragé moi-même en apprenant ce qui vous concerne. Car je n'ai personne ici qui partage mes sentiments, pour prendre sincèrement à coeur votre situation. Tous, en effet, cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ. Vous savez qu'il a été mis à l'épreuve, en se consacrant au service de l'Evangile avec moi, comme un enfant avec son père. J'espère donc vous l'envoyer dès que j'apercevrai l'issue de l'état où je suis, et j'ai cette confiance dans le Seigneur que moi aussi j'irai bientôt. J'ai estimé nécessaire de vous envoyer mon frère Epaphrodite, mon compagnon d'oeuvre et de combat, par qui vous m'avez fait parvenir de quoi pourvoir à mes besoins. Car il désirait vous voir tous, et il était fort en peine de ce que vous aviez appris sa maladie. Il a été malade, en effet, et tout près de la mort, mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, mais aussi de moi, afin que je n'aie pas tristesse sur tristesse. Je l'ai donc envoyé avec d'autant plus d'empressement, afin que vous vous réjouissiez de le revoir et que je sois moi-même moins triste. Recevez-le donc dans le Seigneur avec une joie entière et honorez de tels hommes, car c'est pour l'oeuvre de Christ qu'il a été près de la mort, ayant exposé sa vie afin de suppléer à votre absence, dans le service que vous me rendiez. Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur. Je ne me lasse point de vous écrire les mêmes choses, et pour vous cela est salutaire" (2:19-3:1).

Cette péricope qui n'est pas d'une grande importance doctrinale a cependant son intérêt. L'apôtre qui y parle de ce qu'il compte faire en faveur des Philippiens, nous donne quelques indications sur certains de ses collaborateurs, sur ses projets d'avenir et sur la nécessité de tout remettre entre les mains de Dieu. Un diacre ou un simple fidèle est malade, un apôtre s'en préoccupe, une quête a été faite et l'argent est bien arrivé à destination. Ce sont des considérations somme toute assez terre à terre. Mais la vie de l'Eglise, c'est aussi cela, et cela mérite aussi qu'on en parle. L'apôtre en tout cas le fait, et avec beaucoup de dignité et de sensibilité, le tout sanctifié par la foi.

Timothée:

Cf. 1:1. Consulter au sujet de cet homme un dictionnaire biblique montrant le rôle joué par lui dans l'histoire de l'Eglise apostolique et les liens qui l'unissaient à Paul.

L'apôtre a été inquiété par ce qu'Epaphrodite (V.25) lui a dit de la situation de l'Eglise de Philippes et a besoin d'être tranquillisé et réconforté (V.19). Il n'a donc qu'une hâte, maintenant que cet homme est reparti, c'est de leur envoyer Timothée, en attendant de pouvoir lui-même se rendre à Philippes.

Il s'agit de redresser la situation. Et comme Timothée n'a pas auprès des Philippiens la même autorité que lui, il prend soin de le recommander. Il le leur enverra bientôt (V.19.23). A condition, bien sûr, que le Seigneur le veuille, car c'est "dans le Seigneur Jésus" qu'il compte le leur envoyer. Au stade où il en est, Paul a appris à ne pas former de projets personnels, mais à tout remettre entre les mains de Dieu.

Cependant la situation est assez grave pour que l'apôtre accepte de se priver de la présence de ce jeune compagnon de service, et cela bien qu'il lui en pèse. Timothée est le seul à partager ses sentiments et il ne peut guère compter sur les autres (V.20.21). Ce n'est pas très flatteur pour les chrétiens de Rome et leurs pasteurs. Paul avait constaté qu'on y prêchait le Christ et que tous ne le faisaient pas avec des motifs purs (1:13-18). Pourtant, Timothée est le seul à partager sa sollicitude pour les Philippiens, ce qui permet sans doute de conclure que les autres étaient un tantinet égoïstes, qu'ils travaillaient pour leur "propre clocher", avaient une vision trop étroite de l'Eglise chrétienne et ne se souciaient guère de leurs frères et soeurs dans la foi ailleurs dans le monde. Pas si rare que cela dans la chrétienté, mais grave lacune à corriger!

La foi de Timothée, au contraire, a été testée. Il a été un fidèle compagnon de travail de l'apôtre (V.22). D'ailleurs, les Philippiens ont dû s'en rendre compte, car il semble bien que Timothée ait été de ce deuxième voyage missionnaire et qu'il ait séjourné avec Paul à Philippes. Celui-ci aime bien se présenter comme le père spirituel de ceux qu'il a conduits au Christ ou fortifiés dans la foi (1 Corinthiens 4:14-17; Galates 4:19; 1 Thessaloniciens 2:11; Philémon 10), mais c'est particulièrement vrai de Timothée, homme doux et, semble-t-il, assez timide (1 Timothée 4:12; 2 Timothée 1:6-8; 1 Corinthiens 16:10), entièrement dévoué à l'apôtre, l'accompagnant dans ses déplacements ou s'acquittant fidèlement des missions qu'on lui confie.

Mais tant qu'il n'est pas au clair au sujet du procès qu'on lui fait et de l'avenir qui l'attend, il ne veut pas se séparer de lui (V.23). Il compte sur sa libération prochaine (V.24; cf. 1:23-25), mais il est encore trop tôt pour lui de se séparer de son précieux compagnon.

Epaphrodite:

Nous ne savons de cet homme que ce que Paul en dit ici. C'était un chrétien (peut-être un diacre) que les Philippiens avaient dépêché à Rome pour apporter à l'apôtre une aide financière et qui l'avait sans doute renseigné sur la situation dans leur Eglise. Il semble que Paul le renvoie plus tôt que prévu (V.25). Les Philippiens auraient peut-être voulu qu'il reste un certain temps auprès de l'apôtre et l'assiste dans sa détention. Mais il a accompli sa mission, et il vaut sans doute mieux qu'il reparte, d'autant plus que Paul va lui confier sa lettre aux Philippiens, et celle-là doit partir sans tarder.

Nous ne savons pas grand-chose d'Epaphrodite, et pourtant le texte nous brosse de lui un tableau relativement complet et de plus élogieux. Plusieurs termes décrivent cet homme fidèle et précieux. Paul le nomme son frère, son compagnon d'oeuvre et de combat. Quant aux Philippiens, il a été leur "apôtre" et leur "liturge" (transcription des mots grecs utilisés). Ce dernier terme désignait dans le grec profane celui qui était chargé d'un service public. Paul le fait-il exprès? En tout cas il mêle argent et liturgie. C'est ce que nous faisons aussi au moment de l'offrande. Elle est une partie de la liturgie de l'Eglise. Les comptes dans l'Eglise, c'est liturgique. La collecte est un élément du culte, et le trésorier est un liturge du Seigneur! Et quand c'est un bon trésorier, il est un don du Seigneur et accomplit "l'oeuvre de Christ". Epaphrodite avait été investi par les Philippiens d'une importante mission dont il s'était fidèlement acquitté. Il était donc normal qu'il rentre chez lui. Et cela d'autant plus qu'il avait été gravement malade, à deux pas de la mort.

"Il désirait vous voir tous": Simple sollicitude pour ses frères dans la foi, ou le pressentiment que ses jours étaient comptés et le désir de mourir non pas dans cette Rome lointaine où il n'avait aucune attache, mais chez lui, au milieu des siens? Nous pencherons pour cette deuxième explication. Elle permet de comprendre pourquoi Paul renonce à le garder plus longtemps auprès de lui et s'empresse de le renvoyer à Philippes. Décidément, saint Paul est un homme de coeur, profondément humain, qui comprend les problèmes des autres et sait accéder à leurs désirs secrets, et non pas un stoïcien dur et insensible, du genre: "Accepte ton destin sans te plaindre, et s'il faut mourir, peu importent le lieu et les circonstances. Fais face et cesse de pleurnicher!" La foi chrétienne qui n'est pas résignation, mais confiance en Dieu, a de la place pour le chagrin, la sensibilité et l'envie de revoir les siens.

Du reste, Dieu a eu pitié d'Epaphrodite et en même temps de l'apôtre. Il a exaucé leurs prières. Epaphrodite n'est pas mort, mais a retrouvé la santé. Bien qu'il eût voulu le leur cacher (V.26), les Philippiens avaient appris qu'il était tombé malade. Il était donc temps qu'il rentre pour les tranquilliser (V.28). Quant à eux, surpris peut-être de le voir rentrer si tôt, alors qu'ils auraient voulu qu'il reste un peu auprès de Paul, il convenait qu'ils l'accueillent avec joie, sans lui faire le moindre reproche (V.28). C'est ce que méritent tous ceux qui se dévouent dans "l'oeuvre du Christ" (V.29).

"L'oeuvre du Christ", alors qu'Epaphrodite n'a fait qu'apporter à Paul de l'argent ou des dons en nature? Oui, cela aussi, c'est l'oeuvre du Christ. Il faut que ceux qui entendent l'Evangile partagent avec ceux qui le leur annoncent. L'Eglise se doit de soutenir et d'assister ses ministres, et quand elle le fait, elle fait la volonté et l'oeuvre du Christ.

Cette section de l'épître s'achève sur une nouvelle exhortation à la joie. Malgré les préoccupations, grandes et petites, de tous les jours, les soucis voire les déceptions que suscite la vie quotidienne et qui n'épargnent pas non plus l'Eglise, les chrétiens ont toutes les raisons du monde d'être heureux. Les grâces sont plus grandes et plus nombreuses que les épreuves. Quant à ces dernières, elles sont sanctifiées par le Seigneur et donc elles-mêmes un sujet de joie. Il faut le dire, parce que c'est vrai et que l'exhortation à la joie est salutaire (3:1). Il est plus facile d'être triste que d'être joyeux, de faire triste mine que de rayonner d'espérance, de culpabiliser que d'avoir la conscience en paix dans la certitude du salut. La joie est un art, et il n'est pas facile. Mais il s'apprend. Et puis, comme le dit l'apôtre, c'est salutaire. La joie en effet, à la différence de la tristesse et de l'abattement qui paralysent et réduisent à l'inactivité, donne de l'énergie, de la volonté, l'envie d'agir, de louer et de témoigner. Alors vive la joie!

 

Questions de révision et exercices:

 


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3-Janvier-2003, Rev. David Milette.