Le Sacrement de la Sainte Cène, par Dr. Wilbert Kreiss - index  Le Sacrement de la Sainte Cène, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

V - COMMENT RECEVOIR LA SAINTE CÈNE ?

"Prenez, mangez, ceci est mon corps... Buvez-en tous, ceci est mon sang..." (Matthieu 26 : 26-28). La présence réelle du corps et du sang du Christ dans la Sainte Cène requiert de la part des communiants une attitude adéquate. On ne va pas au Repas du Seigneur comme on s'assoit à une table ordinaire. La préparation personnelle du chrétien doit rendre évidents le respect et la vénération qu'il a pour les choses saintes. Se laver au moins les mains et être convenablement vêtu suffisent pour nos repas de famille, mais une préparation intérieure est nécessaire, quand on désire s'approcher de la Table du Christ. Il est possible, selon Paul, de communier indignement. Nous savons ce que cela signifie. On peut y recevoir aussi un jugement, au lieu du merveilleux pardon que le Seigneur y offre. Il convient donc de s'examiner.

Le Petit Catéchisme dit à ce sujet : "Jeûner et préparer son corps est sans doute une bonne discipline extérieure. Mais celui-là seul est digne et bien préparé, qui croit à ces paroles : "Donné et répandu pour vous en rémission des péchés". Mais celui qui ne croit pas à ces paroles ou qui en doute, est indigne et non préparé. Car ces mots : "Pour vous" exigent absolument des coeurs croyants".

On peut communier indignement! Il convient de dissiper un malentendu : si on peut communier indignement, aucun d'entre nous ne peut en revanche communier dignement, si cela devait signifier que le chrétien peut se rendre digne du privilège de manger à la Table du Seigneur.

Si Jésus regardait à notre dignité, il ne nous admettrait pas à son repas. Pour être dignes d'une dignité personnelle, il faudrait que nous soyons comme lui, sans péchés, innocents, purs, justes et saints. Alors il serait normal, du moins compréhensible, que Jésus nous dresse une table et qu'il entre en communion avec nous.

Communier dignement ne signifie en aucun cas se présenter à l'autel sans péchés. Nous n'aurions plus besoin alors de son pardon. La Sainte Cène est le repas des pécheurs, de véritables pécheurs, mais des pécheurs à la recherche du pardon. Manger le pain ou boire la coupe du Seigneur indignement (1 Corinthiens 11 : 27) ne signifie pas manger et boire en pécheur, mais ne pas discerner le corps et le sang du Christ, ne pas les recevoir avec les dispositions requises. C'est mépriser le Seigneur, en ne faisant aucun cas des dons magnifiques qu'il nous fait dans le sacrement, insulter le corps qu'il a livré à la mort et le sang qu'il a répandu avec tant d'amour, pour le salut et le bonheur éternel des hommes.

La dignité, bien que nous ne devions pas employer ce mot, réside uniquement dans la repentance, la foi et le désir de s'amender et de vivre chrétiennement. C'est une grave erreur de croire que, pour communier dignement, il faut avoir été capable de se libérer de toutes les pensées et habitudes coupables, de renoncer définitivement au mal, et avoir atteint un grand degré de sanctification. Ce serait chercher à réaliser par ses propres efforts ce que le Seigneur veut faire par l'Evangile et les sacrements. C'est se substituer à Dieu dans la sanctification. En un mot, c'est une forme particulièrement raffinée de pharisaïsme.

Ceux qui se refusent ou renoncent à communier, parce qu'ils ne se sentent pas suffisamment bons et dignes, qui désirent atteindre un certain degré de piété et de justice, avant de se présenter à la Table du Seigneur, doivent se repentir de ce péché particulier et demander pardon à Dieu d'avoir voulu chercher en eux-mêmes ce qu'il leur offre précisément dans le saint sacrement. La Sainte Cène est un moyen divinement institué d'amender sa vie, et non pas le sceau d'une justice personnelle, un certificat de bonne conduite. Les gens qui raisonnent ainsi sont généralement un sérieux problème pour le pasteur. Ils sont sincères, mais victimes d'une grave erreur, et il faut une cure d'âme patiente, chaleureuse et faite de beaucoup de bonté et d'amour, pour les amener, repentants et assurés de la grâce de Dieu, à l'autel où le Seigneur les attend.

La participation à la Sainte Cène requiert une préparation. Celle-ci peut avoir lieu à la maison, et il serait certainement souhaitable qu'elle ait lieu dans le cadre de la famille. Nous rappelons que le Petit Catéchisme contient à ce sujet un "Modèle d'un examen de conscience" qui permet au chrétien de s'examiner, en le plaçant en face des commandements divins, pour le convaincre de sa corruption, et des promesses de l'Evangile, pour lui faire rechercher le pardon. Il le sensibilise aussi sur la nécessité de renoncer au mal et de porter les fruits de la foi qui glorifient le Seigneur.

La prière familiale du samedi soir est aussi le lieu choisi pour demander humblement au Seigneur de bénir la participation, le lendemain, au divin repas de la grâce célébré par la paroisse. Enfin, c'est une bonne coutume, à laquelle il ne faudrait pas renoncer ou qu'il faudrait introduire, si elle n'était pas pratiquée, que de faire précéder la célébration de la Cène d'un court message, dans lequel le pasteur aide l'assemblée à prendre conscience de ses péchés, l'invite à la repentance et à la joyeuse confiance dans les promesses de grâce et de pardon qui retentissent dans le sacrement et dans la prédication de l'Evangile, et l'exhorte à marcher, avec les forces nouvelles reçues à la Table du Seigneur, dans la sainteté et la justice qui lui sont agréables. Tous ceux qui prennent ce message à coeur, répondront sincèrement et avec joie et confiance "oui" à la question que le pasteur leur posera : "Confessez-vous sincèrement vos péchés à Dieu, croyez-vous en Jésus-Christ votre Seigneur et est-ce votre ferme intention d'amender votre vie avec l'aide du Saint-Esprit?" Ils sauront garder cette dernière promesse avec les forces que le Seigneur leur donnera.

Tout dans la liturgie et l'administration de la Sainte Cène doit traduire le profond respect et la ferveur que ce sacrement inspire aux fidèles. La préparation soigneuse de l'autel, l'utilisation de beaux ustensiles (cruche, calice, patène), les gestes, le ton et les paroles prononcées par le pasteur, une liturgie bien conçue et bien chantée, la musique, la réception de la Sainte Cène àgenoux ou avec une autre attitude extérieure empreinte de respect, tout cela doit exprimer de façon visible le mystère du divin sacrement, et en particulier la foi en la présence réelle du corps et du sang de Jésus. Ni plus ni moins.

Le chrétien est un homme qui se sent pécheur, corrompu et coupable. Il en souffre et aspire àla certitude du pardon et à la paix. Il sait aussi que Jésus est son divin Rédempteur, dont le sacrifice de Golgotha l'a réconcilié avec Dieu et dont le sang précieux purifie de tout péché. Il trouve le pardon dans la foi aux promesses de l'Evangile. C'est pourquoi il est un lecteur assidu de la Bible et un auditeur régulier de la Parole de Dieu. Un chrétien est donc une personne qui assiste régulièrement aux cultes de sa paroisse. Il ne le fait pas par tradition, ni pour être en règle avec Dieu et avec son... pasteur. Il ne cherche pas à entretenir une étiquette. Il s'agit pour lui de satisfaire un besoin primordial de son âme, de la nourrir avec un message et des promesses dont elle ne peut ni ne veut se passer. Ce même chrétien, sachant que son Sauveur lui offre dans la Sainte Cène son corps et son sang comme gages de sa rédemption, est un homme qui désire communier régulièrement et souvent. "Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe..." (1 Corinthiens 11 : 26).

Combien de fois? Ni Jésus ni Paul ne répondent à cette question. Beaucoup de fidèles dans d'innombrables Eglises ont pris pour habitude de communier les jours de fête, en particulier le Vendredi-Saint ou à Pâques. Une, deux ou trois fois par an... De deux choses l'une : ou bien ces gens ne savent pas que la Sainte Cène est le sacrement de la grâce et du pardon, ou bien ils ne se savent pas pécheurs et estiment pouvoir s'en passer. On ne les voit guère plus souvent aux cultes qu'à la Sainte Cène. Qu'en est-il de leur foi? A eux de répondre à cette question!

Dans la préface au Petit Catéchisme, Luther estime qu'un croyant devrait communier quatre fois par an. Il s'agit, bien sûr, d'un strict minimum, et il vaudrait mieux se passer de toute indication numérique. La foi d'un homme ne se mesure pas en chiffres. Mais il est certain qu'un chrétien ne peut pas se passer des moyens de grâce : le Baptême, la Parole de Dieu et la Sainte Cène sont pour lui des nécessités, quelque chose sans quoi il ne saurait vivre. C'est pourquoi, nous dirons qu'un chrétien lit la Bible chaque jour et écoute la Parole de Dieu chaque fois qu'elle est prêchée dans sa paroisse. Pour être plus exact : chaque fois qu'il en a la possibilité. De même, il va communier chaque fois que la Cène est administrée dans sa communauté et qu'il en a la possibilité.

Il appartient au pasteur et à la paroisse tout entière de veiller à ce que la Table du Seigneur soit régulièrement et souvent dressée. Là aussi, il convient d'être prudent, quand on avance des chiffres. La Bible dit des premiers chrétiens : "Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières" (Actes 2 : 42). "Le premier jour de la semaine, les disciples étaient réunis pour rompre le pain" (Actes 20 : 7). L'eucharistie jouait un rôle primordial dans la chrétienté primitive; elle était, avec la prédication de l'Evangile, au centre du culte. C'est pourquoi il est permis d'estimer que la communion mensuelle (une fois par mois) et les jours de fête devrait constituer un minimum. Mais le légalisme n'a pas sa place dans l'Eglise chrétienne, par même et surtout pas dans un sacrement où tout n'est que grâce.

Une prière que nous trouvons dans l'oeuvre du théologien luthérien David Hollaz (1648-1713) nous servira de conclusion. Elle nous semble résumer en une belle formulation les multiples et merveilleux aspects de la Sainte Cène que nous avons tenté d'exposer dans cette étude :

"Seigneur, je suis indigne. Veuille, je t'en supplie, chaque fois que je me présente à ta Table, me rendre digne, par ta grâce. Je suis impur; daigne me purifier. Je suis nu; revêts-moi de ta justice. Ainsi, ton corps, rempli de puissance divine, et ton sang, qui m'est si précieux, ne me seront pas donnés pour mon jugement ou mon châtiment, mais je les recevrai en commémoration de la mort que tu as subie pour moi, pour l'affermissement de ma foi, comme gages du pardon de mes péchés, comme un lien qui m'unit étroitement à toi, pour grandir dans la sanctification, comme la racine d'une résurrection bienheureuse et les arrhes de la vie éternelle".

"Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de l'Agneau!" (Apocalypse 19 : 9). Heureux ceux à qui le Seigneur, le Roi des rois dira un jour : "Vous êtes ceux qui ont persévéré avec moi dans mes épreuves. C'est pourquoi, je dispose du Royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur, afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon Royaume" (Luc 22 : 28-30). Jésus dresse aux siens une table glorieuse dans le ciel. Tant que son peuple vit sur la terre, il doit lutter sous sa bannière divine contre le péché et Satan. Le combat est dur. Aussi, Jésus invite-t-il les siens à un repas de grâce, où ils trouvent du répit et recouvrent leurs forces, avant de repartir pour de nouveaux assauts. Mais que de joies les attendent, quand ils remporteront la victoire! Que de joies à la Table de l'Agneau, au festin de la gloire, pour tous ceux qui auront vaincu en son nom! Puisses-tu être des leurs, toi qui lis ces lignes!

 


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28-octobre-2001, Rev. David Milette.