COMMENTAIRE SUR L'APOCALYPSE DE JEAN, par Dr. Wilbert Kreiss - index  COMMENTAIRE SUR L'APOCALYPSE DE JEAN, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

Quatrième vision: LE CHRIST ET L'ANTITRINITÉ (LE DRAGON, L'ANTICHRIST ET LE FAUX-PROPH TE) (chapitres 12:1-14:20)

Dieu fait faire à l'auteur de l'Apocalypse un énorme pas en arrière. Il l'arrache à la vision glorieuse du jugement et du salut final et le reporte en arrière dans le temps de l'Eglise qui est aussi celui de l'Antichrist, trois temps et demi, fraction de sept, le chiffre divin. Le voilà donc replongé dans l'histoire présente de l'Eglise et du monde, avec ses combats et ses tribulations. C'est la quatrième des sept visions de l'Apocalypse, celle du Christ et de l'Antichrist qui symbolise les puissances des ténèbres, le tableau saisissant d'un conflit terrible que les chrétiens, éclairés par la Parole de Dieu, sont seuls à percevoir, celui qui oppose Dieu ou le Christ à l'être malfaisant qui ne cesse de le singer, Satan, et donc le Royaume de Dieu au royaume du prince des ténèbres et de ses émissaires.

 

La femme, l'enfant mâle et le dragon :


Un grand signe parut dans le ciel: une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l'enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu'elle aurait enfanté. Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s'enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu'elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours (Apocalypse 12:1-6).

Un grand signe parut dans le ciel : une femme...

«Un grand signe»... Dans l'Evangile de Jean, les miracles accomplis par Jésus sont appelés des signes. Ils «signifient», montrent du doigt, démontrent que Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu devenu homme, est investi d'une mission divine. Ils indiquent qu'en lui le Royaume de Dieu est venu. Le grand signe que le visionnaire Jean voit dans le ciel est la représentation d'une réalité de la fin des temps. Il aperçoit une femme. Elle lui apparaît dans le ciel car il s'agit d'une vision que lui accorde Dieu, mais l'histoire que vit cette femme est on ne peut plus terrestre. Ses souffrances et son combat ont lieu ici-bas. Le jour en effet où elle sera élevée au ciel, personne n'aura plus aucun pouvoir sur elle. Elle aura remporté la victoire finale. Elle est enveloppée du soleil et a la lune sous les pieds, signes de la gloire que le Seigneur lui accorde et en même temps de la mission universelle qui lui est confiée. Mais il serait sans doute tout aussi juste de dire que le soleil symbolise la lumière de la vérité divine dont l'Eglise est parée, dans laquelle elle marche et qu'elle irradie autour d'elle, et que l'astre de la nuit qu'elle tient sous les pieds rappelle qu'elle a vaincu les ténèbres spirituelles de l'incrédulité, du péché et de la mort.

La femme porte sur la tête une couronne de douze étoiles. Douze est le chiffre de l'Eglise. Elle est donc l'image du peuple de Dieu, tout d'abord de celui de l'ancienne alliance avec ses douze tribus, puis de celui de l'alliance nouvelle avec ses douze apôtres (Esaïe 66:6-10), notre «mère», comme l'appelait l'apôtre Paul, la femme qui pleurait sur sa stérilité et que Dieu a rendue féconde, qui donne naissance à de nombreux enfants (Galates 4:26.27; 6:26). L'Eglise est décrite dans toute sa beauté céleste. Jean l'oppose peut-être à cette autre femme vénérée dans le monde de son époque, la déesse Artémis ou Diane aux seins multiples, qui était réputée rendre les femmes fécondes et présider à la naissance des humains. Il est certain, par contre, qu'il l'oppose à une autre femme de mauvaise réputation, Babylone la prostituée, assise sur l'une des deux bêtes qui sont les agents de Satan (Apocalypse 17:3-6).

Elle était enceinte et elle criait :

L'éclat et la splendeur de cette femme contrastent avec sa situation présente : elle souffre et pousse des cris, car elle va enfanter. Elle va mettre un enfant au monde, l'Enfant-Messie. Dieu avait promis à Abraham que toutes les nations de la terre seraient un jour bénies en sa postérité (Genèse 22:18), et Jésus déclara un jour que le salut venait des juifs (Jean 4:22). C'était la mission du peuple d'Israël de donner naissance à celui qui allait être à la fois son Messie et le Sauveur du monde, et c'est la mission de l'Eglise chrétienne de l'enfanter chaque jour, au prix de bien des souffrances et au milieu de nombreux dangers, en le présentant et l'offrant au monde comme son Sauveur. C'est donc, après l'enfantement de Noël, l'enfantement permanent qui a lieu par l'évangélisation du monde. L'heure tant attendue de la délivrance approche. La femme se réjouit d'être bientôt soulagée et de pouvoir serrer son enfant dans les bras. Hélas, un grave danger le guette.

Un grand dragon rouge feu se tint devant la femme :

Il s'agit du «serpent ancien, appelé le diable et Satan» (V.9). Ce dragon porte dans l'Ancien Testament divers Le texte fait sans doute allusion à un serpent ou dragon mythologique du Moyen-Orient ancien dont on a trouvé aussi des traces dans la littérature ougarite et qu'évoquent certains textes de l'Ancien Testament (Job 3:8; 40:20-41:26, où le mot Léviathan est rendu par «crocodile»). C'est ainsi que le Psaume 74 qui célèbre les actes tout-puissants et les victoires de Dieu, affirme de lui : «Tu as écrasé la tête du crocodile*, tu l'as donné pour nourriture au peuple du désert» (Psaume 74:14 : * traduction de Segond. En hébreu : Léviathan). L'Egypte est assimilée à un monstre marin abattu par le Seigneur au moment de l'Exode : «N'est-ce pas toi qui abattis l'Egypte, qui transperças le monstre? N'est-ce pas toi qui mis à sec la mer, les eaux du grand abîme, qui frayas dans les profondeurs de la mer un chemin pour le passage des rachetés?» (Esaïe 51:9.10). Le prophète Ezéchiel compare lui aussi le pharaon d'Egypte à un dragon terrassé par Dieu (Ezéchiel 32). Or dans l'Apocalypse, le pharaon et l'Egypte symbolisent la puissance qui opprime et persécute le peuple de Dieu.

Dans un autre texte, le prophète Esaïe parle de l'écrasement du Léviathan au futur. Il semble bien, cette fois-ci, que ce soit une prédiction des la destruction de Babylone, ce qui ne manque pas d'intérêt quand on songe au texte de l'Apocalypse : «En ce jour, l'Eternel frappera de sa dure, grande et forte épée le Léviathan, serpent fuyard, le Léviathan, serpent tortueux, et il tuera le monstre qui est dans la mer» (Esaïe 27:1). Babylone qui a conquis et dévasté Jérusalem et déporté ses habitants, représentait elle aussi dans le message des prophètes d'Israël les puissances du mal qui s'en prennent à Dieu et à son peuple. Et comme cette puissance est au service de Satan, le Léviathan ou le dragon désigne tout naturellement le diable. Il est rouge comme le sang, rouge comme les mains d'un assassin. C'est l'assassin par excellence et le père du mensonge (Jean 8:44), l'ennemi invétéré du Christ venu apporter au monde la grâce et la vérité. Il a toutes les apparences de ce Christ qu'il ne cesse de singer. Sept têtes et dix cornes, les deux nombres divins, symboles de la plénitude et de la perfection de Dieu. Satan se déguise en ange de lumière, et ses émissaires en apôtres du Christ (2 Corinthiens 11:13.14).

Sa puissance est symbolisée par ses dix cornes et les diadèmes qu'il porte sur ses sept têtes. Il est, comme le dit Jésus, le prince de ce monde (Jean 14:30). Avec ses sept têtes, il a un Q.I. multiplié par sept. Il a du génie; il est plein de ressources et d'idées. En un mot, il est la quintessence du mal, puissant, persistant, dangereux. La représentation de cet animal aux têtes et aux cornes multiples provient de l'ancien Testament. Cf. par exemple le terrible animal aux dix cornes de Daniel 7:7.8 et l'apparition du Christ sous les traits d'un agneau à sept cornes (Apocalypse 5:6). Satan veut qu'on se méprenne à son sujet, qu'on le prenne pour le Christ alors qu'en réalité on a affaire à lui. Il veut qu'on le prenne pour le Sauveur du monde et que, assoiffé de salut, on tombe dans ses griffes. Il est le loup déguisé en grand-mère du petit Chaperon rouge.

Sa queue entraînait le tiers des étoiles :

Tel un crocodile affamé (Ezéchiel 29:3-5), le dragon donna un violent coup de queue et arracha du ciel un tiers des étoiles. Satan a détourné de Dieu d'innombrables anges assimilés à des étoiles, que Dieu avait créés saints et justes. Il les a entraînés dans sa révolte contre le Seigneur et se sert d'eux pour accomplir ses ravages sur la terre, parmi les hommes. Les anges déchus que la vision appelle les anges du dragon (V.7) constituent avec lui les dominations, les autorités et les puissances que le Christ est venu combattre et vaincre et contre lesquelles les croyants doivent lutter chaque jour (Ephésiens 6:11- 16).

... afin de dévorer l'enfant :

Ce qui intéresse avant tout le dragon, c'est la femme et surtout l'enfant auquel elle va donner naissance. Sa haine pour l'enfant est aussi vieille que le monde. Il y a inimitié entre lui et la postérité de la femme (Genèse 3:15). Pharaon, le dragon d'Egypte, veut faire mourir les enfants des Hébreux dont Moïse, le serviteur de Dieu (Exode 1:15-2:10). Plus tard, il se servit d'Hérode pour tenter de faire mourir l'enfant Jésus. Il n'y parvint pas, mais de nombreux enfants de Bethléhem et environs durent mourir à cause de lui. Et combien de centaines de milliers de foetus ne parvient-il pas à faire mourir chaque année dans le monde? Sans parler des innombrables enfants opprimés, battus, violés, réduits à l'esclavage, qui mènent une existence sans joie ni espoir. Il a pris position devant la femme et épie l'enfant auquel elle va donner naissance et qui doit «paître les nations avec une verge de fer». C'est une citation presque textuelle du Psaume 2 qui annonce la venue et le règne du Messie. Il paîtra les nations comme un berger paît son troupeau, mais le fera avec une verge de fer, symbole du puissant Evangile par lequel il exercera son règne.

Le dragon n'a qu'une hâte, c'est de dévorer l'Enfant sauveur. Il ne faut pas que le Messie puisse accomplir sa mission, racheter les hommes, puis les appeler au salut par son Evangile. Le dragon est donc prêt à bondir. Mais Dieu veille sur son Fils. Il le fait fuir en Egypte quand il est jeune enfant, pour qu'il échappe à l'assassin Hérode. Il le fortifie à l'heure de la tentation dans le désert et à Gethsémané. Il l'enlève auprès de lui et l'élève sur son trône. Dieu protège celui qu'il a envoyé sauver le monde jusqu'à ce qu'il ait accompli sa mission, puis il le reçoit dans sa gloire. C'est ce qui fit dire à Jésus, dans son discours d'adieu aux disciples : «Je vais au Père» (Jean 16:10). L'enfant divin que le dragon exècre est un défi lancé à toutes les puissances et dominations, à tous les chefs et pharaons, à tous les Hérodes et Césars de ce monde. Il est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs (Apocalypse 19:16), et c'est la raison pour laquelle le dragon le hait. Le Christ élevé à la droite de Dieu exerce une royauté éternelle. C'est bien la preuve que le dragon n'a pas su le dévorer quand il était enfant, ni plus tard. Il fut «enlevé vers Dieu et vers son trône».

Jésus est représenté de deux façons dans l'Apocalypse, et les chrétiens font bien d'y prêter attention: comme un agneau immolé et comme un enfant nouveau-né. La théologie chrétienne est une théologie de la croix et non de la gloire. Elle nous oblige à revoir nos conceptions du pouvoir, de la domination et de la gloire. «Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages. Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes. Et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant Dieu» (1 Corinthiens 1:27-29).

La femme s'enfuit dans le désert... mille deux cent soixante jours :

Le Christ est au ciel. Il a accompli sa mission, racheté les hommes, c'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et couronné de gloire et de majesté. L'Eglise, par contre, est encore sur terre, dans un désert où le Seigneur lui a préparé une place, un lieu aride et inhospitalier, semblable à celui qu'Israël dut traverser avant de parvenir dans le pays qui lui avait été promis. L'Eglise chrétienne connaît comme Israël bien des épreuves, mais Dieu est avec elle. C'est lui qui lui a préparé une place dans le désert. C'est dans le désert que voulait se rendre Israël pour adorer son Dieu (Exode 5:1-3). C'est dans le désert que le Seigneur conduisit son peuple dans une nuée et une colonne de feu. C'est là qu'il le nourrit avec de la manne, après qu'il l'eut délivré des griffes du dragon, l'Egypte. Israël était dans le désert la fiancée bien-aimée de Dieu (Jérémie 2:2). Le désert où Dieu protège la femme qui vient d'accoucher est opposé dans l'Apocalypse à la grande cité où règne Jézabel, à Babylone la grande prostituée qui séduit ses amants. Le désert est l'endroit où Dieu fait vivre son peuple. Combien de temps? 1260 jours, soit les quarante-deux mois impartis aux deux témoins pour qu'ils prêchent la Parole de Dieu à ce monde (Apocalypse 11:2.3), le temps de l'Eglise qui est aussi celui de Satan et de l'Antichrist, le temps où le temple de Dieu est foulé aux pieds (Apocalypse 11:1-15), un temps d'épreuves et d'afflictions que Dieu abrège par égard pour ses élus (Matthieu 24:22). Personne ne peut arracher ses brebis de la main de Jésus (Jean 10:28). Le royaume céleste leur est promis, mais c'est au prix de ces tribulations et de ce combat.

Les millénialistes voient dans cette femme, à la fois chassée et protégée dans le désert, l'image du peuple d'Israël que Dieu préserve pendant le temps de la tribulation parce qu'il a encore pour lui un plan particulier : il veut le sauver en masse quand son temps sera venu. Si cette interprétation était correcte, la femme ne représenterait Israël qu'en tant que peuple de Dieu chargé d'une mission et fidèle à son devoir, en faisant abstraction de toutes ses infidélités. Mais elle est contestable. Avant que le Fils de Dieu ne s'incarne, Dieu n'avait pas d'autre peuple qu'Israël. Mais depuis qu'il a racheté le monde et que son Evangile est prêché à tous les hommes, Israël est constitué des juifs et des païens qui se convertissent à lui et qui deviennent ainsi enfants de Dieu. Cette vision de l'Apocalypse ne fait pas un retour dans le passé pour nous présenter l'Israël de l'ancienne alliance, mais décrit le peuple de Dieu dans le présent et dans l'avenir. «Le salut vient des juifs», dit Jésus (Jean 22). Si l'Israël de l'ancienne alliance a donné un Sauveur au monde, l'Eglise de l'alliance nouvelle enfante ce même Sauveur et l'offre au monde dans la prédication de l'Evangile. C'est pourquoi la communauté messianique est appelée la mère des peuples (Esaïe 54:1; Galates 4:26).

N'oublions pas que l'Enfant-Messie doit paître les nations. Dieu n'a pas d'autre plan pour Israël que celui qu'il a conçu pour tous les hommes du monde. Le salut qu'il offre aux juifs est le même que celui qu'il propose aux païens, et juifs et païens l'obtiennent de la même façon, par la repentance et la foi. Aussi la femme qui doit se réfugier dans le désert pour échapper au dragon est-elle le peuple de Dieu, de quelque origine que soient ses membres. L'Eglise chrétienne dans laquelle il n'y a plus ni juifs ni païens (Galates 3:28) est à la fois en souffrances et en danger, et protégée par Dieu. Elle lui appartient comme la mariée appartient à son époux.

 

L'archange Michel :


Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j'entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant le salut est arrivé, et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l'autorité de son Christ; car il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'agneau et à cause de la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort. C'est pourquoi réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux. Malheur à la terre et à la mer! car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il a peu de temps (Apocalypse 12:7-12).

L'archange Michel, aidé de ses anges, fait la guerre à Satan et aux cohortes des anges déchus. Un combat farouche a lieu dont l'Eglise sort victorieuse. Le grand message de cette vision est que Satan est un prince vaincu. Il est déchu de son rôle d'accusateur et n'a plus aucun pouvoir sur le peuple de Dieu. Il déchaîne sa colère et se démène tant qu'il peut; il parvient à malmener l'Eglise et à la faire souffrir, mais l'issue est certaine, la victoire du peuple de Dieu est inéluctable. En fait, Satan est déjà vaincu. Jésus a triomphé de lui. Si les anges lui font la guerre, c'est pour le chasser du ciel (Luc 10:18; Ephésiens 1:21; Colossiens 2:15; 1 Jean 3:8).

Michel et ses anges combattirent contre le dragon :

Jean assiste à un grand combat. Il le voit se dérouler dans le ciel, car il s'agit encore une fois d'une vision que Dieu lui accorde pour qu'il la consigne par écrit. La lutte oppose deux armées d'anges dont l'une est commandée par Michel et l'autre par le dragon. Michel, à qui Jude 9 donne le titre d'archange, est mentionné plusieurs fois chez le prophète Daniel comme un grand chef qui aide et délivre le peuple de Dieu (Daniel 10:13.21; 12:1).

Jésus qui utilise des hommes pour étendre son règne dans le monde et bâtir son Eglise, sait aussi se servir des anges pour protéger les siens et empêcher Satan de les accuser devant le trône de Dieu. Les anges sont étroitement associés à son oeuvre de salut. Nous les voyons actifs au moment de son incarnation et de sa naissance. Ils sont à son service quand Satan l'a tenté dans le désert. Il pourrait, s'il le voulait, en mobiliser une armée entière à Gethsémané pour le délivrer de la main de ceux qui sont venus l'arrêter. Ils sont là, le matin de Pâques et le jour de son ascension. Enfin, ils sont pratiquement omniprésents dans l'Apocalypse, chantant les louanges de Dieu et exécutant ses ordres. Jésus-Christ et lui seul a vaincu le diable. «Le Fils de Dieu a paru afin de détruire les oeuvres du diable» (1 Jean 3:8). Il «a dépouillé les dominations et les autorités et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d'elles par la croix» (Colossiens 2:15). «Puisque les enfants participent au sang et à la chair, il y a également participé lui-même, afin que, par la mort, il rende impuissant celui qui avait la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable» (Hébreux 2:14). Satan en réalité est vaincu depuis longtemps, depuis bientôt 2000 ans, depuis cet instant horrible et béni à la fois où le Fils de Dieu a expiré sur la croix. Il n'en continue pas moins de séduire, de tenter et de tourmenter les hommes. La vision accordée à Jean ne parle pas de la victoire que le Christ a remportée sur lui, mais du combat que Michel et les anges lui livrent pour l'empêcher d'accuser les élus de Dieu et le chasser du ciel où il n'a plus sa place.

Il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien appelé le diable et Satan... Il a été précipité, l'accusateur de nos frères :

Le dragon décrit dans la vision est bien Satan, celui qui, prenant la forme d'un serpent, séduisit Adam et Eve et fit entrer le péché dans le monde. Il s'appelle le diable, ce qui signifie «celui qui met tout sens dessus dessous», «celui qui sème la discorde», et Satan, ce qui veut dire l'«adversaire». Satan n'a plus aucun pouvoir sur ceux qui l'ont vaincu et qui habitent dans le ciel (V.12), pas plus du reste qu'il n'en a sur les croyants qui vivent encore sur la terre, dans la mesure où ils sont justifiés par le sang du Christ. Jésus dit de lui qu'il est le père du mensonge (Jean 8:44). Il a menti à Adam et Eve pour les faire sombrer dans le péché, et ne cesse de mentir aux hommes pour les détourner de la vérité. Dès qu'il y est parvenu, il cherche à les accuser devant le trône de Dieu. Mais Michel et ses anges sont là pour le chasser chaque fois qu'il se présente devant le Seigneur pour accuser les croyants, comme il le fit jadis avec Job. Ils lui rappellent qu'il n'a plus sa place dans le ciel et qu'il n'a plus aucun pouvoir pour accuser et condamner les croyants.

En effet, ceux qui sont dans le ciel ont définitivement vaincu le péché. Plus rien ne peut les souiller et les séparer de Dieu. Même les croyants qui mènent encore sur terre le combat de la foi ne peuvent pas succomber à ses accusations, car le Christ est là qui les purifie et les justifie par son sang (Romains 8:32-34). Il n'y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (Romains 8:1). Quand ils pèchent encore par faiblesse - et ils le font tous les jours -, ils ont un avocat, un médiateur auprès du Père, Jésus-Christ, la victime qui a expié leurs péchés (1 Jean 2:1.2). Du fait que nous avons un Sauveur qui a enduré le châtiment que nous avons mérité par nos fautes et satisfait à la justice divine, les accusations de Satan sont sans effet. Satan se démène en vain, car il n'est plus habilité à prononcer un réquisitoire contre les croyants. Il est chassé du tribunal divin. C'est ce qu'affirme notre texte quand il déclare qu'il a été précipité sur terre.

Nous allons mentionner encore une autre interprétation de ce texte, celle qui voit dans cette vision une représentation imagée de ce qui s'est passé au moment même où Jésus-Christ était sur terre. Selon elle, l'oeuvre de la rédemption accomplie sur la croix de Golgotha est représentée comme une guerre que le Christ et ses anges auraient livrée au dragon dans le ciel. Satan a été vaincu et chassé du ciel au moment où le Sauveur du monde l'a vaincu sur la croix. C'est là que la postérité de la femme lui a écrasé la tête (Genèse 3:15), que le Fils de l'homme a détruit les oeuvres du diable (1 Jean 3:8). Cette interprétation a l'avantage d'attribuer la victoire sur Satan non pas à un ange ou archange, mais, conformément à tout l'enseignement de la Bible, au Christ lui-même. Jésus ne s'est-il pas lui présenté comme celui qui pénètre dans le royaume de Satan et le dépouille de ses biens (Matthieu 12:29; Luc 11:22), qui l'a chassé du ciel par son pouvoir (Luc 10:17.18), qui l'a vaincu et terrassé (Hébreux 2:14; Colossiens 2:15; 1 Corinthiens 15:24)?

L'archange Michel n'est alors qu'une représentation du Christ, ce qui est tout à fait plausible. Il est arrivé plusieurs fois à Jean de comparer Jésus-Christ à un ange (Apocalypse 7:2; 8:3; 10:12-3). Qu'on songe aussi à l'ange de l'Eternel dans certains récits de l'Ancien Testament où il est tout à fait clair qu'il ne s'agit pas d'une créature angélique, mais d'une être revêtu de puissance divine et s'identifiant à Dieu lui-même (Genèse 16:7.10; 18:10.13.14.33; 22:11.12.15.16; Exode 3:2.4). Daniel 10:5.6 présente lui aussi un «ange» qui est beaucoup plus qu'un ange, qui possède tous les attributs de Dieu. Pour ces différentes raisons, nous accorderons notre préférence à cette deuxième interprétation. Dès lors, le combat décrit ici ne sont pas les vains efforts faits par Satan pour accuser les chrétiens devant le trône de Dieu, efforts qui se soldent par un échec, car ils ne peut plus accuser et condamner ceux qui croient en Christ, mais c'est une représentation céleste, en langage imagé, de la guerre que le Christ a livrée personnellement à Satan quand il était sur terre et qu'il l'a affronté et vaincu dans l'agonie de Golgotha. C'est là que« le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan... fut précipité sur terre» et à jamais vaincu. Ainsi, les versets 7 à 9 de ce chapitre nous renvoient quelques versets en arrière, au moment où le dragon se tenait devant la femme enceinte et épiait, pour le dévorer, l'enfant qui allait sortir de son sein. C'est au moment où il est sorti et venu dans ce monde, durant les trois années que dura son ministère terrestre et surtout durant la Semaine sainte avec son Gethsémané et son Golgotha, que l'Enfant divin, la postérité de la femme, a écrasé la tête du serpent.

J'entendis dans le ciel une voix forte qui disait : Maintenant le salut est arrivé... :

C'est de nouveau un acte liturgique. Une voix non identifiée entonne un cantique qui interprète la victoire annoncée dans les versets précédents. Est-ce la voix d'un ange ou celle de tous les anges et de tous les élus qui se tiennent devant le trône céleste? Dieu et son Christ règnent. Satan, au contraire, a été précipité. il a été vaincu dans l'agonie infernale du Christ à Golgotha. Depuis, il n'a plus aucun pouvoir pour accuser les «frères» et obtenir leur condamnation. Ces «frères» sur qui il n'a plus aucune prise sont, par opposition aux élus dans le ciel, les croyants qui luttent encore sur terre, l'Eglise militante. Celui qui cherche par tous les moyens à nuire aux croyants qui luttent sur terre, avec l'espoir de les détourner de Dieu et de son salut, n'a plus sa place dans le ciel. Sa domination et son pouvoir d'accuser ont pris fin quand le Christ est mort et ressuscité pour le salut du monde, lorsqu'il a vaincu le péché et acquis une robe d'innocence et de justice dont il revêt tous ceux qui, sur terre, fléchissent les genoux devant leur Sauveur et implorent sa grâce et son pardon.

Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'Agneau :

L'impuissance et la défaite de Satan sont célébrées dans le ciel. Une voix forte annonce que le salut, la puissance, le règne et l'autorité appartiennent à Dieu et à son Christ. Il existe des hommes sur qui le diable n'a absolument plus aucun pouvoir et d'autres que, malgré sa défaite, il s'efforce de tourmenter sachant qu'il n'a plus que peu de temps. Ceux qui l'ont totalement et définitivement vaincu - et le texte précise «vaincu à cause du sang de l'Agneau» -, ce sont les martyrs qui ont persévéré jusqu'au bout, au point qu'ils n'ont pas reculé devant la mort, sachant quelle serait le prix de leur fidélité et le moyen de remporter leur victoire. Et par-delà les martyrs, il y a tous ceux qui ont été fidèles à leur Dieu jusqu'à la mort, qui ont retenu ce qu'ils avaient et à qui personne n'a pu ravir leur couronne. Celui qui confesse Jésus devant les hommes, Jésus le confessera devant son Père céleste et obtiendra son acquittement et sa délivrance finale (Matthieu 10:32). La victoire et le salut éternel sont certes la récompense de la fidélité, voilà pourquoi il y a de la joie dans le ciel pour tout pécheur qui entend l'Evangile et se repent (Luc 15:23.24). Quand les disciples rentrèrent d'une mission que le Christ leur avait confiée, annonçant les victoires qu'ils avaient remportées sur les démons, il leur dit: «Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair» et ajouta: «Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez- vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux» (Luc 10:18.20). Et la voix céleste est là pour nous rappeler que le salut et la victoire nous ont été acquis par le sang du Christ, qu'ils sont les fruits de la rédemption opérée à Golgotha.

Malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu vers vous..., sachant qu'il n'a que peu de temps :

La voix céleste qui a annoncé la défaite de Satan et exhorté les élus à se réjouir, prévient les habitants de la terre que le diable va leur livrer un baroud d'honneur, un combat d'arrière-garde. C'est l'ultime vengeance de celui qui a été vaincu. S'il ne peut plus accuser et condamner les enfants de Dieu qui vivent encore sur terre, il peut au moins essayer de les tenter et ne s'en prive pas. Il fait tout pour les détourner de la vérité, pour qu'ils délaissent le chemin étroit qui mène à la vie et qu'ils empruntent la voie large qui conduit à la perdition. Il fait tout aussi pour aveugler et égarer les hommes et fermer leur coeur au message de la Parole de Dieu, les empêchant de se convertir. Il a pour cela bien des cordes à son arc et rôde comme un lion rugissant cherchant qui il dévorera (1 Pierre 5:8). C'est ce qu'enseigne la suite du texte.

Satan sait qu'il n'a que peu de temps. En cela, son règne est fondamentalement différent de celui de Dieu. Dieu règne d'éternité en éternité. Il est «indétrônable». Satan, lui, est déjà détrôné. Son règne n'est qu'un simulacre de règne, et de plus, il ne dure pas longtemps.

 

Le dragon s'en prend à la femme, mais Dieu protège son peuple :


Quand le dragon vit qu'il avait été précipité sur la terre, il poursuivit la femme qui avait enfanté l'enfant mâle. Et les deux ailes du grand aigle furent données à la femme, afin qu'elle s'envolât au désert, vers son lieu, où elle est nourrie un temps, des temps, et la moitié d'un temps, loin de la face du serpent. Et, de sa bouche, le serpent lança de l'eau comme un fleuve derrière la femme, afin de l'entraîner par le fleuve. Et la terre secourut la femme, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve que le dragon avait lancé de sa bouche. Et le dragon fut irrité contre la femme, et il s'en alla faire la guerre aux restes de sa postérité, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. Et il se tint sur le sable de la mer (Apocalypse 12:13-18).

Il existe un schéma qui revient assez souvent dans l'Apocalypse : la description d'un combat est suivie d'un acte cultuel ou d'une scène liturgique dans le ciel, laquelle est à nouveau suivie du récit d'un combat. Les versets 1-9 décrivaient un combat. Les versets 10-12 nous ont fait entendre une voix célébrant la victoire de Dieu et la défaite de Satan. Les versets 13 à 18 représentent à nouveau un combat. Le dragon n'a pas pu vaincre l'«enfant mâle», le Christ qui, fidèle à sa mission, l'a terrassé et précipité du ciel en rachetant le monde. Aussi se tourne-t-il vers la femme, l'Eglise de Dieu, pour la persécuter. Mais elle s'enfuit, comme Marie et Joseph prirent la fuite avec l'enfant Jésus et se réfugièrent en Egypte pour échapper à Hérode. L'Eglise, elle, s'enfuit dans le désert, en un endroit que Dieu lui avait préparé. Dieu en effet a une place pour son peuple, alors qu'il n'en a pas pour Satan et ses anges (Apocalypse 12:8). Il prend soin de son peuple. A tel point que son Eglise ne s'enfuit pas dans le désert, mais c'est Dieu qui lui donne des ailes pour l'emporter dans son lieu de refuge.

Le désert du Sinaï fut le salut d'Israël, et pour l'y emmener, Dieu sépara les eaux de la Mer Rouge. Pour emmener son Eglise dans un désert qui sera pour elle un refuge, il lui donne les ailes d'un aigle. L'image provient de l'Ancien Testament. Dieu avait fait dire à Israël par le prophète Moïse : «Vous avez vu ce que j'ai fait à l'Egypte et comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle et amenés vers moi» (Exode 19:4; Deutéronome 32:11; Esaïe 40:13). Il fait dire à son Eglise, par l'apôtre Jean, qu'il lui donne des ailes pour fuir dans le désert, loin de Satan. L'image est la même. Dieu est un Dieu de l'Exode, un Dieu des délivrances qui vient au secours de son peuple. Il est comparé à un aigle qui porte son peuple sur ses ailes. Rien de plus puissant que le vol d'un aigle! Mais on sait aussi comment les aigles s'y prennent pour apprendre à leurs petits à voler. Ils les incitent à quitter le nid et se placent au-dessous d'eux pour les rattraper au vol au cas où leurs jeunes ailes n'arriveraient pas à les porter. L'image évoque donc la puissance, mais aussi la bonté et la prévenance de Dieu pour son peuple. Il n'abandonne pas les siens à l'heure du danger. Ils peuvent compter sur lui comme les aiglons sur leurs parents.

Il poursuivit la femme... Le serpent lança de l'eau... La terre secourut la femme :

Satan a de nombreuses tactiques; il est un fin stratège qui sait recourir tour à tour à la séduction, au mensonge, à l'attrait du péché ou encore à la violence et à la persécution. L'accent est mis sur la violence et la persécution, les expressions les plus évidentes de sa colère. Le dragon, précipité du ciel, poursuivit la femme. Deux images saisissantes illustrent la protection que Dieu lui accorde. Tout d'abord celle d'un aigle qui la transporte dans un désert qui constitue pour elle un refuge où elle est à l'abri du diable. Nous l'avions déjà rencontrée au début de ce chapitre. Avec une différence cependant : la première fois, la femme avait été représentée comme s'enfuyant dans le désert (V.6). Cette fois-ci, c'est un puissant aigle qui l'y transporte. Trois choses caractérisent la situation de l'Eglise dans ce monde: la victoire lui est assurée grâce au sang de l'Agneau, Satan lui manifeste toute sa colère et lui livre un combat acharné, mais Dieu veille sur elle et fait ce qu'il faut pour la protéger et l'arracher à ses griffes.

Le serpent lança de l'eau comme un fleuve :

La deuxième image est tout aussi saisissante : le dragon crache de l'eau. Un véritable fleuve sort de sa gueule, chargé de noyer la femme. Satan veut noyer l'Eglise de Dieu dans un fleuve de mensonges et de séductions (Apocalypse 2:2.6.13.14.20; 13:11-17; 16:13). C'est une parodie de l'Exode, de la façon dont Dieu noya dans la Mer Rouge le dragon d'Egypte et son armée (Exode 14:27.28; 15:1.4-10). Le fleuve de mensonges et de séductions ne parvient pas à noyer le peuple de Dieu. Moïse avait décrit en ces termes le jugement qui frappa l'armée de pharaon : «Tu as étendu ta droite ; la terre les a engloutis» (Exode 15:12). Le miracle se renouvelle dans cette vision de l'Apocalypse. La terre semble être le domaine, le royaume de Satan. Il n'en est rien. Elle appartient à Dieu qui en est le Maître (Psaume 24:1; 50:12; Apocalypse 11:15). La terre est une créature de Dieu qu'il met au service de son peuple. Aussi absorbe-t-elle l'eau dans laquelle le dragon voulait engloutir la femme. Celle-ci ne périra pas noyée, aucun mal ne sera fait au peuple de Dieu. Certes, l'Eglise aura à souffrir, mais comme l'a promis le Christ, les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle (Matthieu 16:18). Dieu s'est lié à elle comme un jeune marié à son épouse.

Combien de temps dureront la mise à l'épreuve de l'Eglise et l'intervention miséricordieuse de Dieu? «Un temps, des temps et la moitié d'un temps», trois ans et demi, le temps assigné à ce monde déchu, en attendant la création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre et l'entrée de l'Eglise militante dans la gloire du ciel.

Le dragon... irrité... s'en alla faire la guerre au reste de sa postérité :

Ses échecs le font redoubler de rage. La constatation qu'il y a dans ce monde des hommes qui «gardent les commandements de Dieu et qui retiennent le témoignage de Jésus» lui est insupportable; il les hait comme il hait le Seigneur, et ne veut pas qu'ils soient sauvés. C'est pourquoi il fait tout ce qui est en son pouvoir pour leur tendre des pièges, les faire chuter et les éloigner du Christ et de son Evangile.

La plupart des commentateurs pensent que la phrase : «Et il se tint sur le sable de la mer» fait partie du tableau suivant qui fait entrer en scène deux bêtes dont l'une surgit de la mer et l'autre de la terre. C'est sans doute la raison pour laquelle le dragon, qui constitue avec ces deux bêtes la trinité diabolique occupée à singer la Trinité divine, se tient sur le sable de la mer, à l'endroit où la terre et de la mer se rencontrent.

 

La bête qui surgit de la mer :


Et il se tint sur le sable de la mer. Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis était semblable à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d'un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité. Et je vis l'une de ses têtes comme blessée à mort; mais sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l'admiration derrière la bête. Et ils adorèrent le dragon, parce qu'il avait donné l'autorité à la bête; ils adorèrent la bête, en disant: Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle? Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes; et il lui fut donné le pouvoir d'agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation.

Et tous les habitants de la terre l'adoreront, ceux dont le nom n'a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l'agneau qui a été immolé. Si quelqu'un a des oreilles, qu'il entende! Si quelqu'un mène en captivité, il ira en captivité; si quelqu'un tue par l'épée, il faut qu'il soit tué par l'épée. C'est ici la persévérance et la foi des saints (Apocalypse 13:1-10).

Satan est l'adversaire acharné de Dieu et en même temps son singe. Il est un véritable Anti-Dieu. Il a donc son Anti-Christ, quelqu'un en qui il incarne toute son opposition à Dieu. C'est la première bête du chapitre 13 que nous allons voir surgir de la mer. Et de même que le Saint-Esprit est chargé de rendre témoignage au Christ, il existe un Anti-Esprit satanique qui rend témoignage à l'Antichrist et oeuvre pour Satan. C'est la deuxième bête de ce chapitre, celle qui surgit de la terre. Ainsi, à la Trinité de Dieu s'oppose celle du diable.

Je vis monter de la mer une bête :

Toutes les bêtes de l'Apocalypse et d'autres textes bibliques du même genre sont des incarnations du mal. A l'exception, bien sûr, de l'Agneau de Dieu. Celle de notre texte surgit de la mer, des inquiétantes profondeurs abyssales, synonymes de ténèbres et de mort et sans doute symbole de ce monde obscur et voué à la mort (Apocalypse 11:7). Selon une légende judaïque de la création, qui fait appel à certains textes de la Bible, Dieu aurait créé au cinquième jour deux monstres, Léviathan et Behemoth (Psaume 74:13.14). Behemoth, le monstre mâle, était censé vivre dans le désert (Job 40:15-24), tandis que Léviathan, sa contrepartie femelle, était dite séjourner dans la mer (Job 41:1-11). Beaucoup de juifs de l'époque croyaient qu'après l'apparition du Messie, ces deux monstres surgiraient chacun de son élément.

La bête aperçue par Jean avait dix cornes et sept têtes, comme le dragon qu'elle incarne en quelque sorte ou aux ordres de qui elle est (Apocalypse 12:3). Elle exerce, comme Satan, une domination universelle. On aurait envie de dire qu'elle était consubstantielle au dragon comme le Christ l'est au Père. Tout cela n'est que singerie : la bête envoyée par Satan se veut une copie conforme du Christ, l'Envoyé de Dieu. Chose étrange, elle avait sept têtes, mais une seule bouche. Sur chaque corne elle portait un diadème et sur ses têtes étaient inscrits des blasphèmes. Sa silhouette était celle d'un léopard, ses pattes celles d'un ours et sa gueule ressemblait à celle d'un lion.

Le prophète Daniel avait un jour aperçu dans une vision un léopard, un ours et un lion, plus une bête redoutable à dix cornes (Daniel 7:1-8). L'analogie est évidente. La bête de l'Apocalypse réunit en elle les traits des quatre bêtes vues par Daniel. On voit apparaître dans le livre du prophète un lion, un ours et un léopard qui symbolisent les puissances mondiales hostiles au peuple de Dieu qui ont précédé l'empire romain, à savoir Babylone, la Perse et la Grèce. Puis apparaît un quatrième animal qui réunit les traits des trois premiers et ressemble à la fois à un lion, à un ours et à un léopard. C'est l'empire romain qui hérite de la voracité des Babyloniens, de la ténacité des Perses et de la rapidité des Grecs. L'allusion à ce que ces empires avaient de spécifique, notamment aux conquêtes foudroyantes et à l'extension rapide de l'empire d'Alexandre le Grand, est évidente.

C'est la raison pour laquelle les commentateurs sont presque unanimes à estimer que la bête de l'Apocalypse est identique à ce quatrième animal et qu'elle représente les puissances politiques de ce monde régies et manipulées par Satan, et plus spécialement, comme la bête à dix cornes de Daniel 7, l'empire romain qui succéda aux grandes puissances qui avaient précédemment régné sur ce monde. L'animal avec ses têtes, ses cornes et ses diadèmes multiples et les noms de blasphèmes inscrits sur ses têtes illustre bien la puissance de cet empire qui s'était assujetti le monde entier de l'époque. Mais il symbolise aussi ce que cet empire avait d'abominable aux yeux des chrétiens. Certains souverains de cet empire, dont Domitien qui régnait à la fin du I siècle, à l'époque où l'Apocalypse fut écrite, se considéraient comme l'incarnation des dieux et exigeaient qu'on leur voue un culte divin. C'était, après l'«abomination de la désolation» instaurée dans le temple de Jérusalem par Antiochus IV quand il y érigea une statue de Jupiter (!) et qu'il y fit sacrifier un cochon (!) (Daniel 12:11; Matthieu 24:15), une nouvelle forme d'abomination, un culte idolâtre et blasphématoire que les chrétiens ne pouvaient en aucune façon approuver et encore moins pratiquer. Leur refus de vénérer l'empereur à l'égal d'un dieu fut à l'origine des terribles persécutions qui s'abattirent sur eux. Symbole de l'empire romain avec son faux culte et sa haine de l'Evangile et des chrétiens, l'animal de notre texte illustre ainsi tout ce qui dans ce monde s'oppose à Dieu et à son règne.

Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité :

En cela aussi Satan imite Dieu. De même que le Père remit toute autorité à son Fils et l'établit sur toutes choses, le diable exerce son pouvoir en se servant d'une puissance qui incarne l'impiété, le mensonge, l'erreur et l'hostilité au Seigneur. Il faut que l'Eglise le sache : derrière toute puissance hostile à son Dieu et à son Evangile, et quel que soit son nom, se cache le dragon qui est le diable ou Satan. Il se livre dans ce monde une bataille qui oppose le prince des ténèbres à Dieu. Il n'y a pas de neutralité, on fait partie du royaume de l'un ou de l'autre. De même que Dieu exerce sa domination sur le monde par l'intermédiaire du Christ, de même Satan règne par l'Antichrist préfiguré tout d'abord par le souverain syrien Antiochus Epiphane IV qui profana le temple de Jérusalem et provoqua la révolte des Macchabées, puis par l'empire romain avec sa dissolution morale, ses revendications idolâtres et les persécutions qu'il mena contre les chrétiens.

Sa blessure mortelle fut guérie :

Jean fait peut-être allusion à une légende concernant l'empereur Néron qui avait exigé qu'on le vénère comme un dieu et persécuté les chrétiens de Rome. Le 8 juin 68, il mourut de façon mystérieuse, sans doute en se suicidant, mais très peu de gens virent son cadavre et assistèrent à ses funérailles. C'est pourquoi le bruit circula qu'il n'était pas réellement mort, mais qu'il s'était réfugié chez les Parthes, le grand ennemi de Rome, et qu'un jour il reviendrait à la tête d'une armée parthe et se vengerait de Rome qui l'avait haï et rejeté. Nous ne pouvons pas affirmer que Jean se soit souvenu de cette légende de Néron en faisant le portrait de la bête, mais ce qui est certain, c'est qu'elle se présente comme un duplicata du Christ, comme son «alter ego» qui demande à être adoré comme lui.

«Sa blessure mortelle fut guérie». C'est une nouvelle parodie du Christ. La bête a été blessée comme lui, mais sa blessure a guéri. Elle a survécu à sa blessure et vit (Apocalypse 13:14). De quoi s'agit-il? Le Christ a infligé un coup mortel à Satan, le prince de ce monde. La postérité de la femme a écrasé la tête du serpent (Genèse 3:15). Jésus détient les clés de la mort et du séjour des morts (Apocalypse 1:18). Les puissances infernales ont été effectivement vaincues. Cependant si Satan a été enchaîné, il n'a pas encore été jugé. Il a été précipité du ciel sur la terre (Apocalypse 12:9) et, quoique vaincu, il continue d'agir. De même la bête infernale, la puissance dont il se sert pour séduire les hommes, n'a été blessée qu'à l'une de ses sept têtes. Elle n'en est pas morte, mais a guéri de sa blessure. Cela signifie tout simplement que l'Antichrist relève toujours à nouveau la tête. Il est blessé à tout moment par le glaive de la vérité, mais il survit à ses multiples blessures.

Tout comme l'Agneau de Dieu immolé pour le salut du monde, la bête recrute elle aussi d'innombrables adorateurs venus du monde entier, tous les habitants de la terre dont le nom n'a pas été inscrit dans le livre de la vie. Sa royauté est dans son extension à l'image de celle du Christ. Les hommes lui rendent l'adoration, le culte, l'hommage qui sont dus à Dieu seul et à son Christ. Les puissances démoniaques se déchaînent, ce qui a pour résultat que les hommes adorent de faux dieux. Inversement, elles sont battues en brèche et vaincues chaque fois que des hommes se tournent vers Dieu et son Agneau.

Il lui fut donné... :

L'expression est utilisée quatre fois dans les versets 5 à 8. La bête a beaucoup reçu de son émissaire, le dragon. Mais Satan ment quand il se présente comme le propriétaire de l'univers et qu'il propose par exemple à Jésus de lui donner tous les royaumes de la terre à condition qu'il l'adore (Luc 4:6). Il ne peut rien donner, ou plutôt il ne peut donner que ce que Dieu lui permet de donner ou lui prête pour qu'il le donne. Satan est le chien que Dieu tient en laisse. La longueur de cette laisse et donc la liberté dont il dispose dépendent de la volonté souveraine du Seigneur. En un mot, Satan ou la bête qui agit en son nom ne peuvent faire que ce que Dieu leur permet de faire. Il n'y a aucune commune mesure entre la puissance de Satan et de la bête et l'autorité qu'exercent Dieu et son Christ. C'est Dieu qui donne à la bête une bouche, le pouvoir d'agir quarante-deux mois, celui de faire la guerre aux saints et l'autorité sur les nations.

Faut-il rappeler que son pouvoir d'agir ne dure que quarante-deux mois, c'est-à-dire trois ans et demi? La moitié de sept, le chiffre divin, le temps qui sépare la résurrection du Christ de son retour en gloire, le temps de l'Eglise et donc aussi de Satan, le temps que durera le témoignage de l'Eglise et donc le temps que durera l'action du diable, le prince des ténèbres?

Dieu permet à la bête de s'en prendre à son peuple, de faire la guerre à ses saints et même de les vaincre. Où sont ses promesses (Apocalypse 12:13-17), la promesse que les portes de l'enfer n'auront pas de pouvoir sur son Eglise (Matthieu 16:18), qu'en toutes choses les chrétiens sont plus que vainqueurs (Romains 8:37)? La réponse est en Christ. Sa mort est sa victoire, sa croix son trône. En tuant le Christ, les puissances du mal se sont irrémédiablement détruites. Elles l'ont blessé au talon, tandis qu'il leur a écrasé la tête (Genèse 3:15). La bête a été blessée, d'une blessure mortelle. Elle a l'air guérie et bien en vie, mais ce n'est qu'un sursis. Sa survie n'est qu'un dernier soubresaut, une dernière tentative, le fol espoir de pouvoir encore se venger. Elle est morte, anéantie. La victoire est auprès de l'Agneau immolé et non chez la bête qui finira avec le dragon et ses adorateurs dans l'étang de feu et de soufre (Apocalypse 19:20.21; 20:10-15).

Le livre de l'Agneau :

Voyez à ce sujet ce que nous avons dit à propos d'Apocalypse 3:5. Il existe un livre de la vie dans lequel sont inscrits les noms des élus. Ils appartiennent à Dieu et personne ne peut les arracher de sa main. Les faux Christs et les faux prophètes qui séduisent beaucoup de gens (Matthieu 24:11), tentent aussi de séduire les élus, mais n'y parviennent pas (Matthieu 24:24). Rien ne peut les séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ (Romains 8:28-39).

Ceux dont le nom n'a pas été écrit dans le livre de vie de l'Agneau qui a été immolé dès la fondation du monde :

C'est ainsi que la phrase est traduite dans la version révisée de la Bible de Segond (1975). alors que dans l'ancienne traduction de Segond, on peut lire : «ceux dont le nom n'a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l'agneau qui a été immolé.» La version révisée de Segond est préférable, car elle se fonde sur de meilleurs manuscrits. Elle affirme dans ce verset quelque chose de fondamental à propos de la mort de Jésus qu'on trouve aussi ailleurs dans le Nouveau Testament, à savoir qu'elle n'est pas simplement l'oeuvre de Satan et des hommes, mais aussi celle de Dieu, voulue et décrétée par lui (Actes 2:23; 1 Pierre 1:19.20). Elle fut la réalisation d'un plan que Dieu avait conçu avant la fondation du monde, de toute éternité. Il est vrai qu'il a «souffert sous Ponce Pilate», mais il est vrai aussi que Dieu a voulu sa mort et que lui-même, dans son obéissance jusque sur la croix, l'a acceptée. Voilà pourquoi nous sommes rachetés.

Si quelqu'un est destiné à la captivité... Si quelqu'un tue par l'épée... :

Il n'y a pas de compromis possible dans le Royaume de Dieu. Le chrétien doit être prêt à suivre le Christ, dût-il pour cela aller en prison, porter des chaînes et même mourir pour sa foi. Nous sommes appelés à porter les stigmates du Christ, à le suivre en portant sa croix. C'est le prix que paieront bien des témoins fidèles : ils partiront en captivité, dans les arènes, sur les galères et dans les goulags de l'exil pour n'avoir pas voulu renier leur Dieu. Et il n'est pas question de faire ce que Simon Pierre crut devoir faire dans le jardin de Gethsémané, de tirer l'épée pour défendre la cause de l'Evangile. Celui qui tirera l'épée périra par l'épée (Matthieu 26:51-56). Il est demandé aux croyants de ne pas opposer de résistance violente aux puissances du mal. Quand on est dans le Royaume du Christ, on ne répond pas à l'Antichrist en rendant le mal pour le mal, mais on manifeste «la persévérance et la foi des saints», quoi qu'il en coûte. Les armes avec lesquelles combattent les chrétiens ne sont pas charnelles. Elles n'en sont pas moins puissantes pour renverser des forteresses (2 Corinthiens 10:4). Nos armes ne sont pas charnelles. La seule épée que le Christ nous ait confiée est précisément son Evangile, l'épée à double tranchant qui est une puissance de salut pour tous ceux qui croient. C'est cela, «la persévérance et la foi des saints». Ces paroles font écho à celles de l'apôtre Paul : «Nous nous glorifions de vous dans les Eglises de Dieu, à cause de votre persévérance et de votre foi au milieu de toutes vos persécutions et des afflictions que vous avez à supporter» (2 Thessaloniciens 1:4).

Ils adorèrent le dragon... Ils adorèrent la bête :

Tout homme qui rejette l'Evangile de Dieu s'incline devant Satan et les puissances du mal et les adore, qu'il le sache et l'admette ou non. Les hommes sont par nature aveugles; ils vivent dans les ténèbres et sous la puissance de Satan, et la conversion n'est rien de moins qu'un passage du royaume de Satan à celui de Dieu. Dieu dit à l'apôtre Paul : «Je t'ai choisi du milieu de ce peuple et du milieu des païens, vers qui je t'envoie, afin que tu leur ouvres les yeux, pour qu'ils passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu» (Actes 26:18). Et l'apôtre écrit : Dieu «nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé» (Colossiens 1:13). Le mensonge, l'impiété et l'injustice sous toutes leurs formes ont plus de succès que la vérité et la sainteté. Voilà pourquoi l'Antichrist qui ne cesse de proférer des blasphèmes contre Dieu, son temple et son peuple (Apocalypse 13:6), étend son règne sur le monde entier, fait la guerre aux saints et parvient même à vaincre ceux d'entre eux qui ne s'attachent pas fermement à la Parole de Dieu (Apocalypse 13:7.8).

Qui est cet Antichrist? Luther et l'Eglise luthérienne l'ont traditionnellement identifié à la papauté. Non pas au pape en tant que personne, mais à l'institution qui s'appelle la papauté. Et cela en raison de la résistance farouche qu'elle a opposée à la proclamation de la vérité au XVI siècle, allant jusqu'à persécuter et exécuter tous ceux qui se libéraient de son joug tyrannique pour se placer sous celui, doux et léger, du Christ. La papauté a pendant des siècles exercé sur la terre un pouvoir incroyable auquel se soumettaient les rois de ce monde. Les papes pouvaient humilier les plus grands de ce monde, comme le fit Grégoire VII pour l'empereur Henri IV à Canossa, le 28 janvier 1077. Le souverain pontife n'hésitait pas à se proclamer le vicaire du Christ sur terre détenant deux épées, celle du pouvoir temporel et celle de l'autorité spirituelle, et revendiquant l'infaillibilité en matière de doctrine et de moeurs. Les Réformateurs qui ont mené contre ce pouvoir un combat que nous n'avons pas connu personnellement, et les protestants de jadis qu'on a pourchassés, envoyés sur les galères, torturés et exécutés parce que leur conscience leur demandait d'obéir à la vérité de l'Evangile et de lutter contre les fausses doctrines et les abus dont ils avaient été les victimes, avaient certainement raison d'identifier l'Antichrist à la papauté. Ils étaient bien placés pour mesurer ce qu'il y avait d'antiscripturaire et d'impie dans le système dont ils ne voulaient plus et qui les haïssait à mort, et ils ont confessé l'Evangile au prix de leur sang.

Cependant, bien que l'Eglise catholique n'ait renié aucun des grands dogmes combattus par les Réformateurs, il n'est pas évident qu'on puisse sans plus identifier le catholicisme d'aujourd'hui à celui d'hier. Par ailleurs, il existe d'autres puissances du mensonge et du mal qui se sont fait jour, notamment dans le protestantisme moderne qui n'hésite pas à rejeter lui aussi des articles et des valeurs fondamentaux de la foi et de la morale chrétiennes. Elles aussi séduisent, induisent en erreur et égarent d'innombrables personnes. D'autres chrétiens se sont heurtés à des idéologies païennes qui ont tout tenté pour les réduire au silence. Les victimes du goulag ne se comptent pas. Dieu seul en connaît le nombre. Aussi pensons-nous devoir affirmer que si l'Antichrist a agi et continue d'agir dans l'Eglise catholique, il est également puissamment à l'action dans d'autres segments de la chrétienté, jusque dans le protestantisme libéral et infidèle à la Parole de Dieu, et dans d'autres idéologies religieuses ou philosophiques.

Hélas, «remplie d'admiration, la terre entière suivit la bête». Le monde préfère le mensonge à la vérité. Ce que l'apôtre écrivit en son temps est encore vrai de nos jours : «La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue... Le monde ne l'a point connue» (Jean 1:5.10). «Ce jugement c'est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises» (Jean 3:19).

 

La bête qui surgit de la terre :


Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau, et qui parlait comme un dragon. Elle exerçait toute l'autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie. Elle opérait de grands prodiges, même jusqu'à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu'il lui était donné d'opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l'épée et qui vivait. Et il lui fut donné d'animer l'image de la bête, afin que l'image de la bête parlât, et qu'elle fît que tous ceux qui n'adoreraient pas l'image de la bête fussent tués. Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. C'est ici la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête. Car c'est un nombre d'homme, et son nombre est six cent soixante-six (Apocalypse 13:11-18).

Voici la troisième personne de la trinité infernale, de l'Anti-Dieu qui agit dans ce monde. Sa mission? Glorifier la première bête comme le Saint-Esprit est chargé de glorifier le Fils, séduire les hommes par ses mensonges et faire en sorte qu'ils se prosternent, remplis d'admiration, devant la première bête.

Une autre bête qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau et qui parlait comme un dragon:

On l'appelle communément le faux-prophète (Apocalypse 16:13; 19:20; 20:10), car à la différence de la première bête, elle n'utilise pas la violence du geste, mais la séduction de la parole. Au lieu de «faire la guerre aux saints et de les vaincre» (Apocalypse 13:7), elle les séduit. Elle parle en effet, et parler est manifestement sa tâche la plus importante. Elle parle comme un dragon, car elle le fait en son nom. Elle est le porte-parole de Satan. Qu'elle ait deux cornes comme un agneau ne devrait étonner personne. Le propre des faux prophètes est de prétendre parler au nom du Christ, de venir en vêtement de brebis tout en étant des loups ravisseurs (Matthieu 7:15). Satan se déguise en ange de lumière et ses émissaires en ministres de la justice (2 Corinthiens 11:14). C'est à ce prix-là que le faux-prophète symbolisé par cet animal peut séduire les hommes. S'il se présentait comme l'ambassadeur de Satan, on ne l'écouterait sans doute pas. Sous l'Agneau se dissimule bel et bien le dragon en la personne de son émissaire, la première bête de la vision (Apocalypse 13:1-10). Et sous le Saint-Esprit se dissimule la deuxième bête. De même que le Saint-Esprit rend témoignage au Christ, y compris par des miracles et des prodiges (Actes 2:22; Romains 15:19), de même la deuxième bête est au service du dragon et de la première bête. Elle est leur porte-parole, capable elle aussi d'accomplir des miracles (Apocalypse 13:14; 2 Thessaloniciens 2:9). Ainsi la boucle est fermée. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit d'un côté; le dragon, la première bête et la seconde bête de l'autre. L'Antitrinité est la copie... presque conforme de la Trinité. Tout comme le Saint-Esprit éclaire les hommes pour qu'ils croient en Dieu et étend ainsi son règne dans ce monde, la deuxième bête oblige les habitants de la terre à adorer la première bête et vise à établir dans le monde la domination de Satan.

Elle exerçait toute l'autorité de la première bête en sa présence :

Un vrai prophète se tient en présence de Dieu dont il est l'envoyé. C'est de lui qu'il reçoit ses ordres et c'est lui qu'il sert (1 Rois 17:1). Le faux-prophète, lui, se tient en présence de la première bête dont il est l'instrument et le porte-parole. Il est le séducteur au service de l'Antichrist qui trompe les hommes et les induit en erreur, comme le Saint-Esprit est le Consolateur envoyé par le Christ pour conduire les hommes dans la vérité. Et de même que le Saint-Esprit appelle les hommes par l'Evangile et les mène au Christ pour qu'ils trouvent en lui le pardon et la délivrance, de même le faux-prophète les mène auprès de l'Antichrist et leur fait fléchir les genoux devant lui. Cela dit, cette bête que nous appelons le faux-prophète n'est pas un individu, un faux prophète bien précis, mais elle incarne tous les faux prophètes de ce monde qui, dans la chrétienté et en dehors, égarent les hommes par leurs mensonges.

Quand les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils dans le monde (Galates 4:4; Jean 17:3). En son temps, ayant accompli sa mission, le Fils envoya dans le monde le Saint-Esprit (Jean 15:26; 16:7). Il en va de même dans l'Antitrinité diabolique : le dragon envoie la première bête, l'Antichrist, et la première bête exerce son pouvoir par l'entremise de la deuxième, le faux-prophète.

De grands prodiges, jusqu'à faire descendre du feu du ciel :

La deuxième bête semble être un prophète de la trempe de Moïse ou d'Elie. Elie accomplit des prodiges, jusqu'à faire descendre du feu du ciel (1 Rois 18:24-38). C'est un élément de la vision qu'on ne peut pas interpréter littéralement. Il évoque une grande puissance, une activité qui remplit les hommes d'étonnement et les rend béats d'admiration. Cependant on ne peut pas ne pas penser à ce que Jésus dit des prodiges et des miracles accomplis par les faux Christs et les faux prophètes (Matthieu 24:24) et à ce que l'apôtre Paul affirme au sujet des miracles, des signes et des prodiges qui accompagneront l'activité de l'Antichrist et qui sont destinés à séduire les hommes pour qu'ils croient au mensonge (2 Thessaloniciens 2:8-10). Les miracles sont en eux-mêmes ambigus. Ils ne prouvent rien du tout. Ils peuvent être accomplis par des prophètes de Dieu et par des envoyés de Satan, et Jésus nous a suffisamment mis en garde en annonçant que de nombreux faux prophètes viendraient dans la fin des temps et ne manqueraient pas d'accomplir des prodiges pour égarer les hommes (Marc 13:22; 2 Thessaloniciens 2:9). Il faut écouter ce que ces gens disent et les juger selon leurs fruits (Deutéronome 13:2-4; Matthieu 7:15-20; 1 Jean 4:1-6). Les miracles ne sont pas tous d'origine divine! En cela aussi Satan sait imiter Dieu pour cacher son jeu.

Disant aux habitants de la terre de faire une image de la bête :

Le faux-prophète a complètement subjugué les gens avec ses miracles et son enseignement. Ils viennent manger dans sa main et font ses quatre volontés, répètent le péché d'Israël au Sinaï (Exode 32: épisode du veau d'or devant lequel le peuple de Dieu se prosterne) et celui de Nebucadnetsar à Babylone (Daniel 3: statue d'or élevée à son nom, que doivent adorer toutes les nations qu'il s'est soumises). Il demande à tous rendre à la première bête, l'Antichrist, un véritable culte en en faisant une image pour se prosterner devant elle. On notera que l'image de l'Antichrist est fabriquée par les hommes à la demande du faux-prophète, mais que c'est le faux-prophète qui l'anime et lui donne vie. Les hommes s'inventent eux-mêmes de fausses religions, des idéologies et des doctrines contraires à l'enseignement de Dieu. Mais pour ce faire, ils sont inspirés par le faux-prophète. C'est lui qui donne un contenu et de la vie aux divinités dont les gens se dotent. Quant à ceux qui refusent d'adorer l'image de la bête, ils sont tués. Les puissances sataniques à l'oeuvre dans ce monde recourent à la fois aux séductions et à l'intimidation, à la flatterie et à la violence.

Il lui fut donné d'animer l'image de la bête :

Encore un de ces gestes d'un singe de Dieu. De même que le Seigneur avait insufflé à Adam un souffle de vie pour en faire un être vivant à son image (Genèse 2:7), que l'Esprit de Dieu avait ranimé les os desséchés d'Israël (Ezéchiel 37:10) et insufflé la vie aux deux témoins d'une vision précédente (Apocalypse 11:11), de même la deuxième bête imite le Saint-Esprit en animant l'image de la première bête qui se met à parler.

Que personne ne puisse acheter ni vendre :

Les lecteurs de l'Apocalypse en Asie Mineure devaient comprendre aisément le sens de cette phrase. Ils avaient à subir d'énormes pressions, même si les persécutions n'étaient pas encore ouvertes et généralisées. Il n'était pas facile de faire preuve de loyauté à sa ville, son pays et son empire, tout en refusant de se livrer au culte impérial, de sacrifier aux divinités locales, de participer aux festins dans les temples païens. Il n'était pas aisé dans ces conditions de faire carrière, de faire son chemin dans la vie, de connaître bien-être et prospérité. Personne n'aime être marginalisé socialement et économiquement. Et comme nous l'avons vu en étudiant les lettres aux sept Eglises d'Asie Mineure (Apocalypse 2 et 3), les voix ne manquaient pas dans l'Eglise pour dire aux chrétiens que quelques compromis n'ont jamais fait de mal à personne! Mais il faut savoir choisir. Sur le mont Carmel Elie ordonna à Israël de choisir, en lui demandant de cesser de clocher des deux côtés (1 Rois 18:21). Nebucadnetsar mit Schadrac, Méschac et Abed-Nego devant un choix. Darius obligea lui aussi Daniel à choisir.

«Que personne ne puisse acheter ni vendre...» Ce détail fait partie de la vision. Interdire à quelqu'un d'acheter et de vendre ou lui en enlever les moyens, c'est le réduire à la famine et le condamner à mort. Sous des dehors charitables et en cherchant de bien des façons à ressembler au Christ, le dragon et les deux bêtes exercent leur pouvoir en utilisant la méchanceté et la cruauté. Il n'y a chez eux aucun amour et aucune bonté. La trinité diabolique cache bien son jeu, mais ses visées sont manifestes. Aucun bon sentiment ne l'anime et, contrairement au Christ, elle ne recherche en rien le bonheur des hommes.

Elle fit que tous... reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front..., le nom de la bête ou le nombre de son nom :

C'est une nouvelle singerie de Dieu. De même que le Seigneur marque de son sceau le front de ceux qui lui appartiennent (Apocalypse 7:3), le faux-prophète appose sur la main droite ou sur le front de ceux qui révèrent l'Antichrist, c'est-à-dire à des endroits bien visibles, une marque qui permet de les identifier. Dans la tournure «le nom de la bête ou le nombre de son nom,» «ou» est non pas une conjonction disjonctive, mais ce qu'on appelle une conjonction explicative : le nom de la bête et le nombre de son nom ne sont pas deux marques différentes, mais le nom de la bête est précisément son nombre inscrit sur le front de ceux qui se prosternent devant elle.

Aux chrétiens de choisir! La marque de la bête est un passeport qui ouvre toutes grandes les portes de la société. Elle garantissait aux croyants d'Asie Mineure bien-être, prospérité et paix. En refusant par contre de se prosterner devant les dieux de la cité et de l'empire et de se livrer à un certain nombre de pratiques religieuses, on prenait le chemin de la pauvreté. On n'en était pas encore à emprisonner, décapiter ou crucifier les non-conformistes, ceux qui n'acceptaient pas les règles religieuses de la société, mais tout était fait pour qu'un citoyen sensé comprenne très vite qu'il avait intérêt à se plier à elles et que le refus de le faire avait des conséquences néfastes sur le plan social et économique. Le reste, les persécutions systématiques et sanglantes, allait venir bientôt. Chaque chose en son temps au royaume de Satan...

Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête..., six cent soixante-six :

Le texte montre l'importance de ce nombre. Il est vital de le connaître, mais pour ce faire, il faut de l'intelligence, une intelligence que seul le Seigneur peut donner aux siens. Qu'est-ce que ce nombre peut bien signifier? Il est exclu de dresser la liste de toutes les tentatives d'explications qu'on en a fourni, depuis les plus sérieuses jusqu'aux plus farfelues, y compris celles qui y ont vu des allusions à Néron, Mahomet, Hitler ou Staline. On a souvent opéré avec la valeur numérique des lettres de l'alphabet grec. Pour l'empereur Néron, dont le nom hébraïque est Neron Kesar, cela donne : N = 50, R = 200, O = 6, K = 100, S = 60. On obtient un total de 660, à condition d'oublier de compter le «e» et le «a». Un peu gênant! Tel autre commentateur a calculé qu'en addtionnant les valeurs numériques des initiales des empereurs romains de Jules César à Vespasien, on obtenait également 666. A condition toutefois d'oublier Othon et Vitellius! Un autre calcul du même genre donnerait le mot LATEINOS (latin). Il voit dans 666 une allusion aux chefs de l'empire latin, à ces empereurs qui exigeaient qu'on leur rende des honneurs divins. Allusion aussi, selon d'autres, au pape qui a son siège à Rome. On a constaté également qu'en additonnant 1 + 2 + 3 + 4 jusqu'à 36, on obtenait 666. Ainsi, 666 est ce qu'on appelle le nombre triangulaire de 36. Or 36 est le nombre triangulaire de 8 (1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 7 + 8 = 36), et 8 est le 8 roi d'Apocalypse 17:11, c'est-à-dire la bête ou l'Antichrist. Pas mal!

Nous opterons pour une autre explication : 6 = 7-1. Donc 666 = 777-111. Sept étant le chiffre divin, six est sept moins quelque chose, c'est-à-dire un chiffre moins que divin, donc un chiffre humain, un «nombre d'homme» comme le précise du reste le texte. C'est 6 multiplié par 10 et encore une fois multiplié par 10 plus 6 multiplié par 10 plus 6, ou bien trois fois moins que 7. Autrement dit,« échec sur échec sur échec». La bête accumule les échecs. Chiffre de la trinité diabolique qui, semblable à la grenouille de la fable qui se gonfle dans l'espoir d'être aussi grande que le boeuf, s'efforce d'atteindre les hauteurs de Dieu, mais n'y parvient pas. La mauvaise trinité 666 singe la sainte Trinité 777, mais sans succès. Les adorateurs de la bête servent quelqu'un qui n'est pas à la hauteur de Dieu, un faux dieu qui ne leur apporte ni paix ni espérance, ni délivrance ni joie. Cette bête est l'Antichrist. Elle incarne toute la puissance et toute la propagande antichrétiennes dans le monde. Elle oeuvre partout, dans l'Eglise et en dehors de l'Eglise. Elle agit dans les chaires des professeurs de théologie et des prédicateurs, dans les Eglises et dans les facultés de théologie, mais aussi dans le monde, dans les journaux, à la radio et à la télévision, dans les écoles et dans les universités, dans le monde de la politique, le monde des lettres et des arts, le monde de la philosophie, des sciences, de la technologie et des affaires. Elle est omniprésente. C'est tout le monde antichrétien à l'action depuis que les apôtres sont partis annoncer l'Evangile aux hommes. L'Antichrist n'est pas à venir. Il est là depuis longtemps. Il est et agit partout où est et agit le Christ. Il bâtit ses temples à côté des églises des chrétiens. Il est à l'oeuvre depuis des siècles et continuera son travail néfaste jusqu'à la fin des temps. Il faut le savoir, et pour cela il faut une intelligence éclairée par Dieu.

Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête !

Il faut pour cela de l'intelligence, la vraie intelligence et la véritable sagesse qui commencent avec la crainte de Dieu, la sagesse ou l'intelligence de la croix du Christ. Une intelligence qui naît de la foi en Christ, l'Agneau de Dieu immolé pour le salut du monde. Une telle intelligence est un don de Dieu. Elle n'a pas de mal à débusquer et identifier la bête. Elle sait que l'adoration de la bête est l'adoration non pas du Créateur, mais de la créature. 666 est le nombre dont est digne et que porte dans l'histoire de ce monde tout individu, toute institution, toute structure et tout pouvoir qui hait Dieu et la vérité, s'oppose à l'Evangile et persécute le peuple des rachetés.

 

La victoire de l'Eglise :


Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts. Et j'entendis du ciel une voix, comme un bruit de grosses eaux, comme le bruit d'un grand tonnerre; et la voix que j'entendis était comme celle de joueurs de harpes jouant de leurs harpes. Et ils chantent un cantique nouveau devant le trône, et devant les quatre êtres vivants et les vieillards. Et personne ne pouvait apprendre le cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille, qui avaient été rachetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges; ils suivent l'agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d'entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l'agneau; et dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irréprochables (Apocalypse 14:1-5).

Dieu dans sa sagesse insondable permet à l'ennemi de faire la guerre à ses saints et de les vaincre. Au moins provisoirement. Sa victoire en effet est illusoire. Alors que l'Eglise souffre entre les mains de l'Antitrinité, Dieu l'assure de son triomphe final. Le tableau de notre texte la présente revêtue de gloire céleste et chantant le cantique nouveau que les élus de Dieu sont seuls à connaître.

L'Agneau se tenait sur la montagne de Sion :

Jésus, l'Agneau de Dieu qui a expié les péchés du monde et racheté les hommes, se tient sur la montagne de Sion. Il est le Chef suprême de l'Eglise, le Roi de Sion, de la Jérusalem céleste. C'est dire qu'il n'est pas seul. Jean le voit entouré d'une grande foule, de gens innombrables qui portent sur leur front le nom de l'Agneau et le nom de Dieu. Les adorateurs de la bête portent sur eux la marque de la bête à laquelle ils appartiennent, son nom et le nombre de son nom (Apocalypse 13:17). Les rachetés, eux, sont marqués du nom de leur Sauveur et de leur Dieu. Ils portent sur le front une marque qui les identifie comme les enfants de Dieu, les membres de son peuple et les héritiers de son Royaume. Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent (2 Timothée 2:19). Ils sont marqués du sceau de l'Esprit qui est le gage de leur héritage (Ephésiens 4:30). Ils se tiennent avec l'Agneau sur le mont Sion. Les montagnes sont le lieu où le ciel et la terre se rejoignent. Le mont Sion est celui où se rencontrent Dieu et son peuple.

Ils sont au nombre de 144.000 hommes. Les millénialistes voient dans cette scène la représentation de ce qui adviendra aux juifs à la fin des temps, avant que ne vienne le jour du jugement. Ils affirment qu'ils afflueront sur la montagne de Sion, c'est-à-dire se rendront en masse en Israël, à Jérusalem, et s'installeront dans leur ancienne patrie. Là, Dieu les convertira en grand nombre et les rassemblera autour de l'Agneau. Le temple sera rebâti et le Christ viendra instaurer son règne de mille ans.

C'est une interprétation à laquelle nous ne pouvons pas souscrire, car elle lit dans le texte des choses que le texte lui-même n'affirme pas. Elle n'est pas non plus conforme à ce que la Bible et Jésus lui- même disent de la fin des temps. La scène se passe non pas à Jérusalem, l'ancienne capitale de la Palestine, mais dans le ciel, là où l'Agneau a son trône, où les quatre êtres vivants, les vingt-quatre vieillards, les anges et les bienheureux chantent le cantique nouveau de la victoire et du salut. Cette foule d'adorateurs était déjà apparue à Jean dans une autre vision (Apocalypse 7:1-8). 144.000 = 12 x 12 x 1.000, soit le chiffre du peuple de Dieu (douze tribus d'Israël et douze apôtres de l'Eglise) multiplié par lui-même puis par mille, le peuple innombrable de Dieu, celui de l'ancienne et celui de la nouvelle alliance, composé des juifs et des païens croyants issus de toutes les nations et de tous les peuples.

Sur leur front ils portaient non pas le nombre de la bête (Apocalypse 13:16; 14:9), mais le nom de l'Agneau et celui de son Père. Ils étaient marqués au sceau de l'Agneau et de Dieu. Comme les brebis d'un même troupeau, ils étaient reconnaissables de loin comme appartenant à Dieu. Les 144.000 sont ainsi l'ensemble de tous ceux qui constituent le peuple de Dieu réuni autour de son trône.

J'entendis une voix, comme un bruit de grosses eaux..., d'un grand tonnerre..., comme celle de joueurs de harpes. Ils chantaient un cantique nouveau :

Etrange : un son qui est à la fois le rugissement de grandes eaux et le son mélodieux d'un ensemble de harpes, qui évoque à la fois le jugement et le salut divins. Le grondement des chutes du Niagara et le chant d'un ruisselet. C'est qu'il est question des deux dans notre texte, d'un châtiment et d'un jugement sévères, mais aussi du salut éternel des élus. La scène commence par la vision du salut des élus. Il s'agit en effet de fortifier et de consoler l'Eglise qui milite et souffre en proie à de nombreuses tribulations. Il faut qu'elle le sache au milieu de tous ses malheurs : le temps vient où elle se tiendra devant le trône de l'Agneau et chantera avec les anges non plus le Miserere ou les litanies d'une Eglise opprimée et persécutée, mais un cantique entièrement nouveau, le Magnificat et l'Alléluia d'un peuple heureux qui a surmonté à jamais la souffrance, l'angoisse et la mort. Un cantique dont les paroles et la musique n'ont n'a pas été composées sur terre, mais dans le ciel et qu'on ne peut entonner que si on est né d'en haut, régénéré par l'Evangile céleste.

Personne ne pouvait apprendre le cantique, si ce n'est... :

De même que la bête symbolisant l'Antichrist tuait tous ceux qui n'adoraient pas son image, de même pour apprendre à chanter le cantique nouveau devant le trône de l'Agneau, il faut faire partie de la foule des élus, de ceux qui célèbrent leur victoire sur les forces du mal, les tentations et les tribulations. Ils appartiennent à Dieu et à l'Agneau comme lui appartenaient dans l'ancienne alliance les prémices des champs qu'on apportait dans le temple pour les lui offrir. La vision va les décrire en révélant quatre de traits de leur caractère :

Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges :

Est-ce à dire qu'ils ne se sont pas mariés? Certainement pas! Le ciel n'est pas réservé aux célibataires! Dans un livre qui regorge de tournures symboliques, il serait insensé d'affirmer que la foule des élus autour de l'Agneau est constituée de mâles qui, pour des raisons religieuses, se seraient voués au célibat et auraient renoncé à tout contact avec les femmes. Faut-il comprendre le texte comme affirmant qu'ils sont restés chastes et purs dans un monde dont la souillure et la dissolution se manifestent partout par l'adultère et l'impudicité? Ce serait tout à fait biblique. Mais nous savons que l'Ecriture compare aussi l'idolâtrie et l'apostasie à l'adultère (Jérémie 3:8.9; Matthieu 12:39; Jacques 4:4). L'Eglise apostate est appelée Babylone, la grande prostituée, et il lui est reproché d'avoir «abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de sa débauche» (Apocalypse 14:8; 17:1.2). Les élus qui se tiennent devant le trône de Dieu sont des gens qui n'ont pas forniqué avec les dieux de ce monde. Ils sont comme des vierges qui ont réservé leur amour et leur affection au Créateur tout-puissant qui les a sauvés, et ils lui sont restés fidèles. Ils sont l'épouse de l'Agneau, la nouvelle Jérusalem, qui est pure et sainte (Apocalypse 21:9-11), non en elle-même, mais grâce à l'Agneau dans le sang duquel ils ont lavé leurs robes (Apocalypse 7:14). Les tentations à l'infidélité n'ont pas manqué, mais ils ont résisté aux séductions de Babylone, la mère de toutes les prostituées (Apocalypse 17:5), et tenu ferme jusqu'au bout.

Ils suivent l'Agneau partout où il va :

C'est le deuxième trait de leur caractère. Ils sont de vraies brebis du bon Berger (Jean 1:37; 10:27). Quand on adore la bête, on la suit, jusque chez elle, dans l'abîme infernal. Quand on adore l'Agneau, on le suit également. On marche sur le même chemin, on passe de la mort à la vie et on le rejoint devant le trône de Dieu. Bien des épreuves attendent les croyants dans un monde qui leur est hostile et où les puissances du mal s'acharnent contre eux, mais ils savent quelle vie et quel salut les attendent (Apocalypse 19:14).

Comme des prémices pour Dieu et pour l'Agneau :

C'est leur troisième particularité. Comme le premier-né de chaque famille et les prémices de la récolte, ce peuple de Dieu, le nouvel Israël, a été mis à part, consacré au Seigneur auquel il appartient et qu'il sert (Lévitique 2:12; Ezéchiel 45:1; 48:9).

Dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irréprochables :

C'est leur dernier signe distinctif. Ils ont dit non au «mensonge» et sont trouvés «irréprochables». L'Agneau a été immolé pour que son épouse, l'Eglise, paraisse devant Dieu sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irréprochable (Ephésiens 1:4; 5:25-27; Colossiens 1:22), aussi sainte et irréprochable que l'Agneau lui-même (1 Pierre 1:19). A quoi les reconnaît-on? A la marque qu'ils portent au front, bien sûr, mais aussi aux fruits qu'ils ont portés quand ils étaient sur cette terre.

Le mensonge et la fausseté sont les traits dominants de la bête (Apocalypse 16:13; 19:20), de son maître Satan, qui est menteur dès le commencement (Jean 8:44) et de ses adorateurs (Apocalypse 3:9). Le refus du mensonge, la vérité et la fidélité, au contraire, caractérisent ceux qui suivent l'Agneau et confessent son nom, le peuple de Dieu (Zacharie 8:16; Matthieu 5:17; Ephésiens 4:15.25).

 

La victoire de l'Evangile :


Je vis un autre ange qui volait par le milieu du ciel, ayant un Évangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il disait d'une voix forte: Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux. Et un autre, un second ange suivit, en disant: Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité!

Et un autre, un troisième ange les suivit, en disant d'une voix forte: Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre, devant les saints anges et devant l'agneau. Et la fumée de leur tourment monte aux siècles des siècles; et ils n'ont de repos ni jour ni nuit, ceux qui adorent la bête et son image, et quiconque reçoit la marque de son nom. C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus. Et j'entendis du ciel une voix qui disait: Écris: Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur! Oui, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent (Apocalypse 14:6-13).

Après l'évocation de la victoire de l'Eglise, voici celle de l'Evangile. Aux trois «malheurs» annoncés par l'aigle (Apocalypse 8:13; 9:12; 11:14) correspond l'annonce de trois bonnes nouvelles confiée à des anges.

Je vis un autre ange... Il avait un Evangile éternel pour l'annoncer aux habitants de la terre :

Dans les ténèbres des derniers temps luit une grande lumière, celle de l'Evangile, bonne nouvelle de la vie éternelle que tout homme obtient par la foi en l'Agneau immolé pour le salut du monde. Cet Evangile est «éternel», aussi éternel que Dieu lui-même. Ses promesses sont éternellement vraies. Un ange qui traverse le ciel - plus exactement un messager divin, car tel est le sens du terme biblique -, l'annonce à tous les habitants de la terre, à toute nation, toute tribu, toute langue et tout peuple. La vision attribue la prédication de l'Evangile à un être céleste qui représente en fait les pasteurs, les évangélistes et les missionnaires, tous ceux que le Christ, Chef de l'Eglise, a chargés d'annoncer sa Parole. Ce sont eux les messagers de la bonne nouvelle, les anges du Seigneur qui font briller dans ce monde la lumière de l'Evangile et appellent les hommes au salut.

Craignez Dieu..., adorez celui qui a fait le ciel, la terre... :

Prêcher l'Evangile, c'est appeler les hommes à se tourner vers Dieu, à reconnaître sa seigneurie, à craindre son nom et à l'adorer comme le Créateur du ciel, de la terre et de l'univers tout entier. C'est entrer par la foi en communion avec le Dieu tout-puissant qui a fait ce qu'il fallait pour combler le fossé que les hommes avaient creusé entre eux et lui, qui s'est réconcilié avec eux par la mort de son Fils. Adorer Dieu, c'est reconnaître qu'il est révélé dans l'Agneau qui est omniprésent dans les visions de l'Apocalypse, sans lequel il n'y aurait ni pardon ni salut.

Dans les derniers temps, alors que l'Antichrist et son prophète font tout pour séduire et égarer les hommes, Dieu veille à ce que l'Evangile soit annoncé aux nations du monde entier et à ce que retentisse à leurs oreilles l'appel à la repentance. «Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux.» L'annonce du jugement divin est-elle une bonne nouvelle? Oui. Le fait que Dieu n'abandonne pas ses créatures rebelles, mais se tourne vers elles et les invite à se repentir est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle qu'il appelle les hommes à le craindre et à l'adorer. Tel est le message qu'on peut entendre aujourd'hui encore sur tous les continents du monde, dans pratiquement toutes les langues parlées par les hommes. Satan est le prince du mensonge et du mal, et ses émissaires, l'Antichrist et le faux- prophète, font tout pour gagner le coeur des hommes, mais Dieu veut le salut de tous. Voilà pourquoi son Evangile est prêché depuis vingt siècles et continuera de l'être, jusqu'à ce que tous aient pu l'entendre. Alors et alors seulement viendra la fin. Aussi vrai que les portes de l'enfer ne peuvent prévaloir contre l'Eglise (Matthieu 16:18), rien ni personne ne peut éteindre la voix de l'Evangile. Il a su survivre aux pires attaques des puissances du mal.

Un autre, un second ange... Elle est tombée, Babylone la grande :

La vision nous a présenté le sort final de l'Eglise que Dieu rassemblera sur le mont Sion, dans le ciel, autour du trône de l'Agneau pour qu'elle y chante le cantique nouveau de la délivrance et de la victoire. Elle nous présente maintenant le sort qui attend Babylone la grande, symbole de prostitution et d'infidélité. Cela aussi est une bonne nouvelle. Sa chute et sa destruction seront décrites en détail dans les visions des chapitres 18 et 19. Nous pourrons nous contenter ici de quelques indications.

Il s'agit d'une représentation de la puissance antichrétienne qui agit dans ce monde sous toutes ses formes, à l'intérieur de la chrétienté et en dehors. Pourquoi est-elle appelée Babylone? Parce que Babylone, puissant empire qui exerça son hégémonie dans le monde antique, est synonyme d'impiété, d'idolâtrie, de divination et d'occultisme. Mais aussi parce que Babylone a malmené et opprimé le peuple de Dieu et l'a emmené en exil. «Babylone la grande», c'est ainsi qu'est appelée dans la Bible la capitale de l'ancien empire mésopotamien (Daniel 4:30). Elle était effectivement grande, dans tous les sens du terme. «Babylone la grande», c'est ainsi que s'appelle aussi le vaste et universel empire de l'Antichrist avec ses innombrables adeptes.

L'ange qu'aperçoit Jean annonce : «Elle est tombée, elle est tombée». Cela ne se voit pas encore, car sa chute n'a pas encore eu lieu, mais elle est certaine, aussi certaine que Dieu ne peut pas laisser impunie celle qui a «abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de sa débauche», qui a tout fait pour que les hommes refusent à Dieu la foi, l'amour, l'allégeance et la fidélité qui lui sont dus. La chute de Babylone sera décrite dans le détail dans les chapitres 18 et 19, mais elle est dès maintenant un fait accompli. Quand Jean reçut ces révélations, il se situait en dehors des paramètres du temps et de l'espace. Il a tout vu à la fois, au même moment. Mais en passant à la description des visions, il dit: D'abord j'ai vu ceci, puis j'ai vu cela. Il a vu Babylone en ruines, mais il ne décrit sa chute que plus tard (Apocalypse 18 et 19). Dans la perspective de Dieu, la seule qui compte, Babylone est tombée.

Un autre, un troisième ange suivit, en disant d'une voix forte : Si quelqu'un adore la bête et son image...:

Le deuxième ange prédit la chute de Babylone, l'Antichrist et son empire. Le troisième annonce le jugement qui attend ses sujets, les adorateurs de la bête et de son image. Ils boiront le vin de la colère divine, la coupe amère que le Seigneur leur tendra en son temps, et seront tourmentés dans le feu et le soufre. C'est l'étang ardent de feu et de soufre, la «seconde mort» (Apocalypse 19:20; 20:14.15; 21:8), en un mot l'enfer.

Il sera tourmenté devant les saints anges et devant l'Agneau :

L'Agneau de Dieu a été immolé pour tous les hommes, y compris pour les impies, et voulait les sauver. Les saints anges ont été envoyés par Dieu pour les mettre en garde et leur annoncer les malheurs à venir (V.6.8.9). Pendant tout le temps de grâce qui leur était accordé, le Christ et ses anges ont oeuvré pour leur salut. Maintenant ils ne peuvent plus rien pour eux. Quand est venu le moment du jugement, il n'y a plus de miséricorde et d'intercession dans le ciel. Celui qui entend l'Evangile de Jésus-Christ, qui ne croit pas et persiste dans l'incrédulité sera jugé. Jésus et ses anges assisteront impuissants et malheureux à sa condamnation. Il ne lui restera plus qu'à boire la coupe de vin de la colère divine. Un vin «sans mélange», qui ne sera pas coupé d'eau, un vin fort et enivrant.

Dans le feu et le soufre... La fumée de leur tourment monte aux siècles des siècles :

Le sort des adorateurs de la bête rappelle celui des habitants de Sodome et de Gomorrhe exterminés par le feu et le soufre (Genèse 19:24). A une différence près, et elle est de taille : les peines infernales sont éternelles. Cette fois-ci, le feu et le soufre du jugement divin brûleront aux siècles des siècles. La Bible est formelle à ce sujet quand elle parle de la ruine éternelle loin de la face du Seigneur (2 Thessaloniciens 1:9), du ver qui ne meurt pas et du feu qui ne s'éteint pas (Esaïe 66:24; Marc 9:44-47), de la honte éternelle des damnés (Daniel 12:2), du feu et du châtiment éternels (Matthieu 5:41.46). Quand on est en enfer, on n'en sort plus. Il n'existe pas de passerelle qui mène de l'enfer sur le mont Sion, de l'étang de feu dans le paradis. Dans la parabole du mauvais riche, Abraham dit à ce dernier: «Il y a entre vous et nous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ou de là vers nous ne puissent le faire» (Luc 16:26).

La persévérance des saints... Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur :

L'Eglise n'est pas encore délivrée de tout mal et éternellement heureuse dans le ciel. Quoique dans la perspective divine elle le soit déjà, Babylone, la puissance du mensonge et du mal, n'est pas encore détruite. Les incroyants ne sont pas encore jugés. L'horloge divine fonctionne au rythme du Seigneur et non à celui de hommes. Il s'agit donc pour les saints de persévérer et de tenir bon. Bien que le plan de Dieu attende encore son accomplissement ultime, car tous ses élus n'ont pas encore été appelés des quatre coins du monde, les croyants qui meurent dans le Seigneur, qui quittent ce monde dans la foi en leur Sauveur, connaissent dès à présent le bonheur de ceux qui sont délivrés du péché, de la mort et de tout mal. Mourir «dans le Seigneur» c'est, comme mourir «pour le Seigneur» (Romains 14:7-9), mourir comme on a vécu, dans la foi en Christ, en lui appartenant, en confessant son nom. Les puissances à l'action dans ce monde, Satan, l'Antichrist et le Faux-Prophète n'ont plus de pouvoir sur les croyants qui ont quitté ce monde. Et tandis que les adorateurs de la bête sont tourmentés aux siècles des siècles et qu'ils n'ont de repos ni jour ni nuit, les élus du Seigneur se reposent de leurs travaux dans une félicité, une joie et une paix éternelles.

Leurs oeuvres les suivent :

Elles ne les précèdent pas, mais les suivent. Les oeuvres des chrétiens ne sont pas un ticket d'entrée dans le ciel, quelque chose qui leur en ouvre la porte, mais ceux qui sont sauvés par la foi seule en Jésus-Christ, sans aucun mérite de leur part, sont suivis des fruits de leur foi, de ce qu'ils ont fait sur terre dans l'obéissance à leur Seigneur, et en recevront une récompense qu'ils n'ont certes pas méritée, mais que Dieu leur accordera dans sa grâce. Dans son juste jugement, lorsque les livres racontant la vie des hommes seront ouverts devant lui, Dieu se souviendra des oeuvres des siens. Il se souviendra de ce qu'ils ont fait pour lui, de leur obéissance et de leur fidélité, même si eux n'étaient pas toujours conscients d'oeuvrer pour lui (Matthieu 25:37.38). Un jour, les fruits de leurs travaux seront visibles, dévoilés aux yeux de tous. Ce jour-là, ils brilleront «comme la splendeur du ciel... comme les étoiles, à toujours et à perpétuité» (Daniel 12:3).

 

Le jugement final et sa double moisson :


Je regardai, et voici, il y avait une nuée blanche, et sur la nuée était assis quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme, ayant sur sa tête une couronne d'or, et dans sa main une faucille tranchante. Et un autre ange sortit du temple, criant d'une voix forte à celui qui était assis sur la nuée: Lance ta faucille, et moissonne; car l'heure de moissonner est venue, car la moisson de la terre est mûre. Et celui qui était assis sur la nuée jeta sa faucille sur la terre. Et la terre fut moissonnée. Et un autre ange sortit du temple qui est dans le ciel, ayant, lui aussi, une faucille tranchante. Et un autre ange, qui avait autorité sur le feu, sortit de l'autel, et s'adressa d'une voix forte à celui qui avait la faucille tranchante, disant: Lance ta faucille tranchante, et vendange les grappes de la vigne de la terre; car les raisins de la terre sont mûrs. Et l'ange jeta sa faucille sur la terre. Et il vendangea la vigne de la terre, et jeta la vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve fut foulée hors de la ville; et du sang sortit de la cuve, jusqu'aux mors des chevaux, sur une étendue de mille six cents stades (Apocalypse 14:14-20).

La Bible que j'ai devant les yeux intitule ce texte Prophétie sur Harmaguédon. C'est ce qu'on appelle la Bible de Scofield, en réalité une édition de la Bible de Louis Segond avec les notes de Scofield, célèbre dispensationaliste américain. Nous savons que les millénialistes, notamment les Témoins de Jéhovah, font beaucoup de cas de la fameuse bataille d'Harmaguédon qui doit précéder l'avènement de l'âge d'or, le règne millénaire du Christ sur la terre. Constatons tout simplement qu'il n'est question dans notre texte ni de bataille en général ni de celle d'Harmaguédon en particulier. Ce que voit Jean, le visionnaire de Dieu, en levant à nouveau les yeux vers le ciel, c'est une scène du jugement à laquelle le Seigneur le fait assister. Ce n'est pas la première du genre, car il en a déjà vu d'autres semblables. La scène est double : le jugement est assimilé à une moisson et à une vendange.

Sur la nuée était assis quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme :

C'est le Messie dont le prophète Daniel avait dit en son temps : «Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées du ciel arriva quelqu'un de semblable à un fils d'homme» (Daniel 7:13). L'heure du jugement est venue et ce jugement sera exercé par le Fils de l'homme, par celui qui est devenu homme pour sauver les hommes et qui a reçu, pour cette raison même, le pouvoir de les juger. «Il reviendra pour juger les vivants et les morts», comme nous le confessons dans le Credo. Le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous les anges et s'assiéra sur son trône (Matthieu 25:31). Il viendra sur les nuées, lui dont les mains et les pieds ont été percés pour le salut des hommes (Apocalypse 1:7) et que Dieu a établi pour juger les vivants et les morts (Actes 10:42). C'est devant le tribunal du Christ que comparaîtront tous les hommes (2 Corinthiens 5:10). Il est celui que Dieu a choisi pour juger le monde (Actes 17:31). C'est un roi qui cumule les pouvoirs législatif et exécutif. Il porte en effet une couronne d'or, attribut de la royauté, et tient dans sa main une faucille, symbole de la justice.

Lance ta faucille... L'heure de la moisson est venue :

On a objecté à cette interprétation qu'un ange n'a pas d'ordre à donner au Christ, qu'il n'appartient à aucun ange d'autoriser Jésus à juger le monde. Soit! Cependant la Bible enseigne qu'il a reçu du Père le pouvoir de juger le monde parce qu'il est le Fils de l'homme (Jean 5:27). Jésus est vrai Dieu né du Père de toute éternité. Mais il est aussi vrai homme. C'est en tant que Dieu devenu homme qu'il a reçu ce pouvoir de son Père. L'ange qui l'invite à lancer sa faucille est un envoyé de Dieu, comme le souligne l'expression «il sortit du temple qui est dans le ciel». Il est là pour dire à Jésus-Christ que Dieu l'autorise maintenant à procéder au jugement du monde.

On ne moissonne pas un champ avant que les blés ne soient mûrs. On ne cueille pas les raisins d'une vigne avant l'heure. Il existe de même une heure pour le jugement divin. L'Evangile de Jean parle souvent de l'«heure» où la gloire de Dieu sera manifestée par le Christ (Jean 2:4; 7:6; 12:23.27). C'est une heure que Dieu choisit et qu'il choisit seul, le jour du jugement (Marc 13:32; Actes 1:7). Le jugement du monde n'aura pas lieu avant que le monde ne soit mûr pour cela, et pour qu'il soit mûr, il faut que l'Evangile ait été prêché à tous les hommes, que tous aient eu la possibilité de rencontrer le Christ et de croire en lui. C'est maintenant chose faite, comme le confirment deux anges. Deux faucilles sont jetées, l'une sur la terre qu'il s'agit de moissonner, et l'autre dans «la vigne de la terre» pour recueillir le raisin «dans la grande cuve de la colère de Dieu».

Bien des commentateurs rappelant qu'il n'y aura pas vraiment de jugement pour les croyants (Jean 5:24; 2 Thessaloniciens 1:5-10), estiment que les deux tableaux décrivent la même scène, que la moisson et la vendange sont toutes les deux l'illustration du jugement des impies. D'autres distinguent entre les deux scènes et pensent que le premier jet de la faucille symbolise la moisson par laquelle Dieu «amassera son blé dans le grenier» (Matthieu 3:12), tandis que le second jet consiste à vendanger le raisin pour le presser dans la cuve de la colère divine. En d'autres termes, la moisson représenterait le rassemblement des élus et leur introduction dans le ciel, tandis que la vendange symboliserait le jugement et la condamnation des incroyants. Deux faucilles apparaissent dans la vision : celle que le Christ tient dans la main et celle que brandit le deuxième ange (V.17). Il s'agit donc bien de deux faucilles distinctes. L'une moissonne pour le salut, l'autre vendange pour la damnation. L'une rassemble le blé dans le grenier divin, l'autre jette les raisins dans la cuve de la colère divine. Cependant si on s'en tient à l'énoncé du texte, il semble bien que la deuxième faucille ait été jetée non pas par celui qui «ressemblait à un fils d'homme», mais par l'ange qui surgit du temple après que le Christ eut jeté la sienne. Cela pourrait signifier, dans le cadre de cette vision, que si Jésus rassemble lui-même ses élus dans le ciel, il laisse à un subalterne, un de ces anges dont la Bible dit qu'ils l'accompagneront quand il reviendra pour le jugement, le soin de réunir les réprouvés et de les envoyer dans le pressoir de la colère divine, l'étang de feu et de soufre ou, si on préfère, l'enfer.

Un autre ange, qui avait autorité sur le feu, sortit de l'autel :

C'est l'autel des parfums, l'endroit même où les martyrs attendent que Dieu les venge (Apocalypse 6:9.10), où s'élèvent les prières des saints (Apocalypse 8:1-5; 11:1.2). C'est en réponse aux prières des martyrs et des saints que seront jugés la bête et ses adorateurs.

La cuve fut foulée hors de la ville et du sang en sortit :

Ce sont des images, rappelons-le. On a dans l'Ancien Testament la même évocation d'un Dieu qui foule le raisin dans sa colère (Esaïe 63:1-6). Les pressoirs de l'époque, taillés dans le roc, étaient faits de deux bassins. Dans le bassin supérieur on foulait les grappes en les piétinant. Le jus ainsi extrait était recueilli dans le bassin inférieur. Comme les raisins broyés dans le jugement divin sont innombrables, il faut une cuve énorme capable de recueillir tout le sang des damnés. Au tableau de la ville sainte qui avait été foulée aux pieds pendant quarante-deux mois (Apocalypse 11:2), Jean oppose celui du châtiment final et éternel des ennemis de Dieu et de son peuple.

Hors de la ville :

Pourquoi en dehors de l'enceinte de la ville? Apocalypse 22:15 répond clairement à cette question : rien d'impur ne peut entrer dans la ville sainte, la cité dont Dieu est l'architecte et le constructeur (Hébreux 11:10), la Jérusalem céleste où trônent Dieu et son Agneau. Etre châtié par Dieu, c'est être exclu de sa demeure sainte, de la Jérusalem céleste. Dehors est le lieu des ténèbres (Matthieu 8:12; 22:13; 25:30), de la réprobation et de la mort. C'est le lieu des impies (Hébreux 13:11-13; Actes 7:58; Apocalypse 22:15).

Jusqu'aux mors des chevaux, sur une étendue de 1.600 stades :

Un bain de sang effroyable, pire que ce qu'on voit dans la plus meurtrière des guerres que puissent se livrer les hommes. Il n'est pas question de cavalerie; le texte n'affirme pas que des chevaux étaient présents dans cette scène. Encore une fois, l'allusion à la bataille d'Harmaguédon est sans fondement. L'expression «jusqu'aux mors des chevaux» paraît n'être qu'une simple indication, un point de référence. Si des chevaux avaient dû franchir le fleuve de sang sortant de la cuve de la colère de Dieu, ils en auraient eu jusqu'aux mors. Ils y auraient péri noyés.

«Mille six cents stades» est un autre élément symbolique de la vision. Cela correspond approximativement à 300 kilomètres. Des flots de sang dans un rayon de 300 km ou sur une surface de 300 km2. Un vrai carnage! Pourquoi 1.600? Sans doute parce que c'est le nombre qu'on obtient en multipliant 4 par 4 puis par 100. Le chiffre 4 est le celui de l'espace. Il désigne les quatre points cardinaux, tandis que 100 exprime l'immensité. Dieu est patient et bon, ne voulant pas qu'aucun homme périsse, mais personne ne peut l'outrager et mépriser sa grâce impunément. Un châtiment terrible attend les rebelles qui ont préféré adorer la bête et servir d'autres dieux que le Créateur du ciel et de la terre qui a aimé le monde au point de sacrifier son Fils pour son salut.

Le message pour l'Eglise est double. Qu'elle se console en sachant que le jour vient où elle sera vengée de tous ceux qui lui ont fait du mal, et qu'elle soit vigilante pour que ce jour soit pour elle non pas un jour de jugement, mais celui de sa délivrance.

 


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13-février-2001, Rev. David Milette.