COMMENTAIRE SUR L'APOCALYPSE DE JEAN, par Dr. Wilbert Kreiss - index
Sixième vision: BABYLONE ET L'ANTI-EGLISE (chapitres 17:1-19:10)
Deux villes font l'objet des révélations des derniers chapitres de l'Apocalypse, Babylone, la prostituée (Apocalypse 17:1-19:10), et Jérusalem, la cité sainte et bénie (Apocalypse 21:9-22:9). En comparant les introductions et les conclusions des deux tableaux (Apocalypse 17:1-3; 21:9.10 et Apocalypse 19:9.10; 22:6-9), on est frappé par les similitudes et les contrastes entre les deux villes. La sixième vision de l'Apocalypse va nous faire assister au jugement de la grande prostituée. Le chapitre 17 l'annonce dès le premier verset. Il nous la présente, décrit la nature de cette puissance hostile au Christ et montre le rapport qui existe entre elle et la bête. Enfin, il annonce que Dieu destituera cette femme impie et prédit la victoire du Christ. Le chapitre suivant est l'annonce, de la part de Dieu, de la chute de Babylone et nous fait assister aux plaintes et gémissements des commerçants et des marchands dont la ville a fait la prospérité. Un énorme rocher qu'un ange jette dans la mer symbolise la chute de cette cité qui a fait couler le sang des prophètes et des saints. En voyant cela, les saints de Dieu entonnent un Alléluia à la gloire du Seigneur qui les a délivrés et les a invités au festin de l'Agneau.
La grande prostituée, ses débauches et sa destitution :
Puis un des sept anges qui tenaient les sept coupes vint, et il m'adressa la parole, en disant: Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui est assise sur les grandes eaux. C'est avec elle que les rois de la terre se sont livrés à l'impudicité, et c'est du vin de son impudicité que les habitants de la terre se sont enivrés. Il me transporta en esprit dans un désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms de blasphème, ayant sept têtes et dix cornes. Cette femme était vêtue de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d'or, remplie d'abominations et des impuretés de sa prostitution. Sur son front était écrit un nom, un mystère: Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre.Et je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je fus saisi d'un grand étonnement. Et l'ange me dit: Pourquoi t'étonnes-tu? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes. La bête que tu as vue était, et elle n'est plus. Elle doit monter de l'abîme, et aller à la perdition. Et les habitants de la terre, ceux dont le nom n'a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie, s'étonneront en voyant la bête, parce qu'elle était, et qu'elle n'est plus, et qu'elle reparaîtra. C'est ici l'intelligence qui a de la sagesse. Les sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est assise. Ce sont aussi sept rois: cinq sont tombés, un existe, l'autre n'est pas encore venu, et quand il sera venu, il doit rester peu de temps.
Et la bête qui était, et qui n'est plus, est elle-même un huitième roi, et elle est du nombre des sept, et elle va à la perdition. Les dix cornes que tu as vues sont dix rois, qui n'ont pas encore reçu de royaume, mais qui reçoivent autorité comme rois pendant une heure avec la bête. Ils ont un même dessein, et ils donnent leur puissance et leur autorité à la bête. Ils combattront contre l'agneau, et l'agneau les vaincra, parce qu'il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et les appelés, les élus et les fidèles qui sont avec lui les vaincront aussi. Et il me dit: Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations, et des langues. Les dix cornes que tu as vues et la bête haïront la prostituée, la dépouilleront et la mettront à nu, mangeront ses chairs, et la consumeront par le feu. Car Dieu a mis dans leurs coeurs d'exécuter son dessein et d'exécuter un même dessein, et de donner leur royauté à la bête, jusqu'à ce que les paroles de Dieu soient accomplies. Et la femme que tu as vue, c'est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre (Apocalypse 17:1-18).
Je te montrerai le jugement de la grande prostituée :
Les prophètes d'Israël avaient pour habitude de comparer les villes à des femmes (Esaïe 37:22; 66:7-14; Ezéchiel 16). L'Eglise, la Jérusalem de Dieu, a été représentée sous les traits d'une femme (Apocalypse 12:1) et le sera encore (Apocalypse 19:7.8; 21:2.9). L'Anti-Eglise ressemble elle aussi à une femme, mais une femme d'un autre genre. Celle qui symbolise l'Eglise chrétienne est parée d'ornements célestes (soleil, lune, étoiles). C'est une vierge pure et chaste, une épouse aimante et fidèle, tandis que les atours de la prostituée proviennent de ce monde. La femme symbole du peuple de Dieu enfante le Messie, offre au monde un Sauveur (Apocalypse 12:5), tandis que l'Anti-Eglise ressemble à Babylone, symbole d'impiété et ancien ennemi du peuple de Dieu qui gouvernait le monde et répandait partout la souillure de son iniquité. L'Eglise est unie au Christ et revêtue de son innocence et de sa justice, tandis que la femme de notre texte chevauche l'Antichrist et est une prostituée de la pire espèce, la «mère des prostituées et des abominations de la terre» (Apocalypse 17:5). L'Eglise se réfugie dans le désert où Dieu la protège (Apocalypse 12:6), tandis que l'Anti-Eglise vit dans le luxe et la luxure et est protégée par l'Antichrist et ses vassaux, les grands de la terre.
Assise sur les grandes eaux :
Ces grandes eaux rappellent le site de l'antique Babylone enserrée dans des fleuves et irriguée par de nombreux canaux. Elles symbolisent dans la vision les peuples, les foules, les nations et les gens aux langues innombrables que la prostituée a attirés vers elle, qu'elle a souillés de ses impuretés et qu'elle subjugue par sa séduction. Les rois de ces nations, attirés par cette femme voluptueuse comme la mouche l'est par le fumier, ont forniqué avec elle, mais le «vin de sa débauche» a enivré «les habitants de la terre» en général. Par ses charmes elle a exercé une séduction universelle. Rares sont ceux qui y ont échappé. Il s'agit certainement de fornication et de débauche au sens spirituel du terme. Ce sont des termes qui évoquent l'idolâtrie et le faux culte qui fleurissaient jadis à Babylone, l'infidélité, le reniement de la vérité et la course après de fausses doctrines et de fausses valeurs qui caractérisent si souvent la chrétienté.
Je vis une femme assise sur une bête écarlate :
Pour bien voir Babylone, la cité impure, la prostituée, il faut que Jean soit bien placé, à un endroit où rien ne vient déformer son regard, où personne ne peut influencer son jugement. Il est donc transporté en esprit dans le désert où rien ne vient altérer sa vue et perturber son esprit. De là il voit la prostituée assise sur une bête écarlate, la même bête que celle décrite dans Apocalypse 13:1. L'Eglise était elle aussi représentée comme une femme vivant au désert, mais ce désert-là est pour elle un refuge. Il est censé la protéger, bien que la vie qu'il lui assure soit faite de dénuement et de privations. Le désert par contre d'où Jean aperçoit Babylone est un lieu de solitude et de désolation. Il est le signe de ce que Babylone deviendra quand elle sera jugée par Dieu. Jean voit cette femme vêtue de pourpre et d'écarlate assise sur une bête elle aussi d'un rouge vif. Le rouge rappelle le sang, symbole de la violence et du crime, d'impureté et de souillure. Mais il rappelle aussi que la bête sur laquelle la femme est juchée est l'émissaire du dragon dont elle a la couleur (Apocalypse 12:3). Cette bête à sept têtes et à dix cornes et «pleine de noms de blasphème» n'est autre que l'Antichrist décrit précédemment (Apocalypse 13:1-10). «La belle et la bête» sont toutes les deux écarlates, éclaboussées par le sang des prophètes et des saints qu'elles ont répandu (Apocalypse 17:6). Babylone et la bête sont une unité. Elles vivent en osmose, sont liées l'une à l'autre comme un cavalier l'est à sa monture, et l'une et l'autre ont les traits du dragon dont elles sont les instruments.
Parée d'or, de pierres précieuses et de perles... coupe d'or remplie d'abominations... :
Babylone est une prostituée de luxe qui a manifestement «réussi en affaires», que ses clients ont richement récompensée. Elle est parée d'or, de pierres précieuses et de perles. Il existe un grand contraste entre cette créature parée d'or et de bijoux et ce que contient la coupe qu'elle tient dans la main. Elle a toutes les allures d'une reine, mais c'est une reine vicieuse. En effet, il y a dans sa coupe un affreux mélange d'abominations et d'impuretés. Elle est en or, comme le reste de ses joyaux, mais son contenu est infecte. Elle la tend à ceux qui tombent dans le piège de ses séductions et leur offre ce breuvage écoeurant, mais qui a le don d'attirer les foules.
Sur son front était inscrit un nom, un mystère... le mystère de la femme et de la bête qui la porte :
Le nom de la prostituée est inscrit sur son front. En cela, elle ressemble aux prostituées de Rome dont le nom était cousu ou brodé sur le bandeau qu'elles portaient sur le front. Elle s'appelle, bien sûr, Babylone. Son nom est appelé un mystère. En fait, il n'avait rien de bien mystérieux. Pour les juifs et les chrétiens, «Babylone» était un code pour désigner Rome, de même que les habitants de Rome appelaient leur ville «Amor», le contraire de «Roma», le nom de la déesse qui présidait aux destinées de la ville. Si le nom de Babylone est un mystère, c'est parce qu'il est symbolique. Il ne nous dit pas encore qui il désigne dans la vision de l'Apocalypse. Il désigne sans aucune doute Rome, la capitale du culte impérial et la citadelle de l'idolâtrie et du paganisme, qui avait répandu ses impudicités dans tout le monde de l'époque, la «mère des impudiques et des abominations de la terre». Mais Rome a cessé d'être la capitale d'un immense empire et n'est plus de nos jours qu'une ville parmi d'autres. Et pourtant Babylone, la prostituée, est encore là et continue de pratiquer ses impuretés et de commettre ses débauches. C'est un mystère. Il faut un oeil éclairé par la révélation divine, un coeur dans lequel brille la lumière de l'Evangile pour savoir qui est cette femme voluptueuse qui exerce un tel attrait sur les hommes, et qui est la bête sur laquelle elle est assise. L'homme naturel ne le sait pas, car cela fait partie des choses dont, selon l'apôtre Paul, on juge spirituellement (1 Corinthiens 2:14). Encore une fois, nous sommes dans la fin des temps, depuis que le Christ, ayant accompli sa mission, est remonté au ciel pour s'asseoir à la droite de son Père. Cette prostituée n'est pas un personnage dont nous devions encore attendre la venue, mais elle est là et accomplit ses impudicités depuis longtemps, tout comme l'Antichrist, la bête sur laquelle elle est assise, sévit depuis longtemps dans le monde. Cependant tout cela demeure énigmatique.
L'ange me dit : Pourquoi t'étonnes-tu? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête :
Jean utilise volontiers un procédé narratif pour relater les visions qui lui ont été accordées. Il s'agit d'un dialogue qu'il mène avec une créature céleste à laquelle il pose des questions ou aux questions de laquelle il répond. C'est une façon de rendre son récit plus vivant. Beaucoup de détails du texte sont une reprise d'une description antérieure, la vision de la bête d'Apocalypse 13:1-8. Cela confirme notre conviction que les tableaux des chapitres 17 à 22 reprennent et développent des visions antérieures, que nous n'avons pas affaire à une séquence linéaire et chronologique, mais que la structure de l'Apocalypse est cyclique.
Sept montagnes sur lesquelles la femme est assise. Ce sont aussi sept rois. Cinq sont déjà tombés, un existe, l'autre n'est pas encore venu :
Encore une parodie de Dieu et de sa royauté! Sept est le chiffre de Dieu, de la perfection divine. La prostituée est assise sur la bête à sept têtes. Celles-ci représentent à la fois sept montagnes et sept rois. De qui s'agit-il? Certains commentateurs songent aux anciennes puissances mondiales tombées les unes après les autres (Assyrie, Babylone, Mèdes, Perses, Grecs). Le roi qui existe encore représenterait l'empire romain dont l'hégémonie était universelle à l'époque où l'Apocalypse fut écrite. Quant au roi qui n'est pas encore venu, il symboliserait tous les royaumes de ce monde qui ont succédé et succèdent encore à l'empire romain. Cependant dans la vision de Daniel, l'empire romain est le quatrième en date et non le sixième (Daniel 2:40; 7:7). Et que deviennent dans cette interprétation les sept montagnes sur lesquelles la femme est assise?
Il est peut-être plus naturel de voir dans tout cela une allusion à Rome. La prostituée, Babylone, est dans un premier temps Rome, siège du culte impérial et quintessence de l'idolâtrie et du paganisme, et persécutrice des chrétiens. Les sept montagnes sur lesquelles est assise la prostituée (verset 9), sont les sept collines sur lesquelles était perchée la capitale de l'empire. Elle était connue comme la «urbs septicollis», la ville aux sept collines, constituée à l'origine de sept agglomérations perchées sur sept collines sur la rive gauche du Tibre. C'est le nom que lui donnaient des auteurs tels que Virgile, Martial, Cicéron et tant d'autres. On y célébrait chaque année la «fête aux sept collines». Dans ce cas, les sept rois dont cinq sont déjà tombés (verset 10) sont des personnages historiques, une succession d'empereurs romains. Quant aux dix rois qui sont les dix cornes de la bête et dont l'autorité ne dure qu'«une heure», ce pourraient être des vassaux des souverains romains.
Sept rois. Certains commentateurs ont tenté de déterminer qui pouvaient être ces sept souverains parmi les quinze empereurs qui se sont succédé sur le trône de Rome jusqu'au milieu du II siècle: Jules César (44 av. J.-C.), Auguste (31 av. J.-C.-14), Tibère (14-37), Caligula (37-41), Claudius (41-54), Néron (54- 68), Galba (68.69), Othon (69), Vitellius (69), Vespasien (69-79), Tite (79-81), Domitien (81-96), Nerva (96-98), Trajan (98-117) et Hadrien (117-138). Il est peut-être plus simple et plus conforme à la signification symbolique des chiffres de l'Apocalypse d'admettre que le nombre sept représente l'ensemble de l'empire romain et de ses chefs. Jean ne s'intéresse pas tellement à la chronologie du passé. Il tient par contre à affirmer que la fin est proche. Il le fait à l'aide du chiffre divin (sept rois, dont cinq sont tombés), là où d'autres auteurs apocalyptiques divisent l'histoire de l'humanité en douze périodes dont 9« sont révolues (2 Esdras 14:11), ou dix dont sept sont passées (1 Hénoc 93). Le but de ces différents schémas numériques est d'inculquer l'imminence de la fin des temps. L'empire romain, siège provisoire de l'Antichrist, ainsi que les entités et puissances de ce monde dans lesquelles il se réincarnera par la suite, n'ont plus que peu de temps à vivre avant la fin de toutes choses.
C'est ici l'intelligence qui a de la sagesse :
Il ne fallait pas de génie particulier pour identifier la bête sur laquelle la femme était assise à la ville de Rome. Cela allait de soi pour les lecteurs de l'époque. Mais que la prestigieuse et glorieuse capitale de l'empire romain pût être le siège de l'Antichrist et l'instrument des puissances démoniaques à l'oeuvre dans le monde, voilà qui était moins évident. Il fallait pour le discerner une intelligence régénérée, une sagesse guidée par l'Esprit de Dieu (1 Corinthiens 2:14-16).
La bête qui était et qui n'est plus est elle-même un huitième roi et elle est du nombre des sept :
Elle est un huitième roi tout en étant du nombre de sept. «Elle était et elle n'est plus», et pourtant elle revient. Etrange... La vision semble indiquer le retour d'un souverain qui a déjà régné. Ce que nous savons de l'empereur Néron (37-68 ap. J.-C.), qui avait incarné jusqu'à l'horreur la puissance persécutrice de Rome, ainsi qu'une légende qui courait à son sujet nous permettent peut-être de comprendre ce que veut dire notre texte. Soupçonné d'être à l'origine d'un incendie qui ravagea Rome en l'an 64, Néron détourna les soupçons sur les chrétiens et les en rendit responsables. Cousus dans des peaux de bêtes, il les fit crucifier en grand nombre et exposer à des chiens sauvages dans les arènes de la ville. D'autres furent enduits de poix, cloués sur des poteaux et transformés en torches vivantes. Après un début de règne prometteur, Néron était privé de sages conseillers et s'était engagé dans la voie d'un despotisme arbitraire et cruel. Ce régime suscita de nombreux complots. L'armée finit par se soulever contre lui. Un beau jour, il mourut dans des circonstances mystérieuses. La thèse officielle fut celle du suicide. Mais selon une croyance populaire, il était caché en un lieu inconnu en Orient, sans doute chez les Parthes, l'ennemi juré de Rome, dont il mobiliserait un jour l'armée pour la lancer contre Rome et se venger d'elle.
La vision de ce texte s'empare peut-être de cette croyance pour annoncer que la puissance persécutrice incarnée par Rome, la Babylone de l'époque, et plus particulièrement par l'empereur Néron, allait réapparaître sous une forme nouvelle et encore plus terrible. S'il en est ainsi, Babylone la prostituée éprise de luxe préfigurait pour Jean et ses lecteurs Rome, la cité aux sept collines, Rome la fastueuse et décadente, la «mère des impudiques et des abominations de la terre» (Apocalypse 17:5). Qu'on songe à l'impératrice Messaline, épouse de l'empereur Claude dont l'historien Juvénal, grand pourfendeur des vices de son époque, raconte qu'elle allait «travailler» incognito dans les maisons closes de Rome. Une indication parmi beaucoup d'autres de la terrible décadence morale de l'empire romain de cette époque! Cloaque d'un empire sur son déclin, qui ne survivait qu'au prix de nombreux complots et intrigues et se divertissait à voir des chrétiens brûler vifs ou jetés aux fauves.
Pour Jean, l'empire romain était l'incarnation de l'Antichrist. La Bible dit des prophètes de Dieu qu'ils «voulaient sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux» (1 Pierre 1:11). C'était sans vrai aussi de l'auteur de l'Apocalypse. Il ne savait peut-être pas que la dissolution de l'empire romain n'était que la préfiguration de la destruction finale de toutes les puissances hostiles au Royaume de Dieu. La difficile tâche de ceux qui lisent l'Apocalypse consiste à analyser les symboles utilisés en les plaçant dans le contexte de l'accomplissement ultime de toutes choses. Les deux, Babylone et Rome, sont pour nous, lecteurs du XX siècle, les préfigurations des puissances antichrétiennes à l'action dans ce monde. Chaque époque a sa Babylone et sa Rome, avec son culte des faux dieux, ses convoitises, son luxe et sa luxure, qui promettent tant et apportent si peu, qui éloignent les hommes de Dieu et leur font haïr ou tout au moins mépriser son Evangile.
Ils ont un même dessein, et ils donnent leur puissance et leur autorité à la bête :
Les rois et les grands de ce monde se liguent pour prêter main forte à la bête. Ils mettent leur autorité au service de l'Antichrist. Les croyants de l'ancienne alliance ont vécu cela quand ils furent déportés et qu'ils vécurent à Babylone, au sein d'une puissance hostile à Dieu, et les chrétiens de l'Eglise naissante en firent l'amère expérience quand ils durent vivre leur foi dans un empire où on prônait l'immoralité, célébrait le culte de faux dieux et persécutait ceux qui avaient le courage de résister à une telle infection. Plus tard, d'autres chrétiens connurent un sort semblable pendant les guerres de religion attisées par un pouvoir politique corrompu et au service du mensonge. Sans parler des chrétiens d'aujourd'hui qui sont les victimes d'idéologies intolérantes de toutes sortes et de fanatismes religieux hostiles au christianisme. On se ligue partout pour faire la guerre à l'Agneau. Mais l'issue de ce combat est claire : l'Agneau vaincra.
L'Agneau les vaincra, parce qu'il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois :
Que cela soit dit encore une fois : l'Agneau sortira vainqueur du combat que lui livrent les puissances du mensonge et du mal (Apocalypse 12:10.11; 15:1-5; 20:1-4). La prostituée, l'Anti-Eglise assistée par l'Antichrist, et l'Antichrist lui-même appelant à la rescousse une foule de rois avec leurs armées font face à l'Agneau que l'on voit seul. Il n'a pas besoin, lui, des forces et des armes de ce monde. Il vaincra seul contre tous, parce qu'il est le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois, le lion de la tribu de Juda, le Rédempteur divin. Dieu le Père l'a assis à sa droite. Il a tout mis sous ses pieds et l'a donné comme chef suprême à son Eglise. Voilà pourquoi il sortira vainqueur du grand combat qui l'oppose au dragon, à Satan et à toutes les puissances et forces qui sont présentement à son service. Que ce soit clair encore une fois et quelles que soient les apparences : la victoire est pour l'Agneau.
Les élus et les fidèles qui sont avec lui les vaincront aussi :
Le texte ne dit pas que les élus et les fidèles constituent l'armée mobilisée par l'Agneau pour combattre l'Antichrist. Quelle aide pourraient-ils en effet lui apporter et en quoi aurait-il besoin d'eux pour vaincre? Les chrétiens ne seront pas les auteurs, mais les bénéficiaires de cette victoire. L'Agneau remporte seul la victoire; mais cette victoire qui est la sienne et rien que la sienne, l'Agneau les y fera participer dans son amour. C'est lui qui se bat pour eux et non l'inverse.
Les dix cornes... et la bête haïront la prostituée..., la mettront à nu..., mangeront ses chairs... :
il existe une logique du mal qui veut qu'il engendre sa propre destruction. Dieu le condamne à cela. L'Anti-Eglise est à la fois tributaire de la puissance de l'Antichrist et des grands de ce monde et détruite par eux. Les rois de ce monde reçoivent leur autorité de la bête sur laquelle est assise la prostituée et en même temps ils se vengeront d'elle, la mettront à nu, la mangeront et la consumeront par le feu. Ils lui infligeront le châtiment que la loi d'Israël réservait aux prostituées, la mort par le feu (Lévitique 21:9).
Dieu a mis dans leur coeur d'exécuter son dessein... de donner leur royauté à la bête :
Ils ont reçu de la bête leur autorité (V.12) et en même temps ils la donnent à la bête (V.17), la mettent à son service. Pourquoi font-ils cela? Parce que Dieu a mis ce dessein dans leur coeur. Les rois de ce monde et tous ceux qui s'adonnent à l'incrédulité et à l'impiété sont livrés à l'aveuglement de leur coeur et demeurent les esclaves de leurs mauvaises pensées. Ils sont ainsi les prisonniers de la bête, des puissances du mal. Le récit des plaies d'Egypte affirme qu'après que Pharaon eut endurci son coeur, Dieu l'endurcit à son tour (Exode 7:22; 8:28; 9:7.35 et Exode 10:20.27; 11:10). La Bible est formelle à ce sujet : Dieu a livré les païens à l'impureté de leur coeur, à des passions infâmes et à leur sens réprouvé (Romains 1:24-28), comme il avait, selon Etienne, livré son peuple infidèle au culte de l'armée du ciel (Actes 7:42).
Jusqu'à ce que les paroles de Dieu soient accomplies :
Dieu tient toutes choses entre les mains. Il ne tolère pas qu'on méprise la grâce surabondante qu'il offre aux hommes en Jésus-Christ et, dans un juste jugement, il sait livrer aux puissances du mal ceux qui endurcissent leur coeur, y met aussi un terme et provoque la chute et la destruction de l'Anti-Eglise et des puissances qui la gouvernent. Tout se fait selon sa Parole. Quand ce qu'il a promis sera accompli et que son plan sera exécuté, la grande prostituée cessera de séduire les hommes et de les souiller par ses impudicités, et les rois de la terre ne soutiendront plus l'Antichrist. Alors ce sera la fin. La grande prostituée cessera d'exercer «la royauté sur les rois de la terre». Toute mauvaise volonté qui s'oppose à la venue du règne de Dieu sera définitivement brisée, Satan et les siens rendront leurs armes, et l'Agneau partagera sa victoire avec «les élus et les fidèles».
C'est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre :
Le texte décline l'identité de la prostituée. Il s'agit bien de Rome, la maîtresse des nations, celle à qui les rois de la terre, d'un bout à l'autre du monde de l'époque, de la Bretagne et de la Gaule à l'Asie Mineure, se sont soumis. Les crimes commis par ce condamné qu'on va exécuter sont énumérés au chapitre suivant.
La destruction de Babylone, les lamentations et la joie qu'elle suscite :
Après cela, je vis descendre du ciel un autre ange, qui avait une grande autorité; et la terre fut éclairée de sa gloire. Il cria d'une voix forte, disant: Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux, parce que toutes les nations ont bu du vin de la fureur de son impudicité, et que les rois de la terre se sont livrés avec elle à l'impudicité, et que les marchands de la terre se sont enrichis par la puissance de son luxe.Et j'entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux. Car ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités. Payez-la comme elle a payé, et rendez-lui au double selon ses oeuvres. Dans la coupe où elle a versé, versez-lui au double. Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe, autant donnez-lui de tourment et de deuil. Parce qu'elle dit en son coeur: Je suis assise en reine, je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil!
A cause de cela, en un même jour, ses fléaux arriveront, la mort, le deuil et la famine, et elle sera consumée par le feu. Car il est puissant, le Seigneur Dieu qui l'a jugée. Et tous les rois de la terre, qui se sont livrés avec elle à l'impudicité et au luxe, pleureront et se lamenteront à cause d'elle, quand ils verront la fumée de son embrasement. Se tenant éloignés, dans la crainte de son tourment, ils diront: Malheur! malheur! La grande ville, Babylone, la ville puissante! En une seule heure est venu ton jugement!
Et les marchands de la terre pleurent et sont dans le deuil à cause d'elle, parce que personne n'achète plus leur cargaison, cargaison d'or, d'argent, de pierres précieuses, de perles, de fin lin, de pourpre, de soie, d'écarlate, de toute espèce de bois de senteur, de toute espèce d'objets d'ivoire, de toute espèce d'objets en bois très précieux, en airain, en fer et en marbre, de cinnamome, d'aromates, de parfums, de myrrhe, d'encens, de vin, d'huile, de fine farine, de blé, de boeufs, de brebis, de chevaux, de chars, de corps et d'âmes d'hommes. Les fruits que désirait ton âme sont allés loin de toi; et toutes les choses délicates et magnifiques sont perdues pour toi, et tu ne les retrouveras plus. Les marchands de ces choses, qui se sont enrichis par elle, se tiendront éloignés, dans la crainte de son tourment; ils pleureront et seront dans le deuil, et diront: Malheur! malheur! La grande ville, qui était vêtue de fin lin, de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles! En une seule heure tant de richesses ont été détruites!
Et tous les pilotes, tous ceux qui naviguent vers ce lieu, les marins, et tous ceux qui exploitent la mer, se tenaient éloignés, et ils s'écriaient, en voyant la fumée de son embrasement: Quelle ville était semblable à la grande ville? Et ils jetaient de la poussière sur leurs têtes, ils pleuraient et ils étaient dans le deuil, ils criaient et disaient: Malheur! malheur! La grande ville, où se sont enrichis par son opulence tous ceux qui ont des navires sur la mer, en une seule heure elle a été détruite! Ciel, réjouis-toi sur elle! Et vous, les saints, les apôtres, et les prophètes, réjouissez-vous aussi! Car Dieu vous a fait justice en la jugeant.
Alors un ange puissant prit une pierre semblable à une grande meule, et il la jeta dans la mer, en disant: Ainsi sera précipitée avec violence Babylone, la grande ville, et elle ne sera plus trouvée. Et l'on n'entendra plus chez toi les sons des joueurs de harpe, des musiciens, des joueurs de flûte et des joueurs de trompette, on ne trouvera plus chez toi aucun artisan d'un métier quelconque, on n'entendra plus chez toi le bruit de la meule, la lumière de la lampe ne brillera plus chez toi, et la voix de l'époux et de l'épouse ne sera plus entendue chez toi, parce que tes marchands étaient les grands de la terre, parce que toutes les nations ont été séduites par tes enchantements, et parce qu'on a trouvé chez elle le sang des prophètes et des saints et de tous ceux qui ont été égorgés sur la terre (Apocalypse 18:1-24).
L'Anti-Eglise, l'Eglise infidèle et apostate ressemble à ce point à la puissance qui l'inspire, l'Antichrist auquel elle se livre corps et âme, qu'elle a été assimilée à une prostituée portant sur le front le nom de Babylone. La prostituée et Babylone se ressemblent comme deux gouttes d'eau : l'une et l'autre se livrent à la débauche et commettent une impudicité après l'autre (Apocalypse 17:5; 18:3). L'Anti-Eglise et l'Antichrist sont abreuvés du sang des martyrs et des prophètes (Apocalypse 17:6; 18:24). Elle est si peu différente de celui avec qui elle se vautre dans la débauche qu'elle est identifiée à lui.
Après la destitution de la prostituée décrite dans le chapitre précédent (Apocalypse 17:16), des voix célestes proclament la chute de son amant, l'Antichrist comparé à l'ancienne Babylone. Ces voix invitent le peuple de Dieu à échapper à sa destruction. Nombreux seront ceux qui pleureront la ville apostate, surtout ceux à qui elle a procuré richesses et prestige. Le jugement de Babylone est celui qui est décrit dans l'Apocalypse avec le plus de détails. Il faut que les gens sachent que cette grande ville, aussi imprenable et invincible qu'elle paraisse, est vouée à l'extermination. Elle semble indestructible comme l'ancienne Babylone dont Nebucadnetsar s'enorgueillissait tant, mais elle sera détruite comme elle. Dieu est plus fort que toutes les puissances impies de ce monde.
Le chapitre 18 de l'Apocalypse est bâti sur le plan A B C B' A' :
Je vis descendre du ciel un autre ange :
Le dragon (Satan) et ses deux bêtes (l'Antichrist et le faux-prophète) et tout le mal qu'ils font dans le monde avaient surgi de la terre ou de l'abîme. Les agents de Dieu et la nouvelle Jérusalem, eux, descendent du ciel. D'un côté, Satan et les puissances infernales; de l'autre, Dieu, son plan et son oeuvre célestes.
Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande :
La chute de Babylone est décrite en des termes qui rappellent la prise de la ville par Cyrus, le roi des Perses, en 539 av. J.-C. : «Elle est tombée, elle est tombée, Babylone, et toutes les images de ses dieux sont brisées par terre» (Esaïe 21:9). C'est la même nouvelle que dans une vision précédente (Apocalypse 14:8). Mais il y a peut-être une différence. La première annonce de la chute de Babylone signifiait peut- être sa destruction par la prédication de l'Evangile dans le monde, tandis que dans notre texte nous la voyons terrassée par le jugement divin quand la colère du Seigneur s'abat sur elle et la consume entièrement. Babylone, à l'époque où l'Apocalypse fut écrite, représentait Rome et le pouvoir impérial avec son culte idolâtre et son opposition à Dieu et à son Agneau. «Elle est tombée, elle est tombée». Rome est bel et bien tombée; l'empire romain n'existe plus. Mais les puissances incarnées par l'antique Rome sont toujours à l'action. Elles ne cessent de resurgir sous des formes nouvelles. Cependant le jour viendra où Babylone tombera définitivement pour ne plus jamais se relever. Sa chute définitive est à ce point certaine que le chapitre 18 de l'Apocalypse la présente comme réalisée. Ce n'est qu'une question de temps.
Habitation de démons... repaire de tout oiseau impur et odieux :
La destruction de Babylone est totale. Elle n'est plus qu'un champ de ruines délaissées par les hommes, un repaire de démons et d'animaux sauvages. Cette description rappelle elle aussi l'hallucinant tableau fait par le prophète Esaïe de la destruction de l'ancienne capitale de la Babylonie: «Babylone, l'ornement des royaumes, la fière parure des Chaldéens, sera comme Sodome et Gomorrhe que Dieu détruisit. Elle ne sera plus jamais habitée, elle ne sera plus jamais peuplée. L'Arabe n'y dressera point sa tente et les bergers n'y parqueront point leurs troupeaux. Les animaux du désert y prendront leur gîte, les hiboux rempliront ses maisons, les autruches en feront leur demeure et les boucs y sauteront. Les chacals hurleront dans ses palais et les chiens sauvages dans ses maisons de plaisance» (Esaïe 13:19-22). On se représentait à l'époque les démons comme hantant les lieux déserts et les ruines. Dans Marc 5:3, il est précisé que le démoniaque de Gadara possédé d'innombrables démons hantait les sépulcres. Les ruines, les habitations délaissées par les hommes sont aussi des lieux privilégiés pour les animaux sauvages. Du fait qu'ils hantent ces lieux, ils ont quelque chose d'inquiétant.
Toutes les nations ont bu du vin de la fureur de sa débauche :
La grande prostituée, la ville impie a enivré les nations du monde entier. Elle a étendu son filet sur tous les peuples de la terre et forniqué avec eux, c'est-à-dire les a livrés à ou endurcis dans l'idolâtrie. Mais ce qui était le vin de la débauche devient pour Babylone celui de la colère divine. Dans le temps elle était courtisée, adulée, littéralement adorée par tous ceux à qui elle avait procuré plaisirs, richesse et gloire. C'était vrai aussi de Rome qui avait fourni richesses et prospérité à ses vassaux et à tous les territoires conquis par elle. Elle faisait régner la «pax romana». Mais à quel prix? Celle-ci n'était qu'un vaste système d'exploitation politique et économique, avec, en cas de besoin, le recours à la cruauté et la violence. De même que l'ancienne Babylone assise au milieu des fleuves attirait à elle et enrichissait de nombreux commerçants, imitée plus tard par Rome, ainsi la Babylone actuelle attire à elle beaucoup de monde. Nombreux sont ceux qui, grâce à elle, ont fait fortune.
Mais elle est «la mère des prostituées et des abominations de la terre» (Apocalypse 17:5) qui s'est vautrée dans la débauche avec ses courtisans, les rois de la terre et les puissants de ce monde. Elle a tendu aux nations une coupe d'or remplie du vin de sa débauche. C'est pourquoi, Dieu lui versera dans cette même coupe une quantité double de jugements et de châtiments. Il lui sera rendu «au double» : le châtiment sera total, sans rémission, sans circonstances atténuantes. Il est donc important de la fuir si on ne veut pas être châtié avec elle.
Sortez du milieu d'elle, mon peuple :
Une autre voix s'adresse au peuple de Dieu. Sans doute est-ce la voix du Christ, puisqu'il lui dit «mon peuple» et qu'il est distinct de Dieu. Les croyants habitent comme tous les hommes du monde au milieu d'une ville qui va être détruite. Ils ressemblent en cela à Lot et les siens que Dieu n'a pas voulu châtier en même temps que les autres habitants de Sodome. Que les chrétiens se dépêchent de fuir et qu'ils ne fassent pas comme la femme de Lot qui regarda en arrière, regrettant de devoir tout abandonner. Avant que ne vienne le jugement final de Babylone, Dieu demande à tous les membres de son Eglise de rompre tout lien avec l'Anti-Eglise, la prostituée de l'Antichrist.
Le Seigneur avait reproché à l'Eglise de Thyatire de laisser agir Jézabel, une prophétesse qui encourageait les chrétiens à se conformer au monde et à faire quelques compromis avec le paganisme pour faire progresser leurs affaires (Apocalypse 2:20-23). Des Thyatires et des Jézabels, il y en a eu de tout temps. D'innombrables chrétiens se sont rendus coupables d'assimilation, de compromis, de reniements et d'infidélités de toutes sortes, persuadés que cela leur serait profitable et que leur foi ne courait pas de risque. Mais on ne peut pas servir à la fois Dieu et les puissances du mal. On ne peut pas clocher des deux côtés, marcher d'une jambe sur le chemin étroit qui mène à la vie éternelle, et de l'autre sur le chemin large qui conduit à la perdition éternelle. Dans la vie, il y a des choix à faire. Il s'agit pour les chrétiens de ne pas se conformer au monde (Romains 12:2), à ses religions et ses valeurs, de n'avoir aucune part avec Babylone, de se détourner radicalement du mensonge, de l'impiété et du mal. C'est à cette condition qu'ils seront épargnés quand le Seigneur châtiera Babylone et tous ceux qui s'adonnent aux puissances antichrétiennes de ce monde.
Dieu s'est souvenu de ses iniquités :
Dieu avait dit à Abraham : «Le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru et leur péché est énorme» (Genèse 18:20). Les péchés commis par tous ceux qui se détournent de Dieu comme une femme infidèle de son mari et qui servent d'autres divinités crient vengeance. C'est un cri que Dieu entend et auquel il réagit quand le moment pour cela est venu. Il sera rendu à Babylone «au double selon ses oeuvres». Elle boira «au double» de ce qu'elle a donné à boire aux hommes; mais au lieu du vin de la débauche, ce sera celui de la colère. Elle a détourné d'innombrables gens de Dieu, Créateur et Seigneur du ciel et de la terre et source de toute vie. La justice divine exige une double rétribution. La honte et les tourments de Babylone seront à la mesure de la gloire qui était la sienne et du luxe dans lequel elle s'est vautrée.
Je suis assise en reine, je ne suis point veuve et je ne verrai point de deuil :
L'ancienne Babylone, imitée plus tard par Rome, le cité éternelle, s'était glorifiée de son pouvoir et de son prestige. Elle s'était crue imprenable, était convaincue qu'elle ne tomberait jamais. Jamais elle n'avait perdu de guerre. Elle ignorait ce qu'étaient la défaite et l'humiliation, n'avait jamais porté des habits de veuve, ne savait pas ce qu'était le deuil. Et pourtant elle est tombée, l'ancienne cité des Chaldéens, solidement assise sur les rives du Tigre et de l'Euphrate. Il en sera de même de la Babylone d'aujourd'hui. Tous les fléaux prédits sur elle vont s'abattre sur elle «en un même jour», soudain, à l'improviste, sans prévenir. La chose est tellement certaine que Jean la voit déjà accomplie. Il voit le feu du châtiment divin embraser la cité, la fumée s'élever de ses ruines.
Sortez... , rendez-lui au double..., donnez-lui :
Ceux-là même qu'elle a séduits, pris dans les mailles de son filet, opprimés et malmenés, participeront à son jugement. Jésus annonce à ses disciples qu'au dernier jour ils seront assis sur douze trônes et qu'ils jugeront les douze tribus d'Israël (Matthieu 19:28), et l'apôtre Paul enseigne que les saints jugeront le monde (1 Corinthiens 6:2). Quel terrible changement de condition pour Babylone : de la gloire à la honte, de la richesse à la misère, du luxe aux tourments! Son sort rappelle celui du riche paysan de la parabole qui mourut au moment même où il formait de grands projets de construction et d'investissements (Luc 16:19-31).
Tous les rois... pleureront et se lamenteront :
Babylone avait eu de nombreux alliés. Ses empereurs avaient conquis et annexé des royaumes ou conclu des traités et signé des contrats avec d'autres puissances de l'époque. Plus tard, Rome avait fait de même. De nombreux vassaux étaient protégés par elle et trouvaient dans le commerce au sein de l'empire romain une source de richesses. Tous ces rois, grands et petits, les chefs, les aristocrates et la classe dirigeante des provinces les plus reculées qui avaient vécu et prospéré à l'ombre de Rome portent le deuil. Leur protectrice et bienfaitrice n'est plus.
Ce texte est la description vivante de la chute d'une ville superbe. Cette page si haute en couleurs est digne des plus beaux textes prophétiques. Les rois de la terre et tous ceux qu'a enrichis cette ville glorieuse et à la fois maudite sont dépeints debout devant ses remparts et assistant médusés, saisis d'horreur et de désespoir, au châtiment qui la frappe, à l'incendie qui l'embrase et que rien ne peut éteindre, car il vient de Dieu. Celle qui faisait leur orgueil, leur richesse et leur plaisir part en fumée et sera réduite en cendres. C'en est fini des trésors qu'elle leur offrait et des joies qu'elle leur procurait! Rien d'étonnant à ce qu'ils s'écrient : «Malheur! Malheur! La grande ville, Babylone, la puissante! En une seule heure est venu ton jugement!»
Or, argent, pierres précieuses, perles, fin lin, pourpre, soie... :
Aux rois de la terre font écho les armateurs et capitaines au long cours, tous ceux qui s'étaient livrés avec Babylone à un commerce qui les avait enrichis en peu de temps. Le texte énumère les métaux précieux et les produits de luxe que les empereurs de Babylone accumulaient dans l'enceinte de leur ville et distribuaient à leurs courtisans, à la fois pour étaler leurs richesses et pour les récompenser de leur fidélité. On faisait fortune quand on était dans leurs bons papiers. Plus tard, Rome avait imité Babylone, trafiquant avec l'Espagne, la Gaule, la Bretagne, l'Egypte, l'Asie Mineure et même la Chine.
Le texte dresse la liste presque interminable de toutes les denrées achetées et vendues d'un bout à l'autre du monde, depuis les métaux précieux jusqu'aux animaux, en passant par les tissus, l'ivoire, les bois précieux, les parfums et les fruits. Une richesse et un luxe incroyables qui n'ont cessé d'attiser la convoitise des hommes, de l'Antiquité à nos jours. Tout cela, qui faisait la fortune et la gloire de villes comme Babylone et Rome, est une image, une parabole. Ces richesses symbolisent tous les faux trésors des hommes, tout ce qui fait qu'ils sont riches, mais, à l'image du riche insensé de la parabole, pas riches en Dieu (Luc 12:16-21). Ce sont les fausses richesses de la sagesse et des idéologies de ce monde qui sont bâties sur tout sauf sur la crainte de Dieu et qui pour cela ne subsisteront pas, mais s'écrouleront en leur temps, au plus tard au jour du jugement.
Les rois de ce monde pleurent devant les ruines de Babylone. Nous avons dit qu'il s'agit d'une vision. En réalité, ils périront avec elle. Les courtisans de Babylone connaîtront le même sort que leur idole. Ce n'est pas seulement Babylone avec sa puissance antichrétienne, mais le monde entier qui périra.
Et tous les pilotes..., les marins... se tenaient éloignés :
Ils pleurent tous sur Babylone. En réalité ils pleurent sur eux-mêmes, car la source de leur biens tarit. La métropole qui les avait enrichis ne peut plus rien pour eux. Elle est en ruines. Combien de fois n'avaient-ils pas fait le voyage à Babylone pour charger leurs navires de ces denrées qui faisaient leur richesse et la joie de leurs clients? Chaque fois qu'ils s'approchaient de la ville, leur coeur s'était mis à battre plus vite. Et que voient-ils maintenant? Des ruines d'où s'échappent encore quelques volutes de fumée. Ils se tiennent «éloignés». A quoi bon s'approcher encore d'une ville qui n'a plus rien à leur offrir?
La grande ville qui était vêtue de fin lin, de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles :
La description que les marchands font de la ville est semblable à celle que Jean avait faite de la prostituée (Apocalypse 17:4). A un mot près : ils ajoutent le fin lin, car ce produit précieux avait fait partie des cargaisons qu'ils avaient livrées à Babylone (versets 12.13). La ressemblance entre la prostituée et la ville est frappante. S'il existe des prostituées de bas de gamme et des villes pauvres au budget déficitaire, il existe aussi des prostituées de luxe, richement vêtues et aux gages élevés et des villes qui croulent sous le poids de leurs richesses.
Le texte évoque les privilégiés du système. D'un côté, les rois, gouverneurs et aristocrates, et de l'autre, les grands commerçants, les armateurs propriétaires de toute une flotte de bateaux sillonnant les mers, les cales remplies de trésors. Il laisse dans l'ombre les victimes, les travailleurs de force, les esclaves, les laissés pour compte, les exploités en tous genres. Eux qui ont pleuré parce qu'ils étaient contraints d'enrichir les autres, n'ont pas de larmes à répandre sur les ruines d'une ville qui ne s'est guère souciée à leur bonheur. Les privilégiés du régime, eux, n'en reviendront pas : «en une seule heure» (verset 16), la ville bien-aimée qu'ils n'ont cessé de courtiser s'écroule.
Ciel, réjouis-toi! Et vous, les saints, les apôtres et les prophètes, réjouissez-vous!
Les« rois de la terre», les «marchands de la terre», les «marins et tous ceux qui exploitent la mer» (Apocalypse 18:9.11.17), tous ceux qui sont issus de la terre et de la mer, domaine de la bête (Apocalypse 13:1.11), pleurent. Le ciel, le domaine de Dieu, de l'Agneau et de son peuple, le paradis des saints, des apôtres et des prophètes, quant à lui, est invité à se réjouir. Tous ne pleurent pas et ne se lamentent pas. Il est des hommes qui n'attendaient rien de Babylone, que ses richesses, son luxe et ses plaisirs n'attiraient pas. Eux ne versent aucune larme sur elle. Au contraire, leur coeur est rempli de joie. Les anges dans le ciel, les saints, les apôtres et les prophètes, tous ceux qui ont dit non au péché et au mal et ont pris plaisir au bien, en particulier tous ceux qui ont eu à souffrir de la méchanceté de Babylone, expriment leur joie. La ville maudite, symbole de toutes les puissances antichrétiennes de ce monde, qui semblait appelée à dominer éternellement le monde, a eu le salaire mérité.
Les «habitants de la terre» s'étaient réjouis quand on avait assassiné les deux témoins de Dieu et jeté leurs cadavres dans la rue (Apocalypse 11:7-10). «Ceux qui habitent dans le ciel» (Apocalypse 13:6), les élus et les bienheureux, mais aussi tous les chrétiens qui font dès maintenant partie du Royaume des cieux, se réjouissent. Ils ont connu ou connaissent encore sévices et brimades, moqueries et injures, parfois même les persécutions sanglantes. On les a malmenés et outragés et ils se sont tus, car ils laissaient à Dieu le soin de les venger. Ils ont remis leur cause entre les mains du Seigneur. Parfois, tenaillés par l'impatience, ils lui demandaient de les venger enfin (Apocalypse 6:10). Ils se souvenaient de la promesse de Jésus : «Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t- il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice. Mais quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre?» (Luc 18:7.8).
Une pierre semblable à une grande meule :
Un jour, le prophète Jérémie, grand spécialiste des gestes symboliques, avait ordonné à un certain Seraja de se rendre à Babylone et d'y lire un oracle sur la chute de cette ville, puis d'attacher une pierre au manuscrit et de le jeter dans l'Euphrate, en disant: «Ainsi Babylone sera submergée. Elle ne se relèvera pas des malheurs que j'amènerai sur elle; ils tomberont épuisés» (Jérémie 51:59-64).
Jean assiste à un geste semblable. Un «ange puissant», car il faut de la force pour faire cela, soulève une pierre énorme et la jette dans la mer. Ne demandons pas laquelle. La mer est le domaine de la bête, de l'Antichrist. C'est un geste symbolique d'une grande éloquence, expliqué par l'ange lui-même. Il signifie la chute de Babylone. Les puissances antichrétiennes à l'action dans ce monde ressemblent à la fois à une ville qui brûle et est lentement réduite en cendres, et à une grande pierre engloutie par la mer. Il ne restera plus rien de Babylone. Sa destruction sera totale, comme la vision l'avait déjà annoncé au début du chapitre (versets 1.2).
On ne la retrouvera plus... Le son des joueurs de harpe, des musiciens..., le bruit de la meule..., la lumière de la lampe..., la voix de l'époux et de l'épouse :
Babylone disparaîtra à tout jamais. L'anéantissement de la ville est décrit dans ses effets négatifs. On n'y entendra plus le son des instruments de musique, ni les bruits qui s'échappent habituellement des ateliers des artisans et des échoppes des commerçants, ni la voix des jeunes époux au jour de leur mariage. Le forgeron n'y battra plus son enclume, le maçon n'y gâchera plus son mortier, le camelot ne parcourra plus ses rues en vantant sa marchandise. Tous les témoins de la vie, tout ce qui indique qu'il y a de la vie dans une ville et qu'on est heureux d'y vivre, tout cela a disparu. On n'y verra même plus la lumière des lampes. Silence absolu et obscurité intégrale. Babylone sera ville morte, et pour toujours! Ce n'est plus cette bête qui était, qui n'est plus et qui reparaîtra (Apocalypse 17:8), cette hydre qu'on croyait disparue et qui resurgit toujours à nouveau. Cette fois-ci, c'en est fini de Babylone. Et elle ne sera jamais rebâtie. Aujourd'hui encore, Babylone, l'ancienne capitale des Chaldéens, n'est qu'un monceau de ruines en Irak, où on ne pourrait plus vivre et qui n'attirent plus que quelques touristes. Un jour, il en sera ainsi de toutes les puissances démoniaques hostiles à Dieu, à son Evangile et aux croyants.
Pour finir, la vision rappelle la domination quasi universelle exercée par Babylone : elle séduisait par ses enchantements les grands de la terre et toutes les nations. Et à quel prix a-t-elle exercé une telle emprise? En répandant «le sang des prophètes, des saints et de tous ceux qui ont été égorgés sur la terre». L'Egypte avait asservi et fait cruellement souffrir le peuple d'Israël. Babylone l'avait humilié et emmené en exil. Rome se mit de plus en plus à faire couler le sang des martyrs qui devint la semence de l'Eglise chrétienne. De tout temps, les puissances diaboliques, actives jadis en Egypte, à Babylone et à Rome, ont manifesté leur hostilité à Dieu et à son règne, fait couler le sang innocent et opprimé le peuple de Dieu. Mais dans la vision que le Seigneur accorde à Jean et qui doit rappeler qu'il est le Seigneur du monde et de son histoire et consoler son peuple opprimé, Babylone est détruite et reçoit au double de son iniquité. Dieu est juste. Le péché ne reste pas impuni.
Alléluia, la prostituée est destituée !
Après cela, j'entendis dans le ciel comme une voix forte d'une foule nombreuse qui disait: Alléluia! Le salut, la gloire, et la puissance sont à notre Dieu, parce que ses jugements sont véritables et justes; car il a jugé la grande prostituée qui corrompait la terre par son impudicité, et il a vengé le sang de ses serviteurs en le redemandant de sa main. Et ils dirent une seconde fois: Alléluia! ...et sa fumée monte aux siècles des siècles. Et les vingt-quatre vieillards et les quatre êtres vivants se prosternèrent et adorèrent Dieu assis sur le trône, en disant: Amen! Alléluia! Et une voix sortit du trône, disant: Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands!Et j'entendis comme une voix d'une foule nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne. Réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse, et donnons-lui gloire; car les noces de l'agneau sont venues, et son épouse s'est préparée, et il lui a été donné de se revêtir d'un fin lin, éclatant, pur. Car le fin lin, ce sont les oeuvres justes des saints. Et l'ange me dit: Écris: Heureux ceux qui sont appelés au festin de noces de l'agneau! Et il me dit: Ces paroles sont les véritables paroles de Dieu. Et je tombai à ses pieds pour l'adorer; mais il me dit: Garde-toi de le faire! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères qui ont le témoignage de Jésus. Adore Dieu. -Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie (Apocalypse 19:1-10).
Ce texte constitue une doxologie, un Alléluia à la gloire du Dieu tout-puissant qui triomphe de ses ennemis. C'est une liturgie qui, comme toutes les liturgies de l'Apocalypse, a une double fonction. Elle est tout d'abord la réponse du ciel aux actes divins qui viennent d'être relatés, et rappelons que le culte célèbre aussi bien les faits du salut accomplis par Dieu que ses jugements. Ensuite, elle prélude aux dernières grandes révélations de ce livre. Une voix avait invité le ciel, les saints, les apôtres et les prophètes à se réjouir de la chute de Babylone (Apocalypse 18:20). Les quatre Alléluias qui ponctuent la liturgie céleste sont la réponse des élus et des bienheureux à cet appel. La grande prostituée est destituée, Babylone est détruite. Le Seigneur est entré dans son règne. Tel est le message de cette dernière section de la sixième vision accordée à Jean.
Alléluia!... Alléluia!...Alléluia!... Alléluia!
Quatre Alléluias pour proclamer la victoire de Dieu et la joie qu'on éprouve dans le ciel en constatant la chute de l'Antichrist et de son Anti-Eglise. De même que les anges se réjouissent chaque fois qu'un pécheur se repent et retrouve la maison du Père (Luc 15:7.10), de même ils tressaillent de joie en assistant à la victoire finale de Dieu. Non qu'ils aient pu en douter, mais elle aura mis si longtemps à se manifester! Le texte oppose la chute terrible de la prostituée au bonheur et à la gloire de l'épouse de l'Agneau.
Dans le chapitre précédent, on nous a fait entendre trois lamentations, les sanglots des rois de la terre, des marchands qui empruntent les routes et les pistes, et des marins qui sillonnent les mers et qui pleurent la chute et assistent à l'embrasement de la ville qu'ils ont tant aimée parce qu'elle leur a tant apporté (Apocalypse 18:9.11.15). A ces trois litanies correspondent quatre Alléluias, des cris de louange poussés par les adorateurs de Dieu et de son Agneau. Le salut est achevé, et ils en rendent gloire au Seigneur en un Laudate Dominum mélodieux.
«Alléluia» est un mot hébreu qui signifie «louez Yahvé». C'est dans ce texte que l'expression apparaît pour la première fois dans le Nouveau Testament, et cela, comme il convient de le noter, dans un contexte où il est question des jugements de Dieu. Les psaumes appelés Psaumes du Hallel (Psaumes 113-118) faisaient partie du rituel de la Pâque juive. Ce sont les psaumes que Jésus chanta avec ses disciples en célébrant la Pâque (Matthieu 26:30). Or cette fête commémorait la victoire de Dieu sur un tyran, le pharaon d'Egypte, et la délivrance des Hébreux, la fin de leur oppression. Les juifs chantaient «Alléluia» en commémorant l'Exode. Il est donc juste, bon et salutaire que le peuple de Dieu de la nouvelle alliance chante «Alléluia» pour célébrer la chute de Babylone, de toutes les puissances du mal qui se sont opposées au Seigneur et à ses enfants. Ce faisant, les chrétiens confessent que la victoire sur leurs ennemis, la délivrance et le salut sont l'oeuvre de leur Dieu. Les rachetés chantent sa «gloire» et sa «puissance». L'empereur de Rome faisait célébrer sa puissance et sa gloire et se faisait acclamer comme le Sauveur des nations. La puissance et la gloire de Dieu sont tellement plus grandes. Il y a longtemps que Jules César, Auguste, Néron, Vespasien et consorts ont disparu avec leur empire, cédant la place à d'autres puissances, qui disparaîtront à leur tour. Mais Dieu est encore là.
Ses jugements sont véritables et justes :
Les bienheureux, secondés par les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards, louent Dieu d'avoir jugé la grande prostituée comme elle le méritait. Anges et élus unissent leurs voix pour entonner le plus majestueux Magnificat qu'on puisse imaginer. A propos de Magnificat, Marie avait bien raison de chanter dans le sien : «Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la force de son bras. Il a dispersé ceux qui avaient dans le coeur des pensées orgueilleuses. Il a renversé les puissants de leurs trônes et il a élevé les humbles» (Luc 1:50-52). Ce que l'humble vierge choisie par Dieu pour accomplir son plan avait contemplé d'un regard prophétique et qui s'est accompli spirituellement dans la victoire du Christ sur les forces du mal, vient de trouver son accomplissement ultime.
Il a jugé la grande prostituée qui corrompait la terre par sa débauche, et il a vengé le sang de ses serviteurs :
Le chef d'accusation est double : 1) Babylone a corrompu les nations et s'est livrée avec elles à la débauche. 2) Elle a persécuté les adorateurs de Dieu et versé leur sang. Elle a doublement mérité son sort et devrait être châtiée deux fois. Quant aux martyrs et à tous ceux qui ont eu à souffrir de la cruauté impie de Babylone, ils remercient le Seigneur de les avoir vengés de leurs ennemis et d'avoir manifesté sa gloire en les jugeant. La fumée de Babylone, témoin du juste jugement divin, «monte aux siècles des siècles» (Apocalypse 18:9.18). Tous les jugements de Dieu sont saints et exaltent sa gloire.
Le texte dit de Dieu qu'il a «vengé le sang de ses serviteurs en le redemandant de sa main», c'est-à-dire de la main de Babylone. Le sang innocent répandu par les hommes crie vengeance. Dieu ne peut pas laisser cela impuni. C'est pourquoi aussi Jésus avait dit à Saul de Tarse qui pourchassait les chrétiens qu'il le persécutait, lui, le Seigneur des chrétiens (Actes 9:4). Tuer un homme, c'est s'en prendre à l'image de Dieu à laquelle cet homme a été créé. Aussi son sang exige-t-il vengeance.
Les vingt-quatre vieillards et les quatre êtres vivants... La voix d'une foule nombreuse..., un bruit de grosses eaux..., de forts coups de tonnerre :
C'est un choeur immense aux voix multiples et aux choristes innombrables dont la musique emplit le ciel comme les voûtes d'une immense cathédrale, et auquel les vingt-quatre vieillards et les quatre êtres vivants font écho en chantant eux aussi «Alléluia». Tous ceux qui sont du côté de Dieu et le servent, les anges et les archanges, les chérubins et les séraphins, les prophètes et les apôtres, les martyrs et les saints, tous sont invités à louer le Seigneur du ciel et de la terre et à chanter sa gloire.
Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands :
Une voix sortit du trône en prononçant ces paroles. Jean traduit l'expression hébraïque «Alléluia» et en donne le sens. Le propre du culte chrétien est de franchir toutes les frontières sociales, économiques, nationales, linguistiques et raciales, et de transcender les limites du temps et de l'espace. Dieu est adoré en hébreu et en grec, dans toutes les langues du monde, par les anges et les chrétiens, dans le ciel et sur la terre. il est le seul à avoir à son service une chorale aussi cosmopolite, aussi grande et aux accents aussi riches. Que ce soit en France ou en Amérique, dans les steppes de l'Asie Centrale, la brousse africaine, la jungle amazonienne ou sur les glaces du Grand Nord, dans les maisons des riches ou les huttes des pauvres, dans d'humbles chapelles couvertes de feuilles de palmiers ou sous les voûtes des cathédrales, tous les rachetés joignent leurs voix cristallines ou ronflantes et chantent, dans toutes les langues de la terre, un Magnificat qu'on ne trouve chez aucun disquaire de ce monde.
Les noces de l'Agneau sont venues... Son épouse s'est préparée :
Les armées célestes regroupant anges et bienheureux détournent leurs regards de l'holocauste de Babylone réduite en cendres et chantent leur joie de savoir que l'Agneau va célébrer ses noces. L'épouse bien-aimée est prête. Loin d'être souillée, telle la grande prostituée, de ses débauches et du sang des martyrs, elle est revêtue d'un lin fin, éclatant et pur. La robe de fin lin n'est pas pour une fois le symbole de la justice du Christ dont l'Eglise est recouverte, du pardon qu'elle a obtenu en blanchissant sa robe dans le sang de l'Agneau (Apocalypse 7:14), mais représente «les oeuvres justes des saints», les bonnes oeuvres, les actes de bonté et d'amour que le Saint-Esprit produit dans la vie des croyants en les incitant à se détourner des convoitises de la chair et des oeuvres mauvaises et à se revêtir de la justice et de la piété qui glorifient le Seigneur (Ephésiens 2:10; Matthieu 5:16; 1 Timothée 2:10; Tite 2:8- 10; 3:8; 1 Pierre 1:12; 3:3-5; 5:5).
On notera ce que dit le texte : «Il lui a été donné de se revêtir d'un fin lin, éclatant, pur». Tout est don de Dieu dans son Royaume, même les fruits de la foi, les bonnes oeuvres accomplies par les chrétiens. Sans sa grâce, nous ne pourrions pas un seul instant persévérer dans la foi et en porter les fruits agréables à Dieu. Jésus est le cep, nous sommes les sarments. C'est lui qui nous taille et nous émonde pour que nous portions des fruits, et sans lui nous ne pouvons rien faire (Jean 15:1-5). Afin que personne ne se glorifie, mais que toute gloire soit rendue à Dieu...
L'Eglise militante s'est préparée aussi longtemps qu'elle était sur terre à rencontrer l'Agneau, son épouse céleste. Parvenue au ciel, elle peut se présenter devant lui, resplendissante de beauté. La communion céleste entre le Christ et son Eglise est comparée à un festin qui ne finira jamais. Un festin aux plats succulents, symbole de joie et de bonheur. «J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous», avait enseigné l'apôtre Paul (Romains 8:18). L'Eglise chrétienne en fera la bienheureuse expérience.
Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de l'Agneau :
C'est une vision, une parabole, ne l'oublions pas. Dans tout festin de noces il y a le marié, son épouse et les invités. Les chrétiens sont à la fois l'épouse et les invités (Matthieu 22:1-14). C'est une promesse pour l'Eglise militante, pour les croyants vivant dans un monde à la solde de Babylone. Ils seront un jour heureux et consolés. Cette promesse est certaine, car, comme le dit l'ange, «ces paroles sont les véritables paroles de Dieu». L'ange qui adresse la parole à Jean lui demande d'écrire ce qu'il vient d'entendre dans un livre. La même chose lui avait été demandée dans Apocalypse 14:13, et là-bas aussi il s'agissait d'une béatitude.
Je tombai à ses pieds pour l'adorer... Garde-toi de le faire :
Jean est tellement bouleversé par ce qu'il voit et entend, tellement heureux de savoir que toute l'histoire de ce monde se terminera par les noces de l'Agneau auxquelles il est invité avec tous les croyants, qu'il est sur le point de commettre une grave erreur : se prosterner devant un ange pour l'adorer. Mais peut- être n'a-t-il pas compris que ce n'était qu'un ange. Plusieurs fois en effet, Jésus s'était manifesté sous les traits d'une créature angélique. Et puis on comprend son émotion qui a dû lui faire perdre un peu le contrôle sur lui-même. Il a des circonstances atténuantes. Alors l'ange lui rappelle qu'il n'est qu'un serviteur de Dieu qui n'a pas droit à l'adoration. Il lui dit même : «Je suis ton compagnon de service et celui de tes frères...». Les anges sont comme les apôtres, les pasteurs et les missionnaires, des envoyés et des serviteurs de Dieu. C'est ce que Paul et Barnabas s'empressèrent aussi d'expliquer aux habitants de Lystre qui voyaient en eux une incarnation de Jupiter et de Mercure et voulaient se prosterner devant eux : «O hommes, pourquoi agissez-vous de la sorte? Nous aussi nous sommes des hommes de la même nature que vous. Et vous apportant une bonne nouvelle, nous vous exhortons à renoncer à ces choses vaines pour vous tourner vers le Dieu vivant qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve» (Actes 14:11-15).
Adore Dieu. Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie :
Jésus est la Parole de Dieu (Jean 1:1; Apocalypse 19:3). Il rend témoignage au Père et invite les hommes à adorer Dieu en esprit et en vérité, à lui rendre le culte qui lui est dû dans l'adoration et l'écoute de sa sainte Parole. Jean, en tant que prophète de Dieu rempli du Saint-Esprit, a la même mission. Adorer un autre que le Seigneur serait abandonner sa vocation prophétique.
Un petit coup de chapeau au passage. Jean qui a tant de fois, dans l'Apocalypse, mis les chrétiens en garde contre l'idolâtrie, venait de se prosterner devant un ange. Il aurait pu passer cet épisode sous silence. Eh bien, non. Il faut que cela soit dit et que cela serve de leçon aux autres. On a si vite fait de tomber dans l'idolâtrie et d'élever des créatures au rang de Dieu!