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CHAPITRE 6: LES PARTIS ET LES DOCTRINES DU JUDAISME

Il y avait quatre partis relativement importants dans le judaïsme à l'époque du Christ, bien que la majorité des juifs n'adhérât à aucun d'eux: les sadducéens, les pharisiens, les zélotes et les esséniens.

Les sadducéens:

L'origine de la secte et son nom sont obscurs. Le terme provient peut-être de Tsadoq, nom d'un souverain sacrificateur sous le règne de David, ou de tsadiq, adjectif hébraïque qui signifie juste. A l'époque d'Esdras, des prêtres et même des souverains sacrificateurs avaient épousé des femmes étrangères, d'où une certaine ouverture au monde païen que n'appréciaient pas les scribes et spécialistes de la Loi. L'antagonisme s'intensifia à l'époque d'Antiochus IV Epiphane: un parti hellénisant chercha à importer des idées et des pratiques grecques, suscitant les protestations des hassidim, les "pieux", ancêtres spirituels des pharisiens.

Les sadducéens soutenaient les Asmonéens, chefs qui cumulaient les fonctions politique et sacerdotale et occupaient les postes les plus importants dans le temple, les cours de justice et le sanhédrin. Ils dominaient ce dernier qui fonctionnait sous l'autorité du souverain sacrificateur connu pour ses sympathies pour la culture hellénistique et le pouvoir impérial. Selon Josèphe, ils étaient puissants et jouissaient "de l'appui des riches plutôt que du peuple" (Antiquités juives, XIII, 10, 6). Ils séparaient politique et religion, tandis que les pharisiens pensaient que Dieu interviendrait sur un plan politique pour déterminer l'avenir de son peuple.

Leurs doctrines et pratiques étaient les suivantes:

Les pharisiens:

Le nom provient sans doute d'une racine verbale qui signifie "être à part". Il fut employé pour la première fois sous Jean Hyrcan et donné à ceux qui s'opposèrent à ce qu'un Asmonéen occupât le poste de souverain sacrificateur. Les pharisiens avaient pour ancêtres les hassidim, groupe de juifs pieux luttant contre la pénétration de l'hellénisme dans la culture hébraïque. Ils étaient héritiers des idées d'Esdras et luttaient pour une interprétation rigoureuse de la Loi et de ses exigences. Moins influents que les sadducéens sur le plan politique, ils étaient soutenus par le peuple et orientaient la vie cultuelle des juifs.

Leurs grands principes étaient les suivants:

Pour ce qui est des doctrines des pharisiens, on retiendra les idées maîtresses suivantes:

Les zélotes:

C'était une secte consacrée à la défense de la Loi et de la vie nationale juives. Ils avaient beaucoup d'influence en Galilée et plus tard à Jérusalem, de l'époque d'Hérode jusqu'à la chute de la ville en l'an 70. S'opposant à la domination de Rome, ville idolâtre, ils fomentèrent maintes révoltes. Leur dessein était de lutter farouchement contre toute domination étrangère.

Un jour, dix zélotes, dissimulant des poignards, pénétrèrent dans le théâtre de Jérusalem dans le dessein de tuer Hérode qui assistait à un spectacle. Le roi eut vent du complot et les fit exécuter, mais le peuple réagit avec colère et lapida l'espion qui l'avait informé. Plus tard, sur son lit de mort, il fit arrêter et mettre à mort une quarantaine de jeunes gens qui, sous la direction de deux rabbins, avaient décidé d'enlever le grand aigle d'or qu'il avait placé sur la porte du temple. Il avait aussi fait décapiter sans procès le zélote Hezekias. Les fils de ce dernier rassemblèrent les rebelles en un parti politique agressif qui s'engagea dans la révolte galiléenne menée en l'an 6 par Judas de Gamala pour protester contre l'impôt des propriétés décrété par Quirinius, gouverneur de Syrie.

Les zélotes s'étaient engagés à assassiner tout païen pénétrant dans le sanctuaire. Une inscription placée sur le mur séparant le parvis des Gentils de celui d'Israël mettait les incirconcis en garde contre le châtiment infligé pour toute intrusion. Bien que leur origine soit obscure, ils perpétuaient l'esprit des Maccabées. Les plus extrémistes d'entre eux étaient connus sous le nom de "sicaires" (assassins). Dissimulant de petits poignards sous leurs manteaux, ils frappaient les traîtres juifs qui collaboraient avec les Romains.

Les esséniens:

Les esséniens apparurent peut-être vers la fin de la révolte des Maccabées, quand le sacerdoce exercé par les sadducéens dégénéra en raison de leurs compromissions avec l'hellénisme. Certains juifs pieux se retirèrent du monde et fondèrent des communautés monastiques d'où les femmes étaient généralement exclues. Ils mettaient leurs biens en commun et menaient une vie austère, pourvoyant à leurs besoins par le travail manuel, généralement l'agriculture. Le temps qui leur restait était consacré à l'étude de la Loi. Selon le philosophe juif Philon d'Alexandrie, ils ne furent jamais très nombreux. Beaucoup de savants ont identifié les esséniens à la communauté de Qumrân.

Dans leurs doctrines et leurs pratiques, ils étaient plus proches des pharisiens que des sadducéens. Ils rejetaient cependant la doctrine de la résurrection des morts, tout en croyant en l'immortalité de l'âme. Ils s'appliquaient par ailleurs à observer strictement les préceptes de la Loi, surtout ceux concernant la pureté rituelle.

Curieusement, les esséniens ne sont pas mentionnés une seule fois dans le Nouveau Testament, bien que leur existence à l'époque du Christ soit clairement attestée. De nombreux commentateurs pensent d'ailleurs que l'Eglise primitive fut très influencée par l'organisation et le style de vie de leur communauté.

Les doctrines du judaïsme:

Nous ne reviendrons plus sur le monothéisme radical caractérisant le judaïsme postexilique ni sur l'autorité qu'il attribuait à la Parole de Dieu, particulièrement à la Loi de Moïse. La littérature théologique produite par le judaïsme à l'époque intertestamentaire se caractérise par l'importance que revêt la doctrine des anges et des démons. Les juifs ont de tout temps cru en leur existence. Il en est question dans le Pentateuque, surtout la Genèse, et chez les prophètes, mais il se pourrait qu'ils aient subi pendant leur exil l'influence de la religion perse avec son angélologie structurée. Cela pourrait expliquer bien des détails fournis par la littérature juive de l'époque sur la position, les tâches et la hiérarchie des anges. Sept archanges reçurent des noms: Uriel, Raphaël, Raguel, Michel, Saraqael, Gabriel et Remiel. Certains anges de haut rang étaient nommés par Dieu pour régner sur les nations, tandis que d'autres étaient dits agir avec méchanceté et écarter les peuples du droit chemin (Livre des Jubilées 15:31). D'autres anges avaient la responsabilité de diriger les saisons et les éléments naturels.

Ce qui caractérise le judaïsme de l'époque, c'est une certaine fièvre eschatologique, d'où le foisonnement de toute une littérature apocalyptique. On attendait avec impatience, et les zélotes essayèrent même de hâter la fin de l'oppression d'Israël, la venue du grand jour où Dieu jugerait le monde et rachèterait son peuple. Ce jour-là, il accomplirait enfin ses promesses en lui donnant prospérité et paix dans un âge d'or associé à la restauration du règne de David. Certaines questions que les disciples posèrent à Jésus-Christ reflétaient cette fièvre et l'espoir de voir s'accomplir bientôt des prédictions consignées dans les livres des prophètes, mais mal interprétées par un peuple aux conceptions eschatologiques charnelles.

L'attente du Messie était aussi au centre de la piété juive. Le terme désigne celui qui a été oint par Dieu et chargé d'une mission. C'était le cas en particulier des rois. Mais le Seigneur avait promis à David que ses descendants seraient à jamais assis sur son trône (2 Samuel 7:12). Les espérances liées à cette promesse continuèrent à l'époque de l'exil et par la suite. L'attente d'un fils de David, représentant de Dieu sur la terre, coexistait cependant avec celle, moins politique, d'une intervention et d'un règne personnels de Yahvé.

L'observance parfaite des préceptes de la Torah était pour les juifs la condition pour l'accomplissement des promesses divines. On attendait la venue d'un grand prophète semblable à Moïse, qui parlerait pour Dieu, rétablirait la Loi et exigerait qu'elle soit respectée (Deutéronome 18:18). On attendait aussi, à moins qu'il ne s'agît du même personnage, la venue d'un prêtre juste qui conduirait le peuple dans la justice. Cette espérance était particulièrement vivante dans la communauté de Qumrân où on soulignait le contraste entre le Maître de Justice et le Prêtre Impie. Leur Manuel de Discipline parle de la venue "du prophète et des Messies d'Aaron et d'Israël" (9:11) qui doivent apparaître à la fin des temps.

On retrouve dans le Nouveau Testament l'attente du futur prophète. Se fondant sur le livre de Malachie, Jésus l'identifia en déclarant que Jean-Baptiste était l'Elie qui devait venir. Par contre, le messianisme prêché par le Christ et les apôtres est très différent de celui du judaïsme. Il n'est pas question dans leur prédication d'un âge d'or, fait d'une joie et d'une paix paradisiaques, et l'attente des fidèles est orientée exclusivement vers le monde à venir. D'autre part, si le Messie est vrai homme et fils de David, il est aussi Fils de Dieu et donc Dieu lui-même, et sa véritable mission a consisté à apporter, en mourant sur la croix et en ressuscitant le troisième jour, le sacrifice qui expie les péchés du monde entier et le réconcilie avec Dieu.

 

Questions de révision et exercices:

 


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14-Septembre-2002, Rev. David Milette.