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Chapitre 5: LES DONS DANS L'EGLISE

L'Eglise chrétienne est l'assemblée de tous ceux qui se savent sauvés par la foi en Jésus-Christ, sans les oeuvres de la Loi. Une assemblée de rachetés. Mais aussi une assemblée de serviteurs, de gens qui travaillent, de cultivateurs qui labourent, sèment, arrosent et moissonnent, de vignerons qui travaillent dans la vigne, de gens envoyés inviter à un festin, d'hommes et de femmes qui font fructifier des talents et des mines, qui gèrent les biens et les trésors que le Seigneur leur a confiés. Tout cela, la Bible l'enseigne. Dieu veut, bien sûr, rendre les hommes heureux, et pour cela il faut qu'il les sauve, puisqu'ils sont pécheurs. Mais il veut aussi par là glorifier son saint nom et les appeler à son service. Il serait intéressant de vérifier combien de fois la Bible utilise au mode impératif des verbes d'action comme travailler, agir, accomplir, faire, sacrifier, porter, apporter, veiller, prier, témoigner, consoler, etc. L'Eglise est un lieu de repos, mais aussi de travail, un hôpital, mais aussi un chantier. Les chrétiens sont des ouvriers, mais des ouvriers que Dieu équipe pour le travail.

L'Eglise chrétienne est, selon une image courante dans l'Ecriture, un corps dont le Christ est la tête, un organisme composé de membres qui sont tous solidaires les uns des autres et ont tous leur fonction propre. C'est là une vision que l'apôtre Paul a considérablement développée dans ses épîtres. Elle concerne aussi bien l'Eglise locale (1 Corinthiens 12) que l'Eglise universelle (Ephésiens 4). Après avoir décrit le corps dont le Christ est le Chef et montré le lien qui unit entre eux ses différents membres (1 Corinthiens 12:12-26), Paul conclut: "Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part" (1 Corinthiens 12:27). Ailleurs encore il écrit: "Comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres. Puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l'exerce selon l'analogie de la foi; que celui qui est appelé au ministère s'attache à son ministère; que celui qui enseigne s'attache à son enseignement. Que celui qui donne le fasse avec libéralité; que celui qui préside le fasse avec zèle; que celui qui pratique la miséricorde le fasse avec joie" (Romains 12:4-8).

On constate que ces dons que les chrétiens doivent mettre au service des autres ne sont pas nécessairement des charismes liés au ministère, que les ministres de la Parole ne sont pas les seuls à devoir servir l'Eglise. Chaque chrétien doit le faire avec les dons qu'il a reçus. Cf. encore Ephésiens 1:22 ss.; 4:12-16; Colossiens 1:18.24; 2:19. Il est vrai que le Christ a institué le ministère de la Parole pour édifier son Eglise. Mais les détenteurs de ce ministère ne sont pas les seuls à travailler à cette édification. Chaque chrétien, en tant que pierre vivante de l'Eglise, y apporte sa part. Il faut souvent les efforts conjugués de plusieurs croyants pour amener une personne au salut. Un tract rédigé par un pasteur, imprimé par un laïc, distribué par un autre. Dieu agit aussi par les moyens que sont la rencontre d'un chrétien dans un wagon de train, la visite d'un croyant à l'hôpital, un mot gentil, un sourire, une invitation à un culte ou une soirée d'évangélisation, le prêt d'un livre ou d'une cassette. Une dizaine de personnes (voire beaucoup plus) ont peut-être collaboré à convertir un incroyant, à consoler et fortifier un chrétien, ou encore à faire progresser tel autre dans la connaissance et la foi. Il en est ainsi parce que les chrétiens sont membres de l'Eglise et que cette Eglise est un corps. Chaque membre de ce corps a besoin des autres et a quelque chose à leur donner à son tour.

Il y a dans l'Eglise pluralité des fonctions: "Comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il de Christ... Ainsi le corps n'est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres" (1 Corinthiens 12:12.14). "Comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres" (Romains 12:4.5).

Un corps vit grâce à de nombreux organes dont chacun a une fonction bien précise. Il suffit que l'un d'eux ne fonctionne pas ou qu'il fonctionne mal, pour que le corps soit atteint dans son intégrité, affaibli, amoindri, voire mis en danger dans son existence. Certains organes comme le foie peuvent cumuler plusieurs fonctions, voire suppléer partiellement à un organe déficient (épuration du sang). Mais généralement un organe a une fonction unique que ne peut exercer aucun autre. C'est le cas pour les organes principaux (cerveau, coeur, poumons).

Enfin, il est clair qu'aucun organe ne peut assurer les fonctions de tous les autres. Il n'en a ni la compétence ni l'endurance. C'est dire, par exemple, qu'un pasteur ne peut pas à lui seul faire vivre une paroisse. Chaque membre doit être personnellement relié au Christ par la foi et le servir en servant l'Eglise. Ce service doit être actif et fidèle. Quant à sa nature, il dépend évidemment des dons reçus de Dieu. Tous ne sont pas qualifiés pour être de bons moniteurs de l'Ecole du Dimanche, des lecteurs, des choristes ou des organistes. Tous ne feraient pas de bons comptables ou des peintres valables. Tous n'ont pas la même facilité pour rendre témoignage. Tous peuvent le faire, mais chacun à sa façon. Tous ne trouvent pas avec la même facilité les paroles qui consolent, mais tous peuvent prier, et quand ce serait dans le silence de leur chambre, réjouir par leur présence ou un sourire. Tous peuvent aussi avoir un mot gentil pour les visiteurs occasionnels des cultes.

Il y a aussi dans l'Eglise diversité de dons. Tous n'ont pas été créés identiques. Chacun a son physique, sa personnalité, son tempérament et ses dons: "Tous les membres n'ont pas la même fonction... Nous avons des dons différents" (Romains 12:4.5). "Il y a diversité de dons, mais le même Esprit; diversité de ministères, mais le même Seigneur; diversité d'opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous" (1 Corinthiens 12:4-6).

Dans tout corps, il y a des organes extrêmement divers. Les uns sont visibles, d'autres invisibles. Certains, comme le cerveau, sont d'une complexité effarante, d'autres d'une relative simplicité. Certains travaillent constamment (coeur, poumons), d'autres à l'état de veille (yeux, bouche, mains, pieds). D'autres encore n'interviennent que par intermittence, par exemple pendant la période de croissance, ou bien lorsqu'il fait trop chaud ou trop froid. Certains sont entourés d'honneur ou bien reconnus très utiles. Qui ne prend soin de son coeur, par exemple? Il y en a d'autres dont on ne soupçonne même pas l'existence. On ne pense à eux que lorsqu'ils créent des problèmes (thyroïde, glandes surrénales, amygdales). Certains organes ont un rôle constructif et contribuent à l'édification du corps (estomac, intestins) ou à son confort (régulation thermique) ou encore à son plaisir (organes des sens). D'autres sont là pour éliminer les déchets (reins, vessie), lutter contre les microbes et les maladies infectieuses.

Il en va de même de l'Eglise du Christ. Il y a des services visibles, brillants, appréciés et reconnus de tous, d'autres qui sont beaucoup plus modestes et qui passent inaperçus, mais qui sont peut-être tout aussi importants. Le corps de l'Eglise marche bien si chaque membre remplit la fonction qui lui est assignée, et la nature de ces fonctions est définie par les dons impartis. Il s'agit donc de reconnaître et d'accepter cette diversité de dons. Tout chrétien doit être en mesure d'identifier les siens, de ne pas jalouser tel frère parce qu'il en a de plus éminents, ni de mépriser tel autre parce qu'il en a moins.

L'apôtre s'en prend à ceux qui doutent de l'utilité de leur participation à la vie de l'Eglise, quand il écrit: "Ainsi le corps n'est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait: "Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, - ne serait-il pas du corps pour cela? Et si l'oreille disait: Parce que je ne suis pas un oeil, je ne suis pas du corps, - ne serait-elle pas du corps pour cela? Si tout le corps était oeil, où serait l'ouïe? S'il était tout ouïe, où serait l'odorat? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu" (1 Corinthiens 12:14-18). Il n'y a pas de place dans l'Eglise chrétienne pour l'orgueil: "Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu?" (1 Corinthiens 4:7).

Il n'y a pas non plus de place pour la jalousie, l'aigreur ou le complexe d'infériorité. Tout chrétien est en possession des dons que le Seigneur a jugé bon de lui accorder. Personne ne peut dire: "Je n'ai aucun don. Je n'ai rien à apporter à l'Eglise qui peut très bien se passer de moi". S'il n'y a pas dans un corps d'organe inutile, et si l'Eglise est le corps du Christ, celui-ci a effectivement besoin de tous ses membres. Chaque membre a donc sa part à apporter, doit contribuer à la vie commune, car "à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune" (1 Corinthiens 12:7).

Il plaît à Dieu de faire de tel chrétien un pivot de son Eglise, un membre particulièrement important dont elle ne peut se passer à aucun prix. Il lui plaît aussi de faire de tel autre un membre moins éminent, mais un membre dont l'Eglise a également besoin, même s'il s'agit d'un besoin moins urgent. Dans un corps il faut des yeux, mais aussi des pieds; un cerveau, mais aussi des mains. Que deviendrait-il, si le pied refusait de faire son travail parce qu'il aurait voulu être autre chose qu'un pied? Tout corps a besoin de pieds, comme les pieds ont besoin des autres membres. Que peut faire une main, s'il n'y a pas d'oeil pour la guider, et que peut réaliser l'oeil, s'il n'y a pas de main pour agir?

Dieu a confié des dons et talents à chacun de ses serviteurs. C'est de leur utilisation qu'il leur sera un jour demandé compte, et non de ce qu'ils auraient voulu réaliser et qu'ils n'ont pas pu réaliser faute de dons adéquats. On ne peut pas reprocher à une main d'agir en main et non en pied, ni à l'oreille de ne pas voir, mais simplement d'entendre. La seule chose qui compte, c'est la fidélité, le sincère désir d'avoir voulu faire ce qu'on pouvait faire avec les dons reçus: "C'est bien, bon et fidèle serviteur. Tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître!" (Matthieu 25:21).

De la diversité évoquée ci-dessus découle une complémentarité des dons qui fait que les chrétiens ne peuvent pas vivre en autarcie. Loin de se suffire à eux-mêmes, il ont besoin des dons et des services des autres. Il faudrait pour le nier ou bien une bonne dose d'inconscience ou bien un sérieux coefficient d'orgueil. L'apôtre Paul s'emploie à le montrer de façon vivante dans le texte qui suit: "L'oeil ne peut pas dire à la main: Je n'ai pas besoin de toi; ni la tête aux pieds: Je n'ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires, et ceux que nous estimons les moins honorables du corps, nous les entourons d'un plus grand honneur" (1 Corinthiens 12:21-23).

Il faut beaucoup de choses pour que le Saint-Esprit puisse bien faire son oeuvre, pour qu'un culte par exemple soit beau, digne et agréable. Il faut un pasteur qui prêche bien la Parole de Dieu. Mais il faut aussi des fidèles qui, pendant la semaine, au début du culte et au moment où le pasteur monte en chaire, pensent à prier pour lui, afin que Dieu l'inspire et l'aide. Il faut une chapelle propre et chauffée. Les fleurs sur l'autel, la musique, l'accueil réservé aux visiteurs ont aussi leur importance. Et à quoi sert le plus beau des cultes, si des chrétiens ne songent jamais à y inviter des parents, des amis ou des voisins?

Un simple tailleur de pierres à qui on demandait un jour ce qu'il faisait, répondit: "Je construis une cathédrale". Il est vrai qu'il ne la construisait pas seul, mais il participait bel et bien à sa construction! Et de tout son coeur! Celui qui croit pouvoir tout faire ne sert pas, mais domine et élimine. Celui, au contraire, qui croit ne pouvoir rien faire sous-estime ou nie carrément que Dieu l'a fait tel qu'il est et lui a accordé les dons qu'il jugeait utile de lui conférer. Tout chrétien a un besoin réel des autres et ne serait pas grand-chose sans eux. Mais tout chrétien a aussi quelque chose à offrir aux autres et les en prive, s'il se cantonne dans l'inaction. Les dons du Seigneur sont complémentaires. S'il vivait de nos jours, l'apôtre Paul comparerait sans doute l'Eglise à un puzzle où chaque pièce a sa place indispensable, même si elle n'est pas nécessairement centrale.

Si divers qu'ils soient, la complémentarité des dons garantit leur unité. Nous voulons dire par là que les dons des membres assurent la cohésion et l'harmonie du corps. Dieu les répartit de manière à ce que son Eglise soit édifiée et qu'elle grandisse en connaissance, en foi, en sainteté et en nombre: "Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps" (1 Corinthiens 10:17). "Le corps est un et a plusieurs membres... Tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps... Nous avons tous, en effet, été baptisés en un seul Esprit, pour former un seul corps" (1 Corinthiens 12:12.13). "Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d'honneur à ce qui en manquait, afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres" (1 Corinthiens 12:24.25).

Cette unité est compromise, quand les membres de l'Eglise ne comprennent pas que tous les dons ont leur importance, qu'ils sont complémentaires et qu'ils doivent être effectivement mis au service des autres pour l'édification harmonieuse du corps du Christ. C'était le cas à Corinthe où étaient nées des factions. Les uns se réclamaient de Paul, les autres d'Apollos, d'autres encore de Pierre, oubliant que Dieu seul est l'architecte de l'Eglise, que tous les chrétiens, fussent-ils apôtres et docteurs en théologie, ne sont que des ouvriers.

Un architecte a besoin d'un entrepreneur. Un entrepreneur, quant à lui, n'est rien, s'il n'est pas entouré d'équipes représentant les différents corps de métiers. Pour construire une maison, il faut aussi bien des techniciens hautement qualifiés que des ouvriers compétents et de simples manoeuvres. Et chacun a personnellement besoin de l'autre. Dans l'Eglise, "celui qui plante et celui qui arrose ne font qu'un" (1 Corinthiens 3:8), et ce qui est vrai du "clergé" l'est aussi des "laïcs". Tous les membres de l'Eglise sont "un", parce qu'ils ont un même Maître (1 Corinthiens 3:5.8-10). Les tâches et les dons sont différents, mais le champ de travail est le même (1 Corinthiens 3:9), et ils sont tous au service du même Dieu (1 Corinthiens 3:9; 4:1) et au service les uns des autres (1 Corinthiens 3:5.21.22).

L'examen des textes de la Bible révèle aussi une interdépendance des dons. Ils sont répartis dans l'Eglise de manière à ce que ses membres soient solidaires et dépendent étroitement les uns des autres. L'apôtre exprime cette interdépendance de la façon suivante: "Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui. Si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui" (1 Corinthiens 12:26).

C'est l'application au corps du Christ d'une loi que chacun peut vérifier sur son propre corps. Il suffit d'un mal de tête pour nous réduire à l'impuissance et briser en nous toute force et toute envie de travailler. Une épine dans l'orteil peut gâcher le plaisir d'une promenade. Il suffit d'un foie fragile pour compromettre sérieusement notre santé. La cécité ou la surdité handicapent considérablement les activités d'un homme.

Si les chrétiens sont étroitement unis entre eux du fait qu'ils le sont au Christ, il existe entre eux une "sym-pathie" en vertu de laquelle ils partagent leurs souffrances et leurs joies. Il n'est pas possible que, lorsqu'un membre souffre, les autres n'en soient pas affectés. Il n'est pas possible non plus que la joie de l'un ne rejaillisse pas sur les autres. La souffrance d'un membre suscite chez les autres l'intercession, le désir sincère de l'aider de leur temps et de leurs moyens, et produit des paroles de consolation et d'encouragement. "Voyez comme ils s'aiment" disaient les païens, quand ils voyaient les premiers chrétiens vivre autour d'eux. Inversement, tous se réjouissent si l'un d'entre eux est honoré. Cet honneur rejaillit sur le groupe tout entier. Tout pays est fier, par exemple, de ses prix Nobel, de ses artistes ou de ses champions. Quand des hommes débarquèrent pour la première fois sur la lune, ils devinrent des héros à qui on témoigna tous les honneurs possibles et imaginables. Mais tous ceux qui avaient contribué à la réalisation de cet exploit, y compris les techniciens collés à l'écran de leur ordinateur et le mécanicien qui n'avait serré que des boulons, participèrent à cet honneur et se réjouirent de l'exploit.

Cette interdépendance des membres de l'Eglise apparaît aussi lorsque les apôtres formulent des reproches ou des éloges. Ils sont adressés à l'Eglise tout entière, comme le montrent les épîtres pauliniennes et les lettres aux sept Eglises d'Asie. On notera par exemple dans l'Apocalypse le passage du pluriel au singulier, et inversement: "Ne crains pas ce que tu vas souffrir. Voici le diable jettera quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés, et vous aurez une tribulation de dix jours. Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie" (Apocalypse 2:10).

Les apôtres ne s'adressent jamais à un membre à la fois, mais au corps tout entier, car la vie de ce corps dépend de chacun de ses membres, du plus important au plus humble. Cf. par exemple le texte suivant: "Ce que j'ai contre toi, c'est que tu as abandonné ton premier amour. Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi et pratique tes premières oeuvres, sinon je viendrai à toi et j'ôterai ton chandelier de sa place, à moins que tu ne te repentes" (Apocalypse 2:4.5).

C'est encore de cette interdépendance qu'il est question, lorsque l'apôtre Paul déclare que tout le corps, "assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l'accroissement que Dieu donne" (Colossiens 2:19).

Les membres d'un corps ne sont pas seulement reliés à la tête, mais aussi unis entre eux. C'est à cette condition que le corps peut vivre, se développer et agir. Il n'est pas normal que des membres de l'Eglise se disent unis au Christ tout en se désolidarisant de leurs frères. Je ne peux pas dépendre du Christ tout en me déclarant indépendant de mes frères. Un organisme où tous se prétendent unis au chef, tout en s'ignorant les uns les autres ou en vivant simplement les uns à côté des autres, n'est pas un corps et n'est donc pas viable. Telle n'est pas l'image que l'Ecriture Sainte nous donne de l'Eglise chrétienne. Il existe dans le monde des chrétiens isolés qui n'ont pas choisi leur isolement. On a vu cela durant les périodes de persécution sournoise beaucoup plus qu'ouverte qu'ont connues bien des pays sous le régime marxiste. Ce doit être le cas aussi dans les pays où sévit l'intégrisme islamique. Ces chrétiens portent un lourd fardeau et ont besoin des prières de leurs frères. Mais il existe sans doute aussi des chrétiens qui recherchent la solitude et s'enferment dans l'isolement parce qu'ils ne parviennent pas à communiquer et entretenir des relations fraternelles chaleureuses avec les autres. Ceux-là sont quelque part malades du coeur, vivent un drame et ne sont pas à envier. Ils ont eux aussi besoin des prières des autres, car ils souffrent.

Enfin, il faut attirer l'attention sur la souveraineté de Dieu dans l'attribution des dons: "Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu" (1 Corinthiens 12:18).

Le Seigneur veut donc à la fois la pluralité, la diversité, la complémentarité et l'interdépendance des dons. Il n'est pas demandé à tous d'être pasteurs ou missionnaires. Il existe des dons qui qualifient pour d'autres formes de ministère dans l'Eglise: "A chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ" (Ephésiens 4:7). Paul précise ensuite que le Christ remonté au ciel a donné à son Eglise des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des docteurs. Mais il donne aussi chaque croyant à son Eglise et le dote de dons et de charismes qu'il doit mettre au service du corps du Christ. C'est ainsi que, "grâce à tous les liens de son assistance, tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties et s'édifie lui-même dans la charité" (Ephésiens 4:16). L'apôtre exhorte les Corinthiens en ces termes: "Puisque vous aspirez aux dons spirituels, que ce soit pour l'édification de l'Eglise que vous cherchiez à en posséder abondamment" (1 Corinthiens 14:12). Mais c'est Dieu qui les choisit pour chacun et les distribue selon son bon vouloir.

Il est donc de la responsabilité de chacun, avec l'aide et les encouragements du groupe, de reconnaître loyalement le ou les dons reçus du Seigneur et de les exercer pour l'utilité et l'édification de tous, sans se faire "une trop haute opinion de lui-même, mais en revêtant des sentiments modestes" (Romains 12:3). Personne ne doit rechercher dans l'Eglise des responsabilités ne correspondant pas à ses dons réels et pour lesquelles il n'est pas fait, ni se soustraire à celles que ses dons lui permettent et lui enjoignent d'exercer. Tout pasteur devrait pouvoir tenir un pinceau dans la main et être prêt à le faire, quand cela s'impose. Il n'y a pas de gens dans l'Eglise qui soient prédestinés à être et à rester des cols blancs. Mais une Eglise gère mal les dons de Dieu et se rend coupable, si elle permet qu'un pasteur consacre à ce genre de travail un temps précieux qu'il ravit ainsi à son ministère. Que chacun, en offrant son temps à son Eglise, le fasse en se consacrant à la tâche pour laquelle le Seigneur lui a accordé des dons particuliers. C'est ainsi qu'on pourrait paraphraser Romains 12:6-8. Tout cela doit se faire dans le respect des dons pour la répartition desquels Dieu seul est maître.

Ce que le Seigneur demande à l'Eglise, c'est le discernement des talents et des aptitudes. Elle doit les déceler chez ses membres, aider ceux-ci à les découvrir, à les développer par une instruction et une formation adéquates, et à les mettre au service de Dieu et de tous. Trop souvent les charismes divins restent enfouis, cachés au fond des mouchoirs, soit parce que l'Eglise ne les a pas vus chez ses membres, soit parce que ceux-ci n'en ont pas pris conscience ou n'ont pas su surmonter un sentiment d'inaptitude ou d'infériorité, soit encore parce que les structures de la paroisse et les principes gouvernant sa vie et ses activités étaient trop rigides et n'ont pas ménagé de place à l'exercice de tel ou tel don, ou ont empêché les détenteurs de ces dons de les mettre en action. Ou tout simplement parce qu'on a omis de les encourager à le faire.

 


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14-Septembre-2002, Rev. David Milette.