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Chapitre 2: TOUT APPARTIENT A DIEU

Tout appartient à Dieu dans ce monde. C'est tellement vrai qu'en hébreu, la langue dans laquelle fut écrit l'Ancien Testament, il n'existe pas de verbe avoir. Cela m'a toujours intrigué. Faute de pouvoir dire: "J'ai ceci ou cela", une femme, des enfants, une maison, des biens, le Juif devait recourir à une tournure spéciale et dire: "Ceci ou cela est à moi". Façon peut-être de laisser entendre que cela lui venait d'ailleurs, d'un autre, en dernière analyse de Dieu, que cela lui était simplement prêté pour qu'il en fasse un bon usage. Intuition d'un peuple qui a façonné sa langue en sachant qu'il était peuple de l'alliance, que le Dieu qu'il servait était Créateur du ciel et de la terre et propriétaire de l'univers tout entier et de tout ce qu'il contient? Peut-être.

"Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre" (Genèse 1:1). Phrase majestueuse qui affirme que tout ce qui existe est son oeuvre, issu de ses mains, des doigts d'un potier de génie, comme la Bible n'hésite pas à le dire (Psaume 19:2). Cela signifie nécessairement que tout lui appartient, comme l'argile appartient au potier qui en fait ce qu'il veut, et comme lui appartiennent les vases qu'il en façonne. Les prophètes emploient volontiers cette image pour décrire les rapports entre Dieu et son peuple, pour affirmer qu'Israël appartient à Yahvé et que celui-ci est son maître (Esaïe 45:9; 64:7). Et ce qui est vrai d'Israël, l'est de l'univers tout entier.

Personne en Israël ne pouvait se considérer comme le propriétaire en titre des biens dont il disposait. Une clause de la loi illustre cela avec éloquence. Il arrivait que pour rembourser leurs dettes, des Israélites dussent vendre leurs biens ou en faire don à leurs créditeurs. Eh bien à chaque jubilé, c'est-à-dire tous les cinquante ans, les biens ainsi aliénés revenaient à leurs anciens propriétaires. Et quand un Israélite avait dû, pour la même raison, se vendre à un compatriote, il retrouvait, cette année-là, sa liberté. Façon de dire qu'on ne peut pas s'approprier un homme, parce qu'il est créature de Dieu et que le Seigneur l'a créé libre. Façon de veiller aussi à ce que soient restituées à chaque tribu, et à l'intérieur de la tribu à chaque famille, les terres que le Seigneur lui avait allouées.

Tout appartient à Dieu. La Bible le proclame avec force. "A l'Eternel la terre et ce qu'elle renferme, le monde et ceux qui l'habitent. Car il l'a fondée sur les mers et affermie sur les fleuves" (Psaume 24:1.2). Dieu peut dire à l'homme: "Si j'avais faim, je ne te le dirais pas, car le monde est à moi et tout ce qu'il renferme" (Psaume 50:12). Le coeur du croyant qui sait cela est rempli de louanges. Aussi le peuple de l'alliance exalte-t-il le Seigneur, est-il heureux de lui appartenir et trouve-t-il en lui la certitude de son salut: "Venez, chantons avec allégresse à l'Eternel! Poussons des cris de joie vers le rocher de notre salut. Allons au-devant de lui avec des louanges, faisons retentir des cantiques en son honneur. Car l'Eternel est un grand Dieu, il est un grand roi au-dessus de tous les dieux. Il tient dans sa main les profondeurs de la terre et les sommets des montagnes sont à lui. La mer est à lui, c'est lui qui l'a faite. La terre aussi, ses mains l'ont formée. Venez, prosternons-nous et humilions-nous, fléchissons le genou devant l'Eternel notre créateur, car il est notre Dieu, et nous sommes le peuple de son pâturage, le troupeau que sa main conduit" (Psaume 95:1-7).

Dieu continue de créer. Il ne le fait plus comme au commencement, quand il donna naissance à l'univers. Nous confessons avec Martin Luther: "Je crois que Dieu m'a créé, ainsi que toutes les autres créatures". Il ne nous a pas créés comme Adam formé de la poussière de la terre, mais en réalisant la bénédiction prononcée sur le premier couple. Il préserve le monde et poursuit son oeuvre créatrice en rendant féconds les êtres vivants qui le peuplent. Bien que nous soyons nés de nos parents, nous pouvons dire de Dieu: "Il m'a donné mon corps avec ses organes, mon âme avec ses facultés" (Petit Catéchisme). C'est tellement vrai que le psalmiste appelle les enfants un héritage de l'Eternel et une récompense divine (Psaume 127:3; 128:3.4).

C'est lui qui donne les pluies de la première et de l'arrière-saison, qui féconde la terre et qui fait pousser les plantes pour les hommes et pour le bétail dont ils se nourrissent (Deutéronome 11:14.15; Jérémie 5:24; Genèse 8:22; Lévitique 25:20.21; Actes 17:24-28). C'est tellement vrai que la Bible peut dire: "Les yeux de tous espèrent en toi et tu leur donnes leur nourriture en son temps. Tu ouvres ta main et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie" (Psaume 145:15.16). "Chantez à l'Eternel avec actions de grâce, célébrez notre Dieu avec la harpe! Il couvre les cieux de nuages, il prépare la pluie pour la terre. Il fait germer l'herbe sur les montagnes. Il donne la nourriture au bétail, aux petits du corbeau quand ils crient" (Psaume 147:7-9). Pour bien montrer à Job qu'il ne doit de comptes à personne, il se révèle à lui dans toute sa majesté et lui dit entre autres: "Chasses-tu la proie pour la lionne et apaises-tu la faim des lionceaux, quand ils sont couchés dans leur tanière, quand ils sont en embuscade dans leur repaire? Qui prépare au corbeau sa pâture, quand ses petits crient vers Dieu, quand ils sont errants et affamés?" (Job 31:1-3).

La leçon est claire. Si tout appartient à Dieu, s'il est au départ le seul propriétaire légitime du ciel et de la terre et de tout ce qu'ils contiennent, c'est de lui que vient tout ce que nous avons. C'est ce qui fait dire à Jacques: "Toute grâce excellente et tout don parfait descendent d'en haut, du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement ni ombre de variation" (Jacques 1:17). Sans doute songe-t-il avant tout aux dons spirituels que sont les fruits de la foi, tels que la connaissance, l'amour, la patience, une vie sainte et juste. Mais il est indéniable que c'est vrai pour tous les bienfaits et toutes les bénédictions dont nous jouissons. Elles nous viennent de lui. "Qu'as-tu que tu n'aies reçu?" peut dire l'apôtre Paul (1 Corinthiens 4:7).

Luther poursuit son explication du 1° Article du Credo en ces termes: "Dieu me donne tous les jours libéralement la nourriture, le vêtement, la demeure, la famille et toutes les choses nécessaires à l'entretien de cette vie. Il me protège dans tous les dangers, me préserve et me délivre de tout mal". Et ce qui est vrai des biens de la nature, de ceux que nous acquérons par notre travail et que nous n'aurions pas si le Seigneur ne bénissait pas ce travail, l'est aussi des biens spirituels qui sont offerts à tous ceux qui croient en l'Evangile, qu'il s'agisse du pardon, du salut, de la foi elle-même et de tous les fruits qu'elle porte. Ce sont autant de dons du Seigneur, des effets de sa grâce. Le chrétien, conscient de ses fautes, se sachant par nature entièrement corrompu, coupable de bien des péchés, incapable de faire le bien que le Seigneur lui prescrit, aliéné et ennemi de Dieu, confesse donc: "Et cela sans que j'en sois digne, par sa pure bonté et sa miséricorde paternelle. Je dois pour tous ces bienfaits le bénir et lui rendre grâces, le servir et lui obéir" (Petit Catéchisme).

Jésus fait un pas de plus, quand il dit dans l'Evangile: "On demandera beaucoup à qui l'on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l'on a beaucoup confié" (Luc 12:48). Cette phrase a ceci de particulier qu'elle exprime une même vérité en deux propositions différentes. En cela elle ressemble à beaucoup d'autres maximes de la Bible. Ce qui est frappant, ce sont les verbes employés par le Christ: "donner" et "confier", le deuxième expliquant le premier. Dieu ne nous donne pas quelque chose pour que nous en soyons les propriétaires et que nous en jouissions à notre guise, mais pour que nous en fassions quelque chose d'utile. En d'autres termes, il le met à notre disposition, nous le prête, pour que nous le fassions fructifier. Avec à la clé des comptes à rendre. Et nous sommes ainsi en plein dans la parabole des talents (Matthieu 25:14-30) ou celle des mines (Luc 19:11-27).

Tout vient de Dieu. Rien ne nous appartient au sens habituel du mot. Les hommes sont appelés à gérer ce que le Seigneur leur a confié et seront un jour jugés sur leur gestion. Voilà pourquoi il faut parler de cela dans l'Eglise et pourquoi le chrétien a, quels que soient ses dons, un rôle actif à y jouer. Il n'y va pas simplement pour se ravitailler, "recharger ses batteries", y trouver quelque chose dont il a besoin, mais il a aussi quelque chose à partager, un trésor à faire fructifier, un culte à rendre à son Dieu qui ne consiste pas seulement en prières, en louanges et en chants, et un service à rendre à ses frères et soeurs dans la foi.

Ceci d'autant plus qu'il ne s'appartient pas à lui-même, mais qu'il est, corps et âme, propriété de son Dieu. C'est l'objet du chapitre suivant.

 


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14-Septembre-2002, Rev. David Milette.