CURE D'AME, par Dr. Wilbert Kreiss - index  CURE D'AME, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

LA CURE D'AME AUPRÈS DES MALADES

 

Introduction :

Les chrétiens malades ont droit à des soins particuliers, en raison de leur état et de la solidarité qui règne dans le corps du Christ.- quand un membre souffre, tous souffrent avec lui 19.

Toute épreuve vient de Dieu et contient donc un message, un appel miséricordieux de sa part. Elle peut ainsi devenir une source de bénédiction. Mais l'épreuve peut devenir aussi tentation, notamment tentation à la révolte. Et si cette tentation n'est pas surmontée, l'épreuve divine ne peut pas produire de fruit 20. Par exemple, le malade peut être à ce point accaparé par ses douleurs physiques qu'il ne lui est pas possible de se concentrer sur les besoins de son âme. Ou bien il peut se plaindre de Dieu, lui reprocher d'être injuste à son égard, alors que les épreuves sont épargnée à d'autres qui ne sont pas meilleurs que lui. Ou bien le pharisien trouve dans sa maladie l'occasion de faire preuve de force intérieure et de patience et un moyen de se racheter et de se rendre digne du salut. L'épreuve fragilise également, et rend difficile la lutte contre Satan et ses insinuations: « Où est le Dieu en qui tu te confies ? » « Es-tu sûr qu'il t'aime ? » Si le malade n'arrive pas à lutter contre ces tentations, son épreuve peut lui être fatale. D'où la nécessité pour l'Eglise de venir en aide à ceux qui souffrent. Objectif premier : faire comprendre au malade que son épreuve vient de Dieu ou est du moins tolérée par lui.

La cure d'âme auprès des malades n'est pas facile. On ne le sait pas toujours, quand un chrétien est malade. Lui-même ne souhaite pas toujours qu'on le sache. La visite du pasteur ou d'autres membres de l'Eglise n'est pas toujours bien perçue, ni par le malade lui-même ni par son entourage. Elle est parfois même interprétée comme la preuve que la maladie est incurable. On a quelquefois affaire à des membres marginaux qu'en temps normal on ne voit pas à l'église et qui ne fréquentent pas le culte, dont la foi peut sérieusement être mise en doute. Ces gens-là ont fréquemment le sentiment que le pasteur ou le visiteur se sent en position de force et va profiter de leur maladie pour leur asséner leurs quatre vérités.

 

La visite du malade:

Dans la mesure du possible, il convient de demander la possibilité d'être seul avec le malade. Il y a plusieurs raisons à cela: 1) Le patient se confiera plus facilement qu'en présence des siens. 2) Il acceptera plus facilement un message, surtout s'il s'agit d'un appel à la repentance, s'il est seul à l'entendre que s'il a des témoins pour l'entendre avec lui. De même que le patient n'aime pas se devêtir devant son médecin en présence de témoins, de même il n'aime pas mettre son âme à nu devant autrui. Il y a deux exceptions à cela : Quand le malade souhaite explicitement que ses proches parents assistent à l'entretien, ou bien quand il s'agit d'un enfant ou d'une personne qui redoute manifestement d'être seule avec le visiteur.

Le même Evangile doit être prêché à tous les hommes, mais il est des gens qui ne sont pas en mesure de l'entendre, parce que la Loi n'a pas encore fait son effet. Il convient donc de sonder le malade pour voir où il en est spirituellement, et cela ne peut se faire valablement que dans le tête-à-tête. D'autre part, si l'Evangile est le même pour tous, il ne s'annonce pas à tous de la même façon. Dire à un grand malade qu'il peut mourir en paix s'il croit est une chose. Lui annoncer qu'il peut mourir en paix parce qu'il croit en est une autre.

Les deux langages ne sont pas interchangeables. Pour savoir lequel tenir à un malade donné, il faut savoir où il en est avec sa conscience, sa repentance et sa foi. Et pour savoir cela, il faut qu'il s'exprime, et s'exprime librement.

La cure d'âme ne doit pas seulement essayer de constater si on a affaire à un homme impénitent ou à un croyant, mais aussi quelle peut être la cause de son incrédulité. S'il s'agit d'un incroyant, il faut savoir de quel péché il peut être l'esclave, où toucher le plus facilement sa conscience. S'il s'agit d'un croyant, il faut déterminer ce qui l'empêche de grandir dans la foi, à quelles tentations il est particulièrement exposé, quelle petit être l'intention particulière du Seigneur en lui envoyant cette épreuve, etc. Le diagnostic spirituel est difficile, mais indispensable. Non pas pour juger le malade, mais pour savoir où il en est et lui annoncer le message qu'il a besoin d'entendre.

Pour le médecin, pas de problème ! Il va de soi qu'il doit établir un diagnostic, et c'est ce qu'on lui demande. Le malade est prêt à répondre à toutes ses questions pour l'aider en cela. Les choses ne sont pas aussi simples pour le pasteur. Il est des malades qui s'ouvrent volontiers à lui, parce qu'ils attendent de lui une aide réelle et efficace, appropriée à leur état. Mais souvent ce n'est pas le cas. Beaucoup de malades, même croyants, sont secrets, ont du mal à se livrer. D'autres vont jusqu'à induire le visiteur en erreur. Beaucoup veulent tout simplement être rassurés : ils veulent savoir s'ils vont guérir, ou bien s'entendre dire que Dieu les aime et qu'ils ne manqueront pas d'être sauvés. Or le visiteur qui essaie d'établir un diagnostic spirituel pose des questions, et parfois des questions qui dérangent ou inquiètent. Il v a des gens malades qui ne sont pas habitués à l'idée qu'ils doivent des comptes à Dieu. D'autres n'ont pas l'Eglise et ses ministres en haute estime.

Celui qui essaie d'établir un diagnostic spirituel est vite mécompris. D'où la nécessité d'agir avec beaucoup de prudence et de sagesse. Il n'est pas question de sonder l'âme du malade de façon indiscrète et curieuse. Quand le malade est anxieux, il ne demande qu'à parler et se libérer. Mais il a généralement beaucoup de mal à verbaliser ce qu'il ressent en lui-même. Le visiteur devra donc tout faire pour gagner sa confiance, et pour cela il faut qu'il fasse preuve de beaucoup d'amour et de compréhension.

Si le malade n'arrive pas à s'exprimer, le visiteur parlera de façon générale de la maladie et du dessein de Dieu quand il permet que ses enfants soient éprouvés. Très souvent, une réaction ou une remarque du malade le mettra sur la piste. Si par exemple le patient dit : « La maladie n'a rien à voir avec Dieu; elle est due à des causes naturelles. Il faut donc l'accepter, et il ne sert à rien de prier », il est clair qu'il ne raisonne pas en patient chrétien.

Quand le malade exprime ce qu'il ressent dans son coeur, il ne faut pas l'interrompre dès qu'il dit quelque chose de faux. Il faut le laisser s'exprimer à fond. Cependant, le malade généralement garde le silence sur sa condition spirituelle. Il faut alors le questionner. Mais avec délicatesse et d'une façon qui ne l'offense pas. Ces questions seront telles que les réponses permettront de se faire une idée sur sa condition spirituelle. On le fera avec humilité et sans donner l'impression qu'on est en droit d'exiger des réponses précises à des questions précises. Le visiteur montrera qu'il se sait lui aussi pécheur vivant de la même grâce. Il essaiera de faire comprendre que s'il pose des questions sur la condition spirituelle du malade, c'est pour lui venir en aide spirituellement, tout comme le médecin doit parfois presser le patient de questions pour pouvoir établir son diagnostic et ensuite lui appliquer un traitement.

Les questions concerneront le salut et le moyen d'y parvenir. Ainsi, le patient montrera inévitablement s'il a compris l'oeuvre du Christ et s'il connaît l'Evangile et y croit. Le visiteur saura faire la différence entre une foi faible, liée à un manque de connaissance et à des idées erronées, et l'incrédulité. Il faudra veiller aussi à ne pas confondre la connaissance et la foi. Le fait que quelqu'un se souvienne des vérités qu'il a apprises un jour au catéchisme ne signifie pas encore qu'il les fasse siennes par une foi personnelle. Une question sur ce qu'est la foi en Christ peut mettre le visiteur sur la piste.

Le malade se sait-il pécheur ? Il y a de fortes chances pour qu'il réponde par l'affirmative. Tous les hommes se savent pécheurs et sont prêts à l'admettre, aussi longtemps qu'on reste dans les généralités. Le fait que quelqu'un connaisse et utilise le « jargon » des confessions de péchés, les phrases stéréotypées empruntées aux psaumes de pénitence et à d'autres textes bibliques et liturgiques ne signifie pas encore qu'il se repente sincèrement de ses péchés.

Il ne faut donc pas parler du péché en général. Il sera utile d'évoquer les dix Commandements et d'inviter le patient à se sonder à leur lumière. Il montrera ainsi où il en est avec la repentance. Il n'est pas question cependant de contraindre quelqu'un à confesser chacun de ses péchés et à faire dépendre le pardon d'une telle confession.

Il ne s'agit pas non plus de submerger le patient de questions. On en posera aussi peu que possible. Il ne s'agit pas de lui faire passer un examen et de tester ses connaissances. Un lit de malade n'est pas un endroit adéquat pour cela. Par ailleurs, il ne s'agit pas non plus de se contenter de poser quelques questions. Elles ne constituent pas en elles-mêmes une cure d'âme et ne servent qu'à se faire une idée de la condition spirituelle du malade. Il faut donc que les questions soient suivies d'une cure d'âme réelle.

Il existe une grande variété de conditions spirituelles. Cependant tous les malades se répartissent dans l'une des quatre catégories suivantes : 1) Ceux que même leur maladie n'a pas pu arracher à leur apathie et leur mort spirituelles. 2) Ceux qui ont été spirituellement réveillés par leur maladie. 3) Ceux qui ont été des croyants avant de devenir malades, mais qui n'ont eu que peu d'expérience chrétiennes. 4) Les chrétiens éprouvés et riches en expérience. Nous allons nous pencher sur ces différentes catégories de patients et voir comment on pratique la cure d'âme à leur égard. Ceci montrera, bien sûr, l'importance du diagnostic.

 

Les différents types de malades:

1) Le non-converti :

On a du mal à imaginer à quel point les hommes peuvent souffrir d'apathie ou de mort spirituelles. Un malade peut très bien se savoir atteint d'une maladie incurable, savoir aussi que sa mort est imminente et ne se poser aucune question sur son salut personnel. Ces malades ne sont pas intéressés par un entretien spirituel. S'ils l'acceptent, c'est par politesse. Sont-ils assurés de leur salut ou en nient-ils la réalité ? Il semble en fait qu'ils ne se sentent pas concernes par lui. Ils considèrent le salut un peu comme une loterie où on ne peut pas savoir d'avance si on va gagner ou pas. Ils ont une sorte d'espoir, mais un espoir au fondement extrêmement faible. Ils espèrent que Dieu sera miséricordieux, que c'est à lui d'en juger, sachant qu'ils ne sont pas plus mauvais et sans doute même meilleurs que d'autres. En réalité, l'éternité est pour eux un grand mystère qu'il est inutile de sonder. Ce qui les attend dans l'au-delà curieusement les laisse indifférents. De même que la Parole de Dieu a été pour eux, jusqu'à présent, un ensemble de doctrines obscures qui ne leur ont apporté aucun secours niaucune consolation dans la vie, de même elle ne peut rien leur apporter maintenant qu'ils s'apprêtent à mourir. En vivant dans l'incrédulité, on s'endurcit dans l'incrédulité, de sorte qu'à l'heure de la mort il semble qu'on ne puisse plus en être délivré.

2) L'homme de ce monde :

Le monde n'a plus rien à offrir à l'homme de ce monde qui va mourir. Il ne peut plus rien en attendre. On s'attendrait donc à ce qu'une telle personne se détourne du monde pour se préoccuper enfin de son âme. Il n'en est souvent rien, bien que beaucoup de ces gens du monde aient pris la résolution de réfléchir sérieusement à leur destin une fois que le monde n'aurait plus rien à leur offrir et qu'ils seraient proches de la mort. Raisonnement dangereux. Cependant l'heure de la grâce peut sonner même à la fin d'une vie, y compris d'une une vie menée dans la quête des plaisirs de ce monde. Mais, d'une part, on ne joue pas avec la grâce du Seigneur ; d'autre part, il n'est pas du tout évident qu'à la veille de la mort le coeur puisse s'ouvrir encore à l'Evangile. De même qu'on a su le chasser pendant toute sa vie, de même on peut le repousser avant de mourir. La souffrance peut fermer, verrouiller, blinder un coeur au même titre que les plaisirs de ce monde et fournir, comme eux, des raisons valides pour refuser de se repentir. La repentance fait mal et répugne à l'homme, même à l'heure de la mort.

Un tel homme souvent aspire à la mort, non pas parce qu'il est prêt à rencontrer le Seigneur, mais parce que la vie n'a plus rien à lui apporter et pour échapper à la souffrance. Ou bien son coeur, dans lequel il n'y a pas de place pour Dieu, reste attaché aux biens de ce monde en ce sens qu'il est hanté de craintes pour les siens qui vont lui survivre : qui prendra soin d'eux, puisque Dieu manifestement ne le fait pas ? Si on n'a pas su faire confiance à Dieu pendant sa vie, il est difficile de le faire à l'heure de la mort. Dieu envoie à ces gens la maladie pour leur montrer qu'ils ne peuvent pas subvenir tout seuls à leurs besoins et qu'ils ont besoin de lui, mais eux ne voient dans leur maladie qu'une raison de plus pour ne pas lui faire confiance. Elle est un argument supplémentaire qui vient s'ajouter à tous ceux qu'ils ont alignés leur vie durant pour ne pas croire en lui.

Le monde abandonne le malade, mais cela ne signifie pas encore que le malade soit prêt à abandonner le monde. Il exerce toujours sur lui son emprise. Un tel homme continue de raisonner en homme du monde, dont le coeur reste rempli des préoccupations de ce monde.

3) Le propre-juste :

L'homme est par nature un propre-juste. Il est beaucoup de gens chez qui cette propre justice n'a pas été brisée par la loi. Généralement elle opère négativement. Au lieu de dresser la liste du bien qu'il a fait, le propre-juste fonde sa certitude du salut sur ce qu'il n'a pas fait. Ces gens donnent l'impression qu'ils attendent d'être jugés par Dieu selon un code pénal inventé par les hommes et non selon les commandements divins. Ils se font une loi pour eux-mêmes, une loi qui réponde à leur conception du bien et du mal et qui fixe la barre à la hauteur qu'ils jugent eux-mêmes adéquate, c'est-à- dire au niveau de moralité qu'ils pensent avoir atteint. Ces hommes savent qu'ils ne sont pas à la hauteur des exigences divines, mais ils savent aussi que personne ne l'est et en concluant que personne ne sera finalement jugé selon ce critère.

4) L'ignorant :

Beaucoup d'hommes ignorent les exigences réelles de la Loi et les promesses de l'Evangile. Ils ne gardent qu'un très vague souvenir de ce qu'ils ont appris un jour au catéchisme. Le contenu et la signification réels de cette instruction se sont perdus dans le combat qu'ils ont dû mener pour vivre. On a du mal à imaginer l'énorme ignorance spirituelle dont souffrent les gens. Beaucoup de ce qu'un enfant apprend à l'école se perd parce qu'il n'en a pas l'utilité. Il en va de même de la connaissance chrétienne. Quand elle n'est pas appliquée par une foi réelle, elle s'étiole, se dénature et se perd. L'ignorance spirituelle de nombreux malades, même de ceux qui ont jadis grandi dans la foi chrétienne, est effarante. La plupart d'entre eux seraient incapables de répondre par exemple à cette question du Christ : « Quel est le plus grand commandement ? »

On peut constater aussi que l'homme fait tout pour essayer de se prouver qu'il n'est pas responsable de son incrédulité. D'où des phrases du genre: « J'aimerais bien croire, mais je ne peux pas ». « J'envie ceux qui croient; moi je ne peux pas ». Pourquoi? Parce que leur plus ou moins grande culture, par exemple, le leur interdit. Ils disent ne plus pouvoir croire avec la foi simple de l'enfant. D'autres, au contraire, invoquent leur manque de connaissance de la Bible et des réalités spirituelles pour excuser leur incrédulité. Les uns disent avoir trop de culture, les autres pas assez. Ce qui manque en réalité aux uns et aux autres, c'est un coeur brisé par la repentance. Quand le coeur est brisé, l'homme sait toujours que faire pour mieux connaître la Parole de Dieu. Inversement, il ne se sent plus alors trop cultivé pour croire et accepter le Christ comme son Sauveur.

Pour des gens qui ont vécu toute leur vie sans foi, les vérités révélées par la Loi et par l'Evangile sont du chinois. C'est un langage auquel ils sont hermétiques aussi longtemps que le Saint- Esprit n'a pas fait son oeuvre dans leurs coeurs. Et cela même quand on s'exprime avec un maximum de simplicité. Il faut donc essayer de déterminer ce qu'ils savent encore de l'instruction qu'ils ont pu recevoir un jour, quelque chose qui leur est resté familier. Ce sera un point de départ. Chez d'autres, il ne reste rien du tout. Ou alors, le peu qui est resté, ce quels n'ont pas oublié n'a plus aucun sens pour eux.

Une fois que le visiteur a trouvé un point d'accrochage, il faut qu'il parle au malade de telle façon que celui-ci se sente intimement concerné, qu'il sache qu'il s'agit de sa relation avec Dieu et qu'il y va de son salut. Il faut qu'il comprenne qu'il ne suffit absolument pas d'acquérir une connaissance qu'il n'avait pas encore : il ne sera sauvé que s'il se repent et croit en la mort rédemptrice du Christ. Il faut donc se cantonner à l'essentiel, sans encombrer le cerveau du malade de choses accessoires. Il faut aussi que le pasteur parle avec une telle ferveur et un tel engagement que le malade comprenne qu'il est capital pour le pasteur qu'il s'approprie le message. Il faut que le patient, une fois le visiteur parti, se souvienne de ce qui a été dit et comprenne que sa situation spirituelle est beaucoup plus sérieuse qu'il ne le pensait. Il faut qu'il comprenne que le visiteur est réellement préoccupé par son avenir, son destin éternel.

Il v a aussi les ignorants qui s'ignorent, c'est-à-dire les gens cultivés qui ne savent pas réellement ce qu'est le christianisme et qui ne veulent pas l'admettre. Si on leur rappelle les rudiments de la foi chrétienne, ils sont offensés et se sentent traités comme de jeunes confirmands. Et pourtant leur ignorance peut être totale et ils peuvent être victimes d'idées sur la repentance, la grâce, le pardon ou la foi absolument fausses. Il faudra faire preuve de beaucoup de doigté et de tact, mais aussi être intrépide et clair. Ces ignorants cultivés seront sauvés de la même façon que les autres, par la repentance et la foi.

Il faut s'attendre aussi avec ces gens à des questions critiques, voire à de l'opposition. On ne peut pas espérer que des gens habitués à penser de façon autonome acceptent d'emblée, sans la moindre hésitation, quelque chose qu'ils n'ont pas connu auparavant et qui est si insolite et irrationnel. Ces questions sont naturelles, et il faut être prêt à y répondre. Cependant on ne permettra pas à l'entretien de dégénérer en une joute oratoire et un débat d'idées. On n'oubliera pas que ces gens font tout pour détourner la conversation du problème de leur relation avec Dieu et de leur salut vers des sujets religieux accessoires, où ils ne se sentent pas remis en cause. C'est là une tactique constante chez l'homme.

Tout doit être fait pour que le malade reconnaisse ses péchés. Ce n'est qu'alors que le message de la Parole de Dieu exerce son autorité sur un individu. Mais admettre ses péchés est une démarche douloureuse. Chez un malade, cela peut même créer un choc préjudiciable à son état de santé. C'est pourquoi, beaucoup de gens bien intentionnés pensent qu'il ne faut pas prêcher la Loi aux malades et se contenter de leur parier de l'amour du Christ. C'est une erreur. Le message de l'amour du Christ est sans effet sur un coeur qui n'a pas été brisé par la repentance

Cependant, tout en annonçant la Loi, on rappellera constamment que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se repente et qu'il vive. La peur qu'inspire la prise de conscience du péché est ainsi contrebalancée par la consolation que procure l'Evangile.

Pour susciter la repentance, il faut démolir toutes les fausses excuses, renverser toutes les barrières derrière lesquelles l'homme a trop tendance à se réfugier. On n'oubliera pas que l'homme érige ses plus fortes défenses à l'endroit où il se sait le plus vulnérable, là où il sent que la Loi s'en prendra à lui. Il ne faut donc pas se contenter de généralités, obtenir du propre-juste qu'il reconnaisse qu'il est après tout pécheur comme tous les autres hommes, mais parler de façon concrète, l'amener à reconnaître un, deux ou plusieurs péchés en particulier, et à partir de là, démonter ses autodéfenses et l'amener à une repentance englobant tous les aspects de sa vie. Il faut que toutes les écailles de la propre-justice tombent, donc à partir du péché particulier, indéniable, déboucher sur une repentance globale.

Parfois la repentance est progressive. On éprouve un malaise en raison de certains péchés dont on prend conscience, mais on sait qu'on a aussi ses bons côtés et on cherche à équilibrer les deux. Puis la repentance progresse, quand ces différentes béquilles tombent et que l'individu comprend que toute sa justice est comme un vêtement souillé. Dans d'autres cas, la repentance peut être instantanée et subite, parce que la prise de conscience du péché est irrésistible.

Il arrive aussi que le malade ait de nombreux péchés à confesser, mais qu'il n'en soit pas conscient. Il faut donc trouver chez lui une brèche par laquelle passer. Puis l'impénitence s'écroule au moment où on s'y attend le moins, et le visiteur moissonne alors en un instant ce qu'il a semé pendant de longues heures de travail. Quand il entend la question : « Que dois-je faire pour être sauvé ? » est venu le moment bienheureux où il peut proclamer le pardon par la foi en Christ.

 

Les conversions de malades :

Les conversions de malades ne sont pas aussi nombreuses qu'on aurait tendance à le croire. Très souvent, quand le danger de mort est écarté et que le malade retrouve un peu de sa santé, il retourne vers son passé et sombre à nouveau dans l'indifférence religieuse ou l'impénitence. Dans ce cas-là, il n'y avait sans doute pas de conversion réelle. En effet, si on a fait l'expérience de la grâce et du pardon du Christ, on ne peut pas oublier cette expérience aussitôt que la peur de la mort est écartée. La foi, si faible soit-elle, ne disparaît pas avec le danger de mort. Sans doute a-t-elle besoin de grandir, mais elle est là. Il faut donc se méfier des conversions apparentes.

La conversion d'un malade est chargée d'émotions, car elle a lieu dans une situation particulière où la peur du châtiment divin cède la place à la bienheureuse certitude du pardon. Le danger est que l'intéressé fonde sa certitude du pardon sur ce qu'il ressent, dans son coeur, sur les émotions du moment, au lieu de la fonder sur les promesses de l'Evangile. Et quand par la suite il ne ressentira plus les émotions bienfaisantes qui l'ont transporté au moment de sa conversion, il sera un déçu du christianisme. Il ne lui aura pas apporté, ou ne lui aura apporte que pour un moment les joies qu'il en avait espéré.

Chaque fois que le pasteur a affaire à quelqu'un qui lui dit sa joie d'avoir découvert le Christ et constaté que ce Christ a tout changé dans sa vie, il doit comprendre qu'une importante tâche l'attend : celle qui consiste à aider cette personne à grandir dans la foi. Il est normal que le nouveau converti fasse l'expérience de la joie et connaisse un moment d'exaltation. Le mettre en garde contre cela serait une erreur. Ce serait lui faire comprendre que cette joie n'est pas légitime ou qu'elle est malsaine. Par contre, il faut expliquer à ce chrétien qu'il n'éprouvera pas toujours une joie de cette intensité. Il devra apprendre à prendre Dieu au mot et à croire sa Parole, même quand il ne ressentira pas la douceur de sa grâce. L'heure viendra aussi où, face à la tentation, il ne sera pas toujours aussi solide que maintenant. L'ancre de la foi est dans la Parole et non dans nos émotions, si légitimes et belles soient-elles. Ce qui compte, c'est le verdict que dans l'Evangile Dieu prononce sur nous et non ce que nous dit notre propre coeur.

Ce peut être là un travail de longue haleine où l'individu ne comprend pas toujours pourquoi le pasteur s'efforce d'enraciner sa foi dans la Parole. Il est tellement heureux de croire, cela lui paraît tellement facile, il est à ce point subjugué par la grâce de Dieu qu'il ne comprend pas l'application que le pasteur met à fortifier sa foi. En quoi aurait-elle besoin d'être fortifiée ? Tout n'est-il pas si limpide et si évident ? Il faudra que le patient apprenne notamment à bien comprendre le rapport entre la justification et la sanctification, pour ne pas voir dans cette dernière quelque chose qu'il doit accomplir pour plaire à Dieu et rester digne de la grâce qui lui a été offerte.

Les nouveaux convertis font généralement preuve de beaucoup de zèle, notamment du grand désir de parler de leur expérience. Ceci peut être source d'une certaine autosatisfaction qui les incite à avoir une trop haute opinion d'eux-mêmes. Ces nouveaux chrétiens doivent apprendre à se calmer devant le Seigneur et à laisser sa Parole pénétrer toujours plus profondément dans leurs coeurs.

 

La maladie fortifie la foi :

La souffrance et la maladie sont comme un creuset où se purifie la foi. Le malade cesse de se fier à lui-même et apprend à faire confiance à Dieu. Il renonce à toute propre justice pour ne se réjouir que de la grâce du Seigneur Jésus-Christ. Il prend conscience aussi de toute l'incrédulité ou du peu de foi dont il a fait preuve jusqu'à présent. En réalité, ce n'est pas la maladie elle-même qui fortifie la foi. La foi n'est engendrée, fortifiée et préservée que par les moyens de grâce. Mais le propre de la maladie et de l'épreuve est de rendre l'homme plus disponible pour les moyens de grâce et plus ouvert à leurs promesses. Elle le renvoie aux bénédictions promises dans l'Evangile dont le Saint-Esprit se sert pour faire son oeuvre.

 

La maladie aide le patient à mieux se connaître :

Il y a des gens qui sont saisis de panique à l'heure de la maladie. Aussi s'accusent-ils d'avoir été jusqu'à présent de mauvais chrétiens, voire des hypocrites. Ils procèdent à une remise en question totale. Que penser d'eux ?

Il faut savoir qu'il existe des gens qui se réfugient dans un style de vie chrétien, qui font parfois même preuve de plus de zèle que les autres, mais qui ne sont pas touchés par la grâce. Ils montrent beaucoup d'intérêt pour le christianisme, s'investissent dans la vie de l'Eglise, affichent une grande passion pour les questions doctrinales et beaucoup de souci pour la pureté de l'enseignement ou pour le témoignage et la mission, mais en fait ils ne vivent pas de la grâce de Dieu. Tous les saluent comme de grands croyants, en réalité ils sont beaucoup plus sensibles à ce que les gens disent d'eux qu'à ce que la Parole de Dieu a à leur dire. Mais à l'heure de la maladie, surtout quand celle-ci est sérieuse et annonciatrice de la mort, ils ne peuvent plus jouer à ce jeu-là. Pour assumer la maladie, il faut de l'expérience spirituelle, et c'est ce qu'ils n'ont pas. Ils ont peut-être souvent, dans le passé, affirmé que le croyant peut mourir sans peur, parce qu'il a fait l'expérience de la grâce divine, mais à l'heure de la maladie ils ne parviennent à s'accrocher à aucune promesse de l'Evangile. La conscience se dépêche alors d'élever sa voix et de les accuser d'hypocrisie.

On peut avoir affaire dans la cure d'âme à de vrais chrétiens que Satan tente à l'heure de la maladie pour les convaincre d'hypocrisie et de fausse foi. Mais on peut aussi avoir affaire à des gens qui ne sont pas d'authentiques croyants. Il appartient au visiteur de faire la différence entre les deux.

 

La condition physique du malade :

Il existe des maladies particulièrement oppressantes et génératrices d'anxiété, telles que les maladies respiratoires ou entraînent des palpitations et de l'arythmie. Le malade est tellement inquiet par ce qui se passe dans son corps que son coeur ne peut plus prier. D'où la remise en question de sa foi: « Ceux qui sont justifiés par la foi ont la paix avec Dieu. Je n'ai pas de paix, donc... ». « Je prie si peu ou si mal... » L'anxiété de l'âme n'est parfois que la conséquence inéluctable d'une mauvaise condition physique, de l'agitation du corps, sans qu'elle soit la traduction d'un état spirituel. Il existe pour cela des exemples dans la Bible, notamment dans les psaumes 21.

Il y a aussi les malades qui souffrent beaucoup de leur manque de sanctification. Aussi longtemps qu'ils se portent bien, ils savent qu'ils ont encore un bout de chemin devant eux où ils pourront faire des progrès. Mais voici que vient la maladie, annonciatrice de la mort. Leur conscience les accuse et leur reproche tous leurs manquements. Aussi leur est-il difficile de placer leur confiance dans les promesses de l'Evangile, alors que leur coeur les accuse. Le pasteur devra leur montrer qu'ils ne distinguent pas correctement Loi et Evangile, qu'ils confondent justification et sanctification. Un chrétien ne pourra jamais se consoler en se disant qu'il a été un bon croyant. Le salut ne se fonde jamais sur la sanctification, si réelle et belle soit-elle, car elle est toujours imparfaite. Le bien que nous faisons ne sera jamais que du patchwork. Il importe donc de montrer à un tel patient qu'il lui faut passer par une repentance telle qu'il ne fonde rien sur lui-même et cherche son salut exclusivement en Jésus-Christ. Le pasteur devra prêcher la Loi de façon à ce que ce malade renonce entièrement à toute propre justice, à tout sentiment que sa sanctification peut lui valoir quoi que ce soit. Ensuite l'Evangile devra lui être annoncé dans toute sa beauté, pour qu'il comprenne combien le salut de Dieu est grand, gratuit et immérité.

 

Le désir du ciel :

Que l'incroyant s'accroche à ce monde et refuse d'envisager la mort ou ne le fasse qu'avec un sentiment de révolte, va de soi. C'est un signe de son incrédulité. Mais il arrive aussi que le croyant éprouve des sentiments semblables, qu'il n'ait aucune envie de quitter ce monde et qu'il recule devant la mort et l'au-delà. On y verra tout naturellement et à tort une preuve d'incrédulité. Il faut aider un tel malade à surmonter ce sentiment de culpabilité. Il n'est pas facile de quitter ce monde, quand on y a été heureux. Seul le Saint-Esprit peut, par l'Evangile, nous en donner l'envie, en faisant naître dans nos coeurs une réelle nostalgie du salut céleste. Il n'est donc pas question de culpabiliser ce malade, tant qu'on a la certitude que c'est un croyant sincère, mais il faut fortifier sa foi en lui présentant les bienfaits célestes qui l'attendent. A l'Evangile, puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, de faire le reste.

 

La foi forte :

Le visiteur qui rend visite à des chrétiens malades et mourants a souvent le sentiment de recevoir davantage qu'il ne peut donner. C'est au chevet de chrétiens malades que les pasteurs font les plus belles expériences de leur ministère, quand ils ont affaire à des croyants qui ont passé avec succès l'épreuve de la foi, surmonté la tentation, appris à accepter la volonté de Dieu, à se laisser entièrement guider par lui et à se réjouir des biens qui les attendent dans le ciel.

 

Les tentations du diable :

La Bible parle des traits enflammés du Malin 22 qui, à l'heure de la maladie et de la mort, essaie de saisir sa dernière chance pour détourner un croyant du salut éternel. Il arrive que des chrétiens qui se sont efforcés pendant toute leur vie de ne pas prendre le nom de Dieu en vain aient envie, dans la maladie, de s'en prendre à lui, voire de le maudire. D'autres, qui n'ont jamais douté de la véracité de la Parole de Dieu, la mettent tout à coup en doute, se demandent si on peut bien se fier à elle. Ce sont souvent de mauvaises pensées dont le malade a honte, qu'il désapprouve entièrement et aimerait ne pas avoir, mais dont il n'arrive pas à se libérer. Elles peuvent l'envahir au moment même où il est en prière.

Plutôt que d'un péché volontaire, il s'agit d'une tentation à laquelle le chrétien malade ne parvient pas à résister. Il faut donc le déculpabiliser. Comme le disait Luther: « Nousne pouvons pas empêcher les oiseaux de passer par-dessus nos têtes, mais nous pouvons leur interdire d'y bâtir des nids ». Ainsi, nous ne pouvons empêcher le diable de nous inspirer de mauvaises pensées, mais nous pouvons interdire à ces mauvaises pensées d'établir leur demeure chez nous. Le combat que le malade connaît à l'heure de la tentation est le moyen dont Dieu se sert pour tester sa foi. Qu'il sache qu'il est entre les mains du Tout-Puissant, comme dans tout autre épreuve. Dieu ne permettra pas à Satan de ravir la foi de son enfant au dernier moment, alors qu'il la lui a préservée pendant de si nombreuses années.

 

Le désir de mourir pour être chez le Seigneur :

Ce désir est légitime et l'oeuvre de Dieu. Il n'existe que chez le croyant. Mais il peut être aussi exacerbé et s'accompagner d'un manque total d'intérêt pour les choses présentes. Il est des chrétiens malades qui négligent entièrement leurs responsabilités présentes, sous prétexte qu'ils vont bientôt mourir. Ils voient même dans cette négligence une preuve de l'action du Saint-Esprit, un culte qu'ils rendent à Dieu. Il y a de fortes chances pour que ce soit un culte de leur propre invention. Dieu nous demande de le servir en assumant fidèlement les responsabilités qu'il nous a confiées. Il ne faut pas confondre l'impatience coupable avec l'attente patiente de l'heure choisie par Dieu. Le chrétien est prêt à porter sa croix tout le temps que Dieu veut qu'il le fasse.

 

Les erreurs de jugement :

Quand on est gravement malade et condamné à mourir sous peu, on rompt petit à petit les liens avec le monde pour lequel on perd de plus en plus d'intérêt. Il faut se méfier alors de faux jugements qu'on pourrait porter sur d'autres. L'un consiste à accuser les chrétiens qui s'affairent ici- bas d'être les esclaves de ce monde, de se soucier des choses de cette terre et d'en faire peu pour le Royaume de Dieu, alors qu'ils ne font peut-être que s'acquitter de leurs devoirs les plus légitimes. Le démon du pharisaïsme a vite fait d'accomplir son oeuvre. Il faut savoir aussi que la maladie est un prisme déformant. Il est difficile, quand on est malade, de jeter sur le monde et les hommes un regard serein et objectif et on risque de prononcer des jugements injustes. Il s'agit d'ailleurs souvent de chrétiens expérimentés auxquels on a toujours concédé une certaine autorité spirituelle. Eux qu'on écoutait toujours avec un certain respect, supportent d'autant plus mal d'être mis en garde par le pasteur. Celui-ci doit faire preuve à la fois d'humilité et de fermeté, pour montrer à ce type de malade qu'il lui parle comme il le fait parce qu'il est convaincu de devoir le faire, convaincu que son discours est vrai et que le Seigneur attend de lui qu'il le lui tienne.

 

Les éloges dangereux :

On a l'habitude d'admirer les chrétiens qui font preuve de constance dans l'épreuve et qui subissent avec succès le test de la foi. C'est normal, à condition de savoir et de rappeler que la constance dont ils font preuve est un don de la grâce dont ils ne peuvent pas se vanter.

 


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6-Octobre-2002, Rev. David Milette.