CURE D'AME, par Dr. Wilbert Kreiss - index  CURE D'AME, par Dr. Wilbert Kreiss - index


 

L'ACCOMPAGNEMENT PASTORAL DES MALADES EN PHASE TERMINALE ET DES MOURANTS

La souffrance est le lot de tous les hommes dans l'économie actuelle de la chute. Tous font notamment l'expérience de pertes et de déchirements, et il appartient au pasteur de venir en aide à ceux de ses paroissiens qui passent par là. La cure d'âme auprès des mourants revêt un double aspect : il s'agit d'aider celui qui est atteint d'une maladie incurable et qui sait qu'il va mourir sous peu à assumer tous les sentiments et émotions que sa situation génère et de le préparer à la mort, et en même temps de soutenir et de consoler ses proches parents, à la fois dans la perspective de la mort prochaine et au lendemain de celle-ci.

 

L'aide aux malades en phase terminale et aux mourants :

Venir en aide aux malades en phase terminale et aux mourants est l'un des aspects les plus difficiles du ministère pastoral. Il s'agit pour le patient et pour le pasteur de faire face au dernier ennemi, la mort.

Affronter la mort n'est pas facile. D'autant plus qu'on vit dans un monde qui évacue la mort. Il le fait en exaltant la jeunesse, la force, les performances et la beauté. Les techniques médicales modernes permettent de repousser toujours davantage cette échéance. D'autre part, le spectacle de la mort ne fait plus partie de l'expérience ordinaire de la vie. La plupart des vieillards mènent une existence autonome et ne vivent pas sous le même toit que leurs enfants. Les soins sont prodigués par les infirmières et les travailleurs sociaux. Par ailleurs, on ne meurt plus guère chez soi, entouré des siens, mais en milieu hospitalier. Les gens ne sont que rarement là pour assister à l'agonie de leur proche parent.

Par ailleurs, les médecins qui vivent la mort comme un échec ne disent pas volontiers la vérité à leurs malades. Tous les patients redoutent aussi d'être diminués, voire défigurés par la maladie, de dépendre des soins constants d'autrui.

Il est particulièrement difficile de mourir quand on a le sentiment d'avoir gâché sa vie. Inversement, quand la vie qu'on mène a un sens et un but, quand elle vécue dans l'épanouissement, il est plus facile d'affronter la mort quand elle s'annonce. Il est donc important pour le pasteur de montrer à ses fidèles ce qu'est le vrai but de la vie, en quoi consiste une vie bien vécue, de les encourager à mener une vie qui leur permette de s'épanouir pleinement, et cette vie-là est vécue en communion avec Dieu, dans la foi en ses promesses et dans la soumission à sa volonté 23. Le Dr. Elizabeth Kubler- Ross, grande spécialiste américaine de l'accompagnement des mourants 24 estime qu'il est capital que les gens vivent de manière à ce qu'ils n'aient pas, en regardant en arrière, à dire : « J'ai gâché mon existence ». S'il est plus facile de mourir quand on a mené une vie qui valait la peine d'être vécue, il l'est encore davantage de mourir quand on a vécu en communion avec Dieu et qu'on s'apprête à mourir dans la foi. Aider les gens à vivre dans la foi en Dieu, la crainte et l'amour de son nom, c'est les préparer à bien mourir. C'est la première tâche d'un pasteur.

Il doit aussi instruire ses fidèles sur la mort. En aidant les gens à comprendre ce qu'elle est, on les aide à l'assumer. La souffrance devient insupportable, quand elle n'a pas de sens. Il faut savoir que la mort fait partie du cycle de la vie. Dieu ne l'a pas créée, mais elle est le salaire du péché 25. Cependant le Christ l'a vaincue. Le chrétien ne subit donc pas un échec en mourant, mais la mort est pour lui le moyen de déposer un corps souillé par le péché pour pouvoir vivre en présence de Dieu, en attendant sa résurrection glorieuse. La mort est l'entrée glorieuse dans la vie éternelle. Elle est donc pour le chrétien racheté un don de Dieu. Ce n'est que par la mort que nous pouvons vivre en présence de Dieu. Le but de la vie du chrétien est donc de tout faire pour mourir un jour dans la foi, afin que se réalisent pour lui les promesses qui lui sont faites dans l'Ecriture. La mort du chrétien est une victoire et non un échec, une victoire qu'il doit à celui qui l'a racheté en vainquant le péché, la mort et l'enfer.

Pour aider les gens à mourir, il faut bien les connaître. Des études spécialisées semblent prouver qu'on meurt comme on a vécu, que l'homme aura face à la mort les réactions et attitudes qui sont les siennes quand il fait face, dans la vie, à l'adversité, au stress, à l'échec, à un défi ou une perte.

Enfin, pour pouvoir utilement préparer les autres à la mort, il faut que le pasteur réfléchisse à sa propre attitude a cet égard. Plus il sera lucide au sujet de ce que la mort lui inspire personnellement, plus il sera en mesure de comprendre les autres, et notamment d'accepter qu'ils expriment librement leurs sentiments à cet égard. Quelques éléments de réflexion :

1) Dire la vérité à celui qui souffre d'une maladie incurable :

Les médecins ne disent pas toujours la vérité à leurs malades, soit parce que cela les contraint d'avouer leur échec et que cela leur fait donc peur, soit qu'ils pensent que la connaissance de la vérité pourrait traumatiser leurs patients inutilement et abréger leurs jours. Il en va de même de beaucoup des proches parents bien intentionnés. Ils veulent protéger le malade d'une « mauvaise nouvelle ». Le pasteur ne devrait pas encourager cette attitude. La plupart des mourants interrogés par le Dr. Kubler- Ross ont déclaré qu'ils auraient préféré savoir la vérité à temps. Rien ne semble plus mal accepté que le sentiment que le médecin cache la vérité, qu'il fuit le malade et évite tout contact avec lui.

En cachant la vérité à un patient, on lui interdit de mener à bien une tâche qu'il n'a pas encore accomplie, de prendre ses dernières dispositions en faveur de sa femme, de ses enfants ou de son Eglise, de demander pardon à quelqu'un à qui il a fait du tort, de faire ses adieux à ceux qu'il aime ou de se réconcilier avec Dieu et de trouver la paix auprès de lui. En cachant la vérité, on nuit aussi au climat de confiance qui est si important à ce moment-là. Les grands malades le sentent parfaitement, lorsqu'on leur dissimule quelque chose. C'est à éviter à tout prix.

2) Savoir écouter :

Quelqu'un a noté avec finesse que Dieu nous a donné deux oreilles, mais une seule bouche. Peut-être peut-on en tirer la conclusion qu'il faut écouter deux fois plus qu'on ne parle. D'autant plus que Dieu nous a donné la possibilité de fermer la bouche, mais pas les oreilles. C'est à ne pas oublier. Trop souvent on croit pouvoir tout régler en haussant le ton ou en multipliant les paroles. Une chose est certaine : on ne peut pas répondre à une question avant de la connaître ni proposer une solution à un problème avant d'avoir cerné ce dernier. Elizabeth Kubler-Ross signale que ce qui l'a toujours frappée, c'est que les membres du clergé se comportent généralement comme si ouvrir une Bible ou un livre de prières était le seul moyen de communiquer avec des patients, et qu'ils évitent trop souvent d'écouter ce qu'ils ont à dire, fuyant peut-être des questions embarrassantes 26. Avant de parler à quelqu'un qui souffre, et avant même de lui annoncer la Parole de Dieu, il faut savoir l'écouter.

Le but du pasteur doit être d'aider les mourants à faire le nécessaire pour accepter l'idée de la mort et partir en paix. Pour cela, il faut les écouter, détecter leurs besoins et les aider à les satisfaire. On n'est pas là pour leur dire ce qu'ils doivent ressentir ou ce qu'ils ont à faire, encore moins pour leur imposer ses propres sentiments, mais pour les aider à assumer les sentiments et les émotions qu'ils éprouvent.

3) Comprendre le patient :

Aider, c'est tout d'abord comprendre ce qu'éprouve l'autre. La plupart des malades en phase terminale passent par cinq phases : le déni, la colère ou la révolte, le marchandage, la déprime et l'acceptation. Cette séquence cependant ne se vérifie pas toujours. Tous ne passent pas nécessairement par chacune de ces cinq étapes. D'autre part, elles ne se suivent pas toujours dans la même séquence, et enfin le temps que mettent les malades à les franchir varie considérablement de l'un à l'autre. Essayons de les analyser un peu.

La première réaction de celui qui réalise qu'il va mourir sous peu est le déni, comme le montrent des réactions du genre: « Non, pas moi ! », « Ça ne peut pas être vrai ! » Il s'efforcera de nier sa maladie ou sa gravité, mettra en doute le diagnostic, ou bien laissera entendre que ce diagnostic ne lui fait pas peur. Il parlera de guérison, fera des projets et bâtira des plans tout à fait utopiques pour l'avenir, désobéira à son médecin, fera preuve d'un optimisme irréaliste concernant l'opération qu'il doit subir ou le traitement auquel il lui faut se soumettre, etc.

Le déni est une chose à la fois bonne et mauvaise. Il est bon, car il constitue un réflexe de défense permettant au malade de supporter le choc, en attendant de trouver un mécanisme moins radical. Il ne faut donc pas renverser ces murailles de protection. Il convient de respecter cette réaction d'autodéfense du patient, son besoin passager de nier, du moment qu'on ne triche pas avec lui.

Mais le déni est mauvais si le patient refuse de sortir de ce stade. Dans ce cas, il faut essayer de déterminer la part du patient et la responsabilité de son entourage. Le malade en effet refuse souvent de franchir ce stade quand il sent que le médecin et la famille nient l'évidence et se complaisent eux- mêmes dans cette phase. Il dépend entièrement de son environnement et a besoin de ceux qui l'entourent. Il va donc nier sa maladie s'il estime que son entourage lui demande de le faire, et il suffit qu'il ait quelqu'un avec qui parler ouvertement, pour qu'il accepte de renoncer à cette attitude.

La question « Pourquoi moi ? » révèle que le patient en est au stade de la colère. Cette colère, il la tourne contre son médecin dont il met en doute la compétence, contre les infirmières qui le soignent, contre sa famille, son pasteur, voire Dieu lui-même. Il fait alors preuve d'amertume et de rancune, se plaignant de tout et de rien, jalousant ceux qui se portent bien ou qui vivent plus vieux. Parfois, la colère n'est qu'un appel à l'aide lancé par quelqu'un qui souffre d'une grande solitude.

Il n'est pas facile de s'occuper de gens en colère. Surtout quand cette colère se tourne vers Dieu. Le pasteur étant son représentant, c'est généralement devant lui qu'elle se répand. La colère contre Dieu est le plus souvent irrationnelle, non réfléchie. Il faut le savoir et ne pas faire preuve d'une inutile dureté. Qu'on permette au patient de l'exprimer. Généralement il finira par comprendre son erreur et demandera pardon à Dieu.

Très souvent, le patient pose des questions : « Pourquoi moi ? », « Qu'ai-je fait pour mériter cela ? » Le pasteur pense généralement qu'il doit y répondre, alors que le malade n'exige pas toujours de réponse, mais que poser ces questions est souvent pour lui un moyen de ventiler sa colère. Souvent elles n'ont pas d'autre réponse que la vérité biblique selon laquelle nous vivons dans l'économie de la chute. Ce qui satisfait ou ne satisfait pas l'intéressé. Mais que le pasteur ou le visiteur n'imagine pas qu'il doive prendre la défense de Dieu et avoir une réponse à toutes les questions. Il y a des choses qui nous sont cachées. Qu'il permette au malade de s'exprimer, sans lui tomber dessus, sachant que ce genre de débordement fait partie, lui aussi, des mécanismes de défense et permet de trouver un soulagement. Le pasteur peut toujours, par la suite, quand son malade s'est exprimé librement, lui dire en toute simplicité et avec tout le calme voulu ce que son attitude a d'irrationnel.

Il existe une forme de colère que le malade tourne contre lui-même et qui se manifeste par un sentiment de culpabilité. Beaucoup de malades incurables ont le sentiment que le Seigneur les châtie pour quelque péché particulier. Ce sentiment de culpabilité est, lui aussi, la plupart du temps irrationnel. Il est sûr que nous sommes tous coupables devant Dieu ; mais il est sûr aussi que nous pouvons vivre de son pardon et nous en réjouir. Il faut donc annoncer au chrétien mourant toutes les consolations de l'Evangile. S'il souffre d'un sentiment légitime de culpabilité à l'égard d'un homme pour l'avoir offensé et ne pas encore s'être réconcilié avec lui, le pasteur devra tout faire pour l'aider à le surmonter par la repentance et la réconciliation.

Le malade incurable cherche volontiers à marchander avec Dieu. Il est prêt à accepter sa volonté, mais à condition que le Seigneur lui permette encore de vivre un certain temps, pour qu'il puisse finir un travail inachevé, vivre encore quelques mois auprès de sa femme ou de son mari, assister au mariage d'un enfant ou au baptême d'un petit-enfant.

Le marchandage est un moyen d'ajourner l'inéluctable. Le patient qui marchande le fait généralement parce que Dieu n'a pas réagi à ses accès de colère. La colère ayant échoué, on espère obtenir quelque chose en lui parlant sur un ton gentil et en lui proposant une sorte de contrat.

Un exemple classique est celui du paroissien qui a négligé d'aller au culte. Il dira volontiers à Dieu : « Seigneur, si tu me permets de vivre encore un peu, je te promets que tu me verras tous les dimanches à l'Eglise ». L'intéressé reconnaît son indifférence et sa tiédeur passées, estime que sa maladie en est une conséquence et promet de se corriger s'il en réchappe. La phase du marchandage est utile, car elle montre que le patient a su faire un bilan, incomplet et imparfait, sans doute, mais un bilan tout de même. Il convient donc de respecter son besoin de passer par ce stade. Il ne faut pas cependant qu'il s'imagine pouvoir apaiser Dieu par des promesses. Dieu n'est réconcilié avec nous que par la mort de son Fils et toutes les bénédictions passent par lui. S'il accorde une « rallonge » à un malade condamné par la médecine, il le fait par sa seule grâce et non en vertu d'un marchandage. On se souviendra de l'exemple de David 27. L'enfant que Bathscheba lui avait donné était mourant. Le roi s'imposa un jeûne sévère dans l'espoir que Dieu l'épargnerait. Mais quand il mourut, David interrompit son jeûne, comprenant qu'il n'avait plus de raison d'être.

Beaucoup de malades incurables passent par elle. Elle peut revêtir deux formes. Il y a tout d'abord la déprime liée à l'évocation du passé : le malade se plaint de n'avoir pas pu faire un tas de choses, d'avoir échoué en ceci ou en cela, d'avoir rompu des liens, commis de mauvaises actions. Le pasteur peut offrir son aide de bien des façons, en consolant le malade à propos de buts qu'il n'a pas atteints, ou bien en provoquant une réconciliation.

La déprime peut aussi s'orienter vers l'avenir : la perspective de devoir quitter les siens ou de laisser une épouse poursuivre son chemin toute seule, l'éventualité d'une déchéance physique, la peur d'être une charge pour la famille peuvent abattre le malade. Il ne faut pas tenter de briser cette tristesse avec des arguments faciles qui risquent d'être peu acceptés. Elle est même nécessaire en ce qu'elle permet au mourant de faire un « travail de deuil » indispensable. C'est ce travail de deuil qui permet de passer à la phase de l'acceptation. Il faut savoir être présent et écouter, pour déterminer les besoins physiques, spirituels ou psychiques réels du patient.

C'est le dernier stade, auquel tous cependant n'accèdent pas. On n'y parvient que si on a pu achever certaines choses comme régler tel ou tel problème, se réconcilier avec tel ou tel membre de la famille ou ami, et si on arrive à se soumettre à la volonté de Dieu et à accueillir la mort. C'est à ce prix qu'elle est non pas une défaite, mais une victoire et qu'on quitte ce monde dans la paix avec Dieu, les autres et soi-même, en disant avec l'apôtre Paul : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi » 28.

Cette phase est à la fois réconfortante et frustrante pour l'entourage. Réconfortante pour des raisons évidentes, frustrante parce que le malade, prêt à mourir, ne désire pas toujours des visites et ne souhaite pas toujours parler. Il s'est détaché de ce monde, souvent même de ceux qu'il a aimés. Alors ces derniers sont parfois choqués, parce qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe. D'autres veulent forcer le malade à continuer à se battre pour vivre, alors qu'il ne désire plus qu'une chose, mourir. Il veut partir. Il appartient donc à la famille de le laisser partir. Quand Jacob fut prêt à mourir, il convoqua ses enfants, les bénit et leur fit ses adieux 29.

On ne confondra pas acceptation et résignation. Ce n'est pas la même chose. La résignation est l'attitude de celui qui subit quelque chose sans y acquiescer, malgré lui. L'acceptation, au contraire, traduit le consentement.

Quelques précisions supplémentaires : Les mourants sont comme tout le monde. Ils ne disent pas toujours ce qu'ils pensent et ressentent et s'expriment parfois de façon voilée. Un tel dira à son entourage ou à son pasteur : « Cela fait quinze jours que je suis à l'hôpital et je n'ai fait aucun progrès » non pas pour s'en plaindre, mais dans l'espoir d'être contredit ou d'obtenir des informations sur son état.

Les grands malades sont souvent hantés de peurs : peur de devoir mourir seuls, peur de souffrir ou d'être asphyxiés, peur d'être défigurés par la maladie, peur de perdre son indépendance ou de sombrer dans la folie, etc. A cela s'ajoutent des appréhensions de toutes sortes, celle d'être à charge à autrui, l'anxiété qu'engendre la perspective de la séparation, les soucis pour l'avenir de sa femme ou de ses enfants, l'impression que la vie n'a pas de sens maintenant que la mort est imminente.

On se souviendra aussi que le mourant est encore un être vivant. Il apprécie donc qu'on lui parle de sa famille, du travail, de tout ce qui l'a intéressé, voire passionné dans la vie. On se gardera cependant de parler de futilités, de choses sans importance, car le patient interprétera cela comme une inaptitude à faire face à la réalité qu'est la mort imminente.

Le tableau suivant résume ce que nous avons exposé et que nous devons essentiellement aux travaux d'Elizabeth Kubler-Ross :

ETAPE

MANIFESTATION COMPRENDRE QUE FAIRE ?

LE REFUS L'ISOLEMENT

Non, ce n'est pas vrai, cela ne peut pas m'arriver.

Attitude de défense temporaire utilisée par presque tous les malades au début de leur maladie et de façon épisodique par la suite.

Ecouter, prendre le temps, revenir même si le patient semble ne pas vouloir ou pouvoir parler. Il ne tardera pas à éprouver un sentiment de confiance et à sentir que quelqu'un est là, disponible pour l'aider et l'entourer.

LA COLÈRE OU LA RÉVOLTE

Pourquoi moi ? Irritation, rage, jalousie sentiment d'injustice, ressentiment sont projetés dans toutes les directions, sur tout l'entourage. Etape difficile. La colère se projette sur ceux qui ont la chance de jouir de tout ce dont le malade est privé.

Compréhension. ne pas en faire une affaire personnelle. Respect, tolérance, patience.

LE MARCHANDAGE

Oui, mais si je suis plus gentil, si j'accomplis tel acte, si je fais à Dieu un voeu ou une promesse..., peut-être guérirai-je et la mort sera-t-elle repous- sée?

Tentative de retarder les événements. Promesses parfois liées à un sentiment de culpabilité. Dieu est souvent mis en cause, sollicité.

Expliquer, rassurer, aider à accomplir les actes qui apporteront la paix. Importance de l'accompa- gnement pluridisciplinaire et du partage entre les accompagnants (soignants, pasteur, famille, psycholo- gue...).

LA DÉPRIME

C'est dur, je n'en peux plus, tout va mal... Emotions, larmes, peur... Pertes successives diffi- ciles (intégrité physique, sentiment de déchéance sur le plan personnel, familial, social...). Souf- france, chagrin de la sé- paration finale, la déprime est aussi une préparation au passage à la phase suivante, l'acceptation. Trouver parfois une parole de réconfort pour écarter les sentiments de honte ou de culpabilité, mais surtout lais- ser s'exprimer la tristesse normale, rester à côté sans beaucoup de paroles. Im- portance du geste amical, affectueux...

L'ACCEPTATION OU LA RÉSIGNATION

Fatigue, affaiblissement, sommeil, souvent absence de sentiments, cercle d'in- térêt rétréci, envie de solitude et de silence. Fin de la lutte, temps de repos et de paix. Etape pas toujours atteinte ni sou- haitée. Silence, présence, geste... La famille a parfois plus besoin d'une aide spirituelle que le malade.

4) L'aide à la famille :

Assister un mourant, c'est aussi assister sa famille. Tâche difficile, mais nécessaire. La proche famille éprouve souvent dans ce cas un profond sentiment de culpabilité. On se reproche d'avoir mal agi, de n'avoir pas témoigné au mourant assez d'amour et de compréhension. On se reproche aussi parfois de lui souhaiter une mort rapide et sans souffrances. Le mieux que le pasteur ait à faire est de les écouter et de les aider à assumer leurs sentiments.

Bien des familles ont des problèmes de communication, et ces problèmes s'intensifient considérablement en cas de maladie incurable et de décès imminent. On veut protéger le mourant et on se réfugie, pour ce faire, dans le silence. Il faut donc encourager les gens à exprimer ouvertement et honnêtement leurs émotions, même quand celles-ci ont le pouvoir de mettre mal à l'aise ou qu'elles sont ressenties comme saugrenues. Il faut savoir accepter les sentiments d'autrui sans les juger. Quoi qu'il en soit, on ne peut aider quelqu'un que si on sait exactement ce qu'il a dans le coeur et ce qu'il ressent au fond de lui-même.

5) Les consolations de la Parole de Dieu :

Il faut apporter aux mourants le secours et le réconfort de la Parole de Dieu, en tenant compte de leurs besoins particuliers. On trouvera des textes bibliques appropriés à chaque situation. Le diagnostic d'une maladie incurable est un choc violent pour le patient et les siens. On attend donc beaucoup du pasteur. Là où le médecin ne peut plus que retarder l'échéance, le pasteur est capable d'offrir une thérapie d'un autre ordre, mais qui apporte une consolation certaine et transforme la mort, changeant la défaite en une victoire. Pour ce faire, il faut qu'il soit honnête et qu'il encourage l'honnêteté, qu'il accepte les sentiments tels qu'ils s'extériorisent devant lui, et qu'il applique la Parole de Dieu avec compréhension et amour.

Le pasteur encouragera aussi d'autres, membres de l'Eglise ou conseillers presbytéraux, à rendre visite au mourant. Parfois ces visites sont expressément souhaitées par le patient. Il peut même arriver que la visite d'un certain paroissien apporte plus de réconfort que celle du pasteur. Celui-ci n'en prendra pas ombrage. Un mourant a droit à toutes les formes de consolation auxquelles il aspire.

 

La cure d'âme auprès de la famille en deuil :

Le décès de son conjoint est sans doute la perte la plus douloureuse qu'une personne puisse subir. D'autres décès sont également particulièrement éprouvants. Cela dit, l'accompagnement pastoral des familles en deuil est toujours difficile, mais il est nécessaire et très apprécié. Les principes que nous avons énoncés pour la cure d'âme auprès des mourants s'appliquent également ici.

Le deuil fait partie de la vie, car la perte d'un être cher en fait partie. De même que l'homme doit apprendre à bien vivre, de même il lui faut apprendre à bien assumer le deuil. Ce n'est pas facile, car les occasions ne sont pas si nombreuses que cela. D'autre part, les enfants sont souvent protégés contre le deuil par leurs parents. Des études révèlent qu'un deuil mal assumé peut engendrer des maladies telles que troubles fonctionnels, cancer, ulcère ou maladies mentales, etc. Bien des actes hostiles à la société et des comportements délinquants sont le fait de gens qui ne sont pas parvenus à surmonter leur deuil après un décès très mal vécu. Nombreux sont les délinquants qui ont perdu un parent en bas âge et dont le comportement est une manifestation de colère contre ce qu'ils perçoivent comme une injustice, contre des événements qui les ont privés de sécurité et de bonheur.

La cure d'âme auprès de la famille en deuil est fonction de la nature et des circonstances du décès, des sentiments et réactions des proches parents et, dans une certaine mesure aussi, des relations que le pasteur entretient avec la famille.

On demande parfois au pasteur d'aller annoncer la nouvelle du décès à la famille du défunt. Il ne faut pas qu'il se dérobe à cette mission dont on le charge un peu en raison de son ministère et de la confiance particulière qu'on a en lui. Il s'en acquittera d'une façon simple, directe et calme, sans recourir à des formules ambiguës. Il faudra ensuite qu'il accepte la réaction émotionnelle suscitée par la nouvelle du décès et qu'il apporte un réconfort approprié.

Les funérailles devraient, partout où cela est possible, avoir lieu dans le cadre spirituel qui est celui de la famille, et donc dans la chapelle de sa paroisse. Elles sont à la fois un culte rendu à Dieu et une confession de la foi et de l'espérance chrétiennes. Quand l'Eglise enterre ses fidèles, elle affirme sa foi en la victoire sur le dernier ennemi, la mort. Celle-ci constitue la prédication la plus éloquente de la Loi, car elle est selon, l'enseignement de la Bible, le salaire du péché. Son pouvoir sur les pécheurs est universel. Personne n'y échappe. Quand la mort entre dans une maison, ceux qui portent le deuil songent à leur propre mort et à leur destinée éternelle. Le moment est donc propice pour annoncer ce que la Parole de Dieu révèle au sujet de la vie, de la mort et de l'au-delà. Les funérailles chrétiennes sont le lieu privilégié pour cela. Elles sont aussi en particulier l'occasion d'affirmer ce que croit et confesse l'Eglise et d'annoncer la nécessité pour chaque homme de se repentir et de se convertir au Christ. Pour que l'Eglise soit crédible avec son témoignage, le pasteur doit, bien sûr, éviter d'enterrer toute personne qui n'a pas confessé la foi chrétienne de son vivant ou, à défaut, sur son lit de mort.

Le sermon d'enterrement doit toujours annoncer la Loi et l'Evangile, affirmer l'universalité de la malédiction du péché et de la condamnation qu'il entraîne, et proclamer le pardon des péchés et la victoire sur la mort et l'enfer par la foi en Christ. Mourir pour un chrétien, c'est se séparer de ce corps corruptible pour aller chez le Seigneur, et cela dans l'attente de la résurrection des morts.

Les gens qui portent le deuil éprouvent des sentiments divers au moment du décès et après lui. Chacun le fait à sa façon en fonction des relations qu'il a entretenues avec le défunt, de la nature et des circonstances du décès, de ses particularités émotionnelles et d'expériences semblables vécues dans le passé.

Les différentes phases du deuil :

Apprendre le décès d'un être aimé suscite toujours le choc, que ce décès ait été pressenti ou qu'il soit inattendu. La première réaction est souvent l'absence d'une manifestation de sentiments, l'indifférence ou la négation. Il ne faut pas s'en offusquer. C'est un mécanisme de protection temporaire destiné à absorber la souffrance causée par le décès. En réagissant ainsi, on se donne le temps de « digérer » la mauvaise nouvelle.

Ceux qui portent le deuil se plaignent souvent de malaises de toutes sortes, rhumes, troubles fonctionnels et surtout digestifs, insomnies, difficultés à se concentrer, crises de larmes, logorhée, etc. Cette phase est généralement assez courte, mais peut cependant s'étendre sur des mois. Quelques bons conseils d'hygiène (diététique, activités physiques) sont utiles. Il faut veiller en particulier à ce que ceux qui portent le deuil ne se réfugient pas dans l'alcool ou la prise intempestive et anarchique de médicaments.

Ceux qui portent le deuil sont souvent amers, voire en colère contre le défunt, eux-mêmes, le pasteur, la société en général et Dieu lui-même. Il convient de ne pas dramatiser. C'est encore un réflexe de défense, une façon d'exprimer une frustration parce qu'on a subi une perte, qu'on doit vivre une situation douloureuse qu'on n'a pas pu contrôler.

C'est le sentiment le plus répandu chez ceux qui portent le deuil. Il s'exprime par des phrases du genre : « Si j'avais fait ceci ou cela, il (ou elle) ne serait pas mort », « Je n'ai pas fait mon devoir », « J'aurais dû lui témoigner plus de patience et d'amour ». La mort supprime toute possibilité de réconciliation. Le sentiment de culpabilité au moment d'un décès est généralement irrationnel. Il peut aussi être légitime et fondé. Dans ce cas, le pasteur sait ce qu'il a à faire pour aider les gens à le surmonter.

Quand l'agonie a été particulièrement longue et douloureuse, la famille éprouve un soulagement le jour du décès. Or ce sentiment de soulagement peut en générer un autre, le sentiment de culpabilité. Cela se comprend, et il faut tout faire pour permettre aux gens de le surmonter.

Les gens qui portent le deuil passent par une phase de déprime : crises de larmes, sentiment de solitude, peur de l'avenir, perte d'identité pour celui que la mort prive de son rôle de mari, de femme ou de parent. On ne se sent plus nécessaire, désiré ou utile. On se réfugie volontiers dans le sommeil, l'inactivité, l'apathie, quand ce n'est pas dans les médicaments ou les drogues de toutes sortes. Certains ont des pensées suicidaires. Il faut tenir compte de tout cela et apporter une aide faite d'affection et de compréhension, en sachant que c'est là généralement une phase transitoire.

C'est la dernière phase : la perte de l'être aimé est acceptée, le chagrin est en grande partie surmonté, l'intéressé a retrouvé un sens à la vie. On accepte finalement de vivre sans l'être aimé qu'on a perdu. Le sourire et la bonne humeur sont revenus. On n'est plus rivé au passé, mais on pense au présent et à l'avenir. La souffrance est là, mais la vie continue.

Le pasteur fera tout pour aider ceux qui portent le deuil à accéder aussi vite que possible à cette dernière phase, sans pour autant sous-estimer leur chagrin et les obliger à progresser à un rythme donné. Les liens qu'on entretenait avec le défunt doivent se convertir progressivement d'une relation de présence en une relation du souvenir. Il faut accéder à une nouvelle identité basée sur une vie sans le défunt et qui a une signification nouvelle. Le temps y est pour beaucoup. A lui seul il guérit, quoi qu'on en dise, beaucoup de plaies. Il possède une vertu thérapeutique en soi. Mais il va de soi que les promesses de l'Evangile concernant la vie éternelle et les retrouvailles dans le ciel aident par-dessus tout le chrétien en deuil à accepter la perte de l'être aimé et à se réconcilier avec ce qui lui est arrivé.

On pense de nos jours que le travail de deuil prend environ deux années. Le temps requis dépend, bien sûr, de nombreux facteurs objectifs (nature et circonstances du décès, situation familiale et sociale de celui que frappe le deuil) et subjectifs (liens avec le défunt et constitution psychique). Il n'existe pas de normes à ce sujet, et chacun doit vivre son deuil à sa façon. La période la plus critique est certainement le premier mois après le décès ; ensuite, les symptômes du deuil s'atténuent progressivement et mettent, selon les individus, plus ou moins de temps à disparaître.

Il existe des deuils aggravés, et deux facteurs y contribuent : le conditionnement social qui nous enseigne à supprimer la souffrance et la douleur, et notre manque d'expérience concernant le processus et les mécanismes du deuil. On distingue entre quatre catégories de deuils aggravés:

C'est en général le refuge dans une phase particulière du deuil dont on refuse de sortir qui indique qu'on a affaire a un deuil aggravé. La tristesse qui envahit la personne en deuil quand viennent des anniversaires ou des jours de fête, les crises de larmes à l'église, le fait de parler excessivement du défunt ne sont pas en soi des symptômes de deuil aggravé. Dans certains cas, le pasteur n'hésitera pas à orienter les intéressés vers un psychothérapeute compétent et, dans la mesure du possible, chrétien. Rares sont en effet les pasteurs suffisamment formés par leurs études et par leur expérience pastorale pour faire face à ce genre de situation.

La proclamation constante dans la paroisse de ce qu'enseigne la Bible au sujet de la grâce divine, du pardon, de la mort, de la résurrection et de l'éternité est sans doute le moyen par excellence pour préparer les chrétiens à faire face à leur propre mort et au départ de ceux qu'ils aiment. C'est ainsi qu'on fait grandir les chrétiens dans la connaissance et dans la foi, qu'on les assure de la présence divine et qu'on les aide à assumer leurs émotions et à contrôler leurs craintes et leurs appréhensions.

Le pasteur s'efforcera d'être aussi un ami attentionné, bénéficiant de la confiance de ses paroissiens en détresse. Il invitera les membres de sa paroisse à faire de même, avec tact et discrétion.

Voici, pour terminer, quelques conseils tout à fait pratiques à l'usage du pasteur et des paroissiens:

Le pasteur, chargé dans son ministère de consoler ceux qui souffrent, fera bien de réfléchir souvent à ces paroles de l'apôtre Paul : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l'objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction ! Car de même que les souffrances de Christ abondent en nous, de même notre consolation abonde par Christ. Si nous sommes affligés, c'est pour votre consolation et pour votre salut. Si nous sommes consolés, c'est pour votre consolation, qui se réalise par la patience à supporter les mêmes souffrances que nous endurons. Et notre espérance à votre égard est ferme, parce que nous savons que, si vous avez part aux souffrances, vous avez part aussi à la consolation » 30

La condition de l'homme dans ce monde requiert la souffrance. C'était vrai pour Paul. Cela l'est aussi pour tous les pasteurs et pour tous les chrétiens du monde. Mais Dieu console les pasteurs et tous les serviteurs de son Eglise, pour qu'ils puissent consoler à leur tour ceux qu'il a confiés à leurs soins.

 


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6-Octobre-2002, Rev. David Milette.